Fyctia

Chapitre 3

Edouard.

J’en profite pour regarder son visage. La première chose que je remarque sont ses yeux brun clair qui s’accordent aux légères taches de rousseurs qui éclairent son nez et ses pommettes. Des cheveux châtains encadrent son visage. Elle ne semble porter qu’un peu de mascara noir et celui-ci s’accorde parfaitement à son sweat noir. Son air mal réveillé la rend vraiment mignonne, même avec ses yeux soulignés par des cernes bleutés. Nos mains se séparent et je m’adosse au lave-vaisselle tandis qu’elle s’assoit sur le plan de travail juste en face de moi, ses jambes balançant dans le vide.

« La fête t’a plu au moins ? C’est la première fois que j’en fait une chez moi, me confie-t-elle. »

Son air soucieux me déconseille d’être honnête d’autant que ce n’est pas sa faute si je me suis ennuyé. Je suis clairement chiant et elle n’y est pour rien.

« Ouais c’était vraiment cool, merci en tout cas de m’avoir accueilli c’est super….

-Gentil ? devine-t-elle. »

Nous rigolons tous les deux.

« Il y a certaines musiques qui sont passées qui étaient vraiment sympas, c’est toi qui as fait la playlist ?

-Ouais mais la plupart de mes potes n’aiment pas trop ce que j’écoute donc j’ai ajouté leurs sons dans la playlist, m’explique Victoire

-Ah ouais donc les sons gênants qui passaient n’avaient rien à voir avec tes goûts tu vas me dire ? je lance en souriant

-Non vraiment pas je te jure mec, mais je te rejoins clairement sur le fait que leurs sons sont très gênants

-T’écoutes quoi toi alors ? »

Avant qu’elle ne puisse me répondre, le son d’une notification retentit, coupant court à la conversation. Je suis suffisamment proche du plan de travail pour apercevoir l’icône de la notification sur son écran. Un carré rose framboise sur lequel se distinguent une deux lettres « e » se faisant face. Difficile de ne pas reconnaître le célèbre logo de l’application de rencontre la plus en vogue du moment, si on en croit les publicités de la marque qui passent à la télé. D’autant plus que Paul m’a installé l’application il y a plusieurs mois de cela en espérant que je trouverais l’âme sœur dessus. Je réprime un gloussement à cette idée. Inutile de préciser que je n'ai jamais cliqué sur l’appli. En face de moi, Victoire lit le message qu’elle a reçu avant de fourrer son téléphone dans la poche ventrale de son hoodie. Pendant ce court instant, je me rends compte que je me sens bien. Bien mieux que durant la soirée. Je passe juste un bon moment et malgré la simplicité de la conversation, pour une fois, mes muscles ne sont pas tendus et la spirale de mes pensées invasives semble s’être arrêtée. Toutefois, lorsque la voix de Victoire brise le silence, je peine à refouler le sentiment de déception qui s’empare de moi.

« -Je vais me recoucher, salut Édouard.

-Oh okay, bonne nuit Victoire, je bredouille. »

Elle quitte la pièce.

Non mais sérieux, j’ai dit un truc qui n’allait pas ou alors c’est le message qu’elle a reçu qui l’a troublée ? Je passe ma main sur mon visage pour repousser les boucles brunes qui tombent sur mes yeux. Je suis allongé sur mon lit, vêtu d’un simple boxer et j’essaie de lire. Je suis rentré il y a seulement quelques heures de la soirée et on est dimanche, alors j’ai pris une rapide douche et j’essaie de me reposer et de récupérer de cette nuit sans dormir. Mais ma tentative pour lire semble vaine puisque je n’arrête pas d’être dérangé par des pensées en rapport avec Victoire. Je ne cesse de repasser le fil de notre conversation dans ma tête. J’ai peur d’avoir fait quelque chose qu’il ne fallait pas mais je crois qu’en fait, j’ai juste un problème pour faire une fixette sur une fille à qui j’ai parlé cinq minutes à peine. Je ne devrais pas me prendre autant la tête pour un truc qui ne signifie rien d’autre qu’une banale conversation de politesse. Elle a juste voulu être sympa avec le mec chelou qui traînait dans sa cuisine.

Je devrais quand même lui envoyer un message pour la remercier pour la soirée. « Tu l’as déjà remercié en vrai » me rappelle à juste titre ma conscience. Et alors ? Mieux vaut deux fois qu’une.

Je n’ai pas son numéro et je n’ai pas envie qu’elle pense que je suis un mec lourd qui la trace sur les réseaux sociaux. Soudain, une idée me traverse l’esprit. Peut-être que c’est encore pire que de passer pour un stalker mais je clique quand même sur l’icône rose de mon téléphone et « Trouvez l’amour sur notre site de rencontre » apparaît sur mon écran. Après que j’ai initialisé mon profil, une coach me demande si je cherche un homme ou une femme mais j’ai envie de lui répondre que je recherche une femme en particulier. Cependant, ce sont des dizaines de femmes qui s’affichent à présent sous mes yeux et une légère panique s’empare de moi. J’habite dans une ville qui n’a pas tant d’habitants que cela et mes espoirs reposent là-dessus : je compte trouver le profil de Victoire puis la contacter comme si cette rencontre virtuelle ne relevait que d’un parfait hasard. Mes doigts défilent à travers les différents profils sans que je n’en like un seul. Je me félicite rapidement d’avoir activé un filtre sur l’âge qui permet d’affiner mes recherches lorsque je m’aperçois que le nombre de profils afficher s’est largement réduit. Sa photo s’affiche soudain sur mon écran et je reconnais instantanément ses yeux noisette qui sont mis en valeur par un tee shirt noir.

« Victoire, 18 ans

Célibataire / Je n’ai pas d’enfants / 167cm

En ligne depuis moins de 24h

Flawless - The Neighbourhood »

Je souris en lisant les caractéristiques de son profil à l’idée qu’elle a, elle aussi, menti sur son âge pour être s’inscrite sur ce site. Je pose mes yeux sur sa description qui n’est en fait qu’un titre de musique mais ça me plaît bien et cela la rend encore plus mystérieuse à mes yeux. Je clique sur la petite bulle de discussion sous sa photo et tapote frénétiquement sur les touches de mon clavier.

« C’est drôle de te croiser sur ce site, mais au moins maintenant j’ai ma réponse sur ce que t’écoute :) »

Le « :) » est de trop, non ? Je n’en sais rien, et un mal de tête commence à venir frapper mes tempes. J’envoie le message, puis enfile un short de survêtement gris avant d’entrer dans la chambre de mon frère Paul, sans prendre la peine de frapper.

« -Ça te dis qu’on aille faire du vélo ? je lui lance. »

Mais mon frère semble plongé dans un lourd sommeil. « Pas étonnant vu la mine qu’il a dû se mettre hier » me souffle une petite voix dans ma tête. Je ne sais même pas comment il est rentré, car je suis rentré seul à pieds. Le téléphone posé sur sa table de nuit vibre et je remarque qu’il n’a plus que 3% de batterie. Je décide donc de le brancher à un chargeur pour qu’il ait un maximum de batterie à son réveil. Au moment où j’encoche l’embout du chargeur dans le téléphone, une notification s’affiche et, sans que je ne le veuille, mon cerveau parcourt la courte phrase. C’est un texto d’un certain Marius, « j’ai passé une super nuit avec toi ❤️ ».