Fyctia

Vient mon tour de passer, j’abandonne mon téléphone au fond de ma poche avec ce sentiment de frustration qui semble me coller à la peau depuis la veille.

— Bonjour, mademoiselle, que puis-je faire pour vous? m’accueille une jeune femme au teint halé et aux cheveux noir corbeau relevé en un chignon stricte.

— Bonjour, je suis June Lacroix, la journaliste qui accompagne Laurent De Yves. Je pense qu’il y a eu une erreur dans le dispatche des chambres.

— Oh? Nous avons pourtant suivi les directives de votre patron. Un problème avec votre suite.

— Avec la suite en elle-même, non. Mais avec ses occupants oui!

— Oh non! réagit elle peinée. Nous n’avons pas d’autres chambres disponibles. L'hôtel est complet à cette période. Est-ce grave?

— Non rassurez-vous Carmen, je lis son prénom sur son badge agrémenté de gui, c’est juste un problème d’entente. Je pensais me retrouver avec deux femmes, pas deux hommes que je ne connais pas.

— Je vois, je peux faire venir la sécurité, s’il y a eu des gestes déplacés, ajoute t-elle en paniquant légèrement.

— Non, non, rien de cela ne vous en faites pas. Mais n’y a-t-il pas la possibilité de m’ajouter dans une chambre ou de changer avec quelqu’un?

— Malheureusement, comme je vous le disais, toutes nos chambres sont occupées et la consigne de Monsieur De Yves était claire quant au dispache.

— Oh, oui, je comprends, je murmure, affichant une moue boudeuse.

— En revanche, ajoute t-elle d’une voix douce en se rapprochant de moi, si vous trouvez une personne d’accord pour échanger, venez me voir avec elle, je ferai le nécessaire.

— C’est adorable, je vous remercie.

Contrariée, je quitte le brouhaha ambiant et me dirige vers le restaurant principal où un buffet grandiose m’attend. Je compte bien noyer ma mauvaise humeur avec un petit déjeuner gargantuesque.

Je me demande bien pourquoi le créateur à fait ce choix concernant la répartition des chambres? Est-ce parce qu’il avait prévu de nous mettre en binôme, Sam et moi? Il faudra que je lui demande lors de notre interview.

Une fois mon assiette bien remplie, je traverse la salle à la recherche d’une place, si possible sur la terrasse. J’aime profiter des premiers rayons du soleil. Il y a déjà beaucoup de clients attablés, mais je repère Sarah, seule à une table. J’ai de la chance car elle se trouve à l'extérieur, pile là où je souhaitais m’installer.

Les yeux rivés sur son téléphone, elle ne me voit, ni ne m’entend arriver. Ses cheveux dorés sont relevés dans une queue de cheval et tenus par un élastique rose orné d’un nœud de la même teinte. De grosses fleurs du même fushia que dans sur sa tête composent sa robe à fines bretelles blanches. Elle est décontractée et classe à la fois.

— Salut ! je la surprends

— Oh tu m’as fait peur! déclare-t-elle une main sur le cœur.

Ses yeux bleus sont rieurs, signe qu’elle ne m’en veut pas trop pour cette irruption.

— Je peux m'asseoir avec toi?

— Oui bien sûr, avec plaisir. Que fais-tu debout si tôt?

— Le décalage horaire sûrement, puis je ne me suis pas couchée tard.

— Ah oui? Pourtant, quand j’ai quitté la soirée, tu étais enlacée sensuellement dans les bras du photographe. Elle agrémente sa réplique en jouant des sourcils. Je pensais vraiment que vous alliez finir la soirée ensemble…

— Oui, et bien à priori il a préféré ta collègue! je rétorque amèrement.

— Qui ? Sophie? Non ça m’étonnerai! Pas de sa part à elle, mais, lui, il te dévorait du regard hier soir. Et votre danse, waouh, c’était chaud!

