Fyctia
32 - Lorenzo.
Consterné, les yeux vissés sur le message ridicule rédigé par JB, je passe une main dans mes cheveux noirs en bataille en me mordant la lèvre inférieure presque jusqu’au sang. Je le foudroie du regard et il a au moins l’intelligence d’adopter une posture défensive.
« Je passe pour quoi, moi, maintenant ?
« Tu ne lui aurais jamais envoyé un autre message, Loren, répond Gaëtan, sur un ton conciliant.
« Mais évidemment que non, mec ! Je lui ai dit bonne nuit hier soir. C’était à elle de m’envoyer un message aujourd’hui si elle voulait poursuivre la conversation avec moi. Peut-être qu’elle ne l’a pas fait parce qu’elle n’en a juste pas envie.
« Mec… Réfléchis un peu. Cette fille, elle est censée être tout ton contraire, non ? Extraverti comme tu es, elle doit être hyper timide et réservée. Si ça se trouve, elle n’attendait qu’un autre message de ta part. Mais toi, avec ta fierté italienne de macho de merde, t’aurais jamais relancé votre échange sans notre aide.
« De toute façon, elle t’a éclaté à FIFA… T’en as déjà plus, de fierté !
« Quand on ne sait même pas conjuguer au présent un verbe du deuxième groupe, on ferme sa gueule, JB, rétorqué-je sèchement, peu amène.
« Loren... Je te connais, mon vieux. T'étais tout content de nous parler d'elle et de nous montrer ce que t'as déjà débloqué. Avoue que t’as qu'une envie, c'est de continuer à lui parler et à gagner cette première... C'est quoi, déjà ? Le nom du truc pour savoir son prénom ? Ah, oui, une Plume, c'est ça ? » reprend Gaëtan, picorant de nouveau sa salade de pâtes, une moue amusée flottant sur son visage.
Oui.
« Non, je m’en fous complètement. »
Je hausse les épaules, avec toute la mauvaise foi dont je suis capable. De la pointe de ma basket, je pousse JB dans les côtes, occupé à ramper par terre pour retrouver son bédo, qui a roulé sous le canapé, dans la débandade. Ce dernier se cogne contre le coin de la table basse et son petit cri de douleur est la plus belle des musiques à mes oreilles.
Résigné, je reprends ma place à côté de Gaëtan, qui change de sujet, et me force à finir de manger le contenu de mon tupperware. J’écoute à peine ce que mes deux amis se racontent, tant je suis focalisé sur l’écran noir de mon téléphone, à l’affut du moment il s’allumera pour me notifier l’apparition d’un nouveau message.
Le temps de la pause-déjeuner passe à la vitesse de la lumière et je n’ai pourtant toujours rien reçu de la part de Requin-Corail. J’ai l’impression que mon humeur s’est dégradée minute après minute. Clairement, ça doit se voir sur mon visage, puisque Gaëtan et JB n’ont même pas le courage de me le faire remarquer. Ils restent tout autant silencieux quand je m’assois rageusement à l’arrière de la Seat - en jetant mon sac à dos à mes pieds - pour le trajet du retour, alors que je prends toujours le siège de devant, d’habitude.
Je suis en train de me mordre l’ongle du pouce quand je sens enfin mon téléphone vibrer dans ma poche. Je me redresse aussitôt et pose une main sur ma cuisse, là où se trouve l’appareil, pour être sûr que je n’ai pas rêvé. Les yeux bleus perçants de JB croisent les miens dans son rétroviseur et je surprends le regard en coin et le sourire malicieux qui flotte sur les lèvres de Gaëtan, à moitié tourné vers moi, à l’avant de la voiture.
« Pfff… » craché-je.
Je croise les doigts sur mes genoux, en faisant mine de regarder le paysage urbain défiler par la fenêtre. J’imprime sur mon visage une moue indifférente qui contraste avec la vive agitation que je ressens réellement.