— Bah écoute, je l’ai vu sortir de sa chambre en peignoir, alors que lui sortait de la douche. Pour moi, pas trop de doute. Mais bon, c’est pas grave, je n’attendais rien de lui.

— C’est vrai que je ne l’ai pas entendu rentrer et je ne l’ai pas croisé ce matin. Peut-être qu’il y a une autre explication?!

J’attrape un morceau de pain grillé et me renfrogne dans mon siège. Ses yeux bleus océan me fixent d’un air désolé.

— Je ne sais pas quoi te dire June, s'inquiète-t-elle en posant sa main sur la mienne. Elle n’est pas méchante, mais elle aime attirer l’attention sur elle, encore plus de la part des hommes.

— Eh mais ça va, je te rassure. Je ne vais pas déprimer pour un mec que je ne connais pas. Je suis là pour le boulot et rien d’autre!

Nous passons une bonne heure à discuter de ma difficulté à m’imposer au journal. Nous parlons aussi des réseaux sociaux du créateur mais aussi des miens. Sa présence est agréable. Elle est timide et ne fait rien qui puisse apporter l’attention sur elle.

C’est comme si, nous nous connaissions depuis des années. Il n’y a pas de blanc, pas de gêne. C’est fluide et naturel. Je sens qu’elle est sincère et que je peux lui faire confiance.

— Depuis combien de temps tu bosses pour Laurent? je la questionne pour en apprendre plus sur elle.

— Un peu plus de deux ans.

— Ah oui, quand même! Tu as dû beaucoup voyager alors. C’est pas trop dur pour tes proches?

— Je n’ai pas de petit ami et mes parents bougent énormément donc pour le moment ce n’est pas dérangeant. D’ailleurs, il n’est pas rare que l’on se croise parfois, s'amuse-t-elle. Par exemple, en ce moment, ils sont au Costa Rica.

— Que font-ils dans la vie? Si c’est pas indiscret. Désolée, je pose beaucoup de questions. Déformation professionnelle. je hausse les épaules en lui offrant un sourire gêné.

— Non t’en fais pas, ça ne me dérange pas! Ils possèdent un magazine sur les voyages. Je suis certaine qu’ils aimeraient beaucoup ton compte Instagram, s’ils étaient calés dans ce domaine.

— Waouh c’est super, ils ont beaucoup de chance! J'aimerais beaucoup voir ce qu’ils font, ils ont un compte? C’est quel magazine?

— Oui, mais pour l’instant il n’y a pas grand chose dessus. Comme je te disais, ils ne connaissent pas grand-chose aux réseaux sociaux. J’ai tenté de les aider. Cependant, je n’ai pas beaucoup de temps. Ils sont plutôt vieux jeu , donc travaillent principalement sur papier. C’est “ Une semaine, un voyage”

— Non t’es sérieuse? J’adore ce magazine, j’y suis abonnée. Beaucoup de leurs articles m’ont guidé dans mes choix d’excursion. C’est vrai que c’est dommage qu’ils n’aient pas un compte Insta, ni même un blog.

— Oh c’est vrai? Le monde est petit! Oui, je leur ai déjà dit tout ça, mais ils sont têtus.

Elle rit de bon cœur. Ses yeux expriment l’amour et l’admiration qu’elle a pour eux.

— Ils seront contents de savoir que quelqu’un de notre âge apprécie leur travail. Tu pourras même leur dire car ils vont venir ici à partir du 24. Nous passons le 25 ensemble, ensuite je repars avec eux le 28. Laurent a accepté qu’ils viennent et m’a donné quelques jours de repos avant la soirée du 31.

— C’est génial! Je suis contente pour toi! LA soirée du 31? Qu’est-ce qu’il y a de particulier ce soir-là? je demande curieuse.

— Hein quoi? Non rien du tout, bafouille-t-elle.

— Sarah? je ne te connais pas beaucoup, mais tes joues sont devenues rouges et ce n’est pas le soleil.

— C’est vrai, mais je n’ai rien droit de le dire, cela concerne la surprise..