Je me force à ne pas me jeter sur mon smartphone. Il n’est pas question que je leur donne cette satisfaction.
Quand on arrive enfin au parking du Centre de Médecine du Sport, je n’y tiens presque plus. J’ai l’impression que le trajet a duré une heure, alors que cinq minutes à peine nous séparent de l’appartement de JB. Avec impatience, je claque mon bras contre celui de mon pote par-dessus sa vitre pour lui dire au-revoir et je me dirige vers le bâtiment à grandes enjambées. Gaëtan est presque obligé de courir pour se maintenir à côté de moi.
Arrivés devant ma porte, je note que sa saleté de sourire n’a pas toujours pas quitté sa saleté de visage.
« Tu finis à quelle heure ? me demande-t-il.
« Je n'ai plus personne après 18h.
« Moi, je finis à 17h30. Je ne peux pas t'attendre ce soir, je dois directement filer chez Pichu lui déposer le siège-auto que lui refile la sœur de Soph.
« Pas de soucis. Tu leur passeras le bonjour de ma part.
« T'inquiètes, ça sera fait... Bon, ben, à demain, vieux. Je ne te retiens pas plus longtemps. Tu as l'air très pressé de préparer ta table pour ton prochain client. Je ne voudrai pas retarder tout ce travail que tu as sur le feu... », lance-t-il le plus sérieusement du monde.
Je fais semblant de ne pas remarquer l’éclat de rire qui transperce sa voix.
« C’est ça. On se voit demain. », grogné-je.
Je suis en train de refermer la porte de mon cabinet derrière moi quand je l’entends s’esclaffer à pleins poumons dans le couloir.
« Bande de connards. », marmonné-je, amusé malgré moi.
Je pose mes affaires en un éclair et fonce m'asseoir à mon bureau. Un coup d'œil à la pendule accrochée au mur m’apprend que j’ai encore dix bonnes minutes avant l’arrivée de ma première consultation de l’après-midi. Je sors - enfin - le téléphone de ma poche et un sourire satisfait étire mes lèvres d’une oreille à l’autre quand je vois le nom de Requin-Corail s’afficher à l’écran. Je double-clique dessus pour ouvrir la chatbox de notre conversation.
Je pouffe, même si je passe pour un illettré à cause de JB.
Comme j'en veux un peu à mon Opposé de ne pas avoir fait le premier pas vers moi ce matin, je décide de mettre les deux pieds dans le plat. De la secouer un peu.
Sa réponse met quelques minutes à arriver.
[ ** Lucie ** : Information erronée, Requin-Corail.
L’application Horloge de ton téléphone m’apprend que ton réveil a sonné à 12h30.
Il n’y a pas eu de Rappel d’alarme.
Tu t’es connectée aujourd’hui à Oxymore - Les opposés s’attirent à :
12h34m04s.
Tu as ouvert la chatbox aujourd'hui sur ta conversation avec ZizouMaldini25 à :
12h35m01s.
12h47m55s.
13h12m33s.
13h35m59s.
13h49m18s. ]
Abasourdi, je suis obligé de relire plusieurs fois, les sourcils froncés.
Mes poings se ferment quand je vois le voyant vert qui atteste que Requin-Corail est ligne virer aussitôt au rouge.
Yo, tu me mens et tu te casses comme une lâche ?
Comment une fille dont je ne connais ni le prénom ni le visage peut réussir à me foutre en rogne ?
20 commentaires
Calliste Bright
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Il y a 4 ans
Elyse Legrandelys
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Il y a 4 ans
Aryn.Leaf
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Il y a 4 ans
Mymy M. *Sakuramymy*
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Il y a 4 ans
Barbara Dhilly
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Il y a 4 ans
Hilona Garry
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Il y a 4 ans
Hilena
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Hilona Garry
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Il y a 4 ans
Hilena
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Il y a 4 ans
Hilena
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Il y a 4 ans