Fyctia

Toujours aux côtés de Laurent, qui semble avoir oublié notre présence, nous tâchons d'écouter la suite de son laïus.

— Comme vous avez pu le deviner, le thème de cette année, est… Noël !

Il accompagne son annonce d’un geste théâtral, bras grand ouvert.

Je suffoque et tousse, ce qui fait réagir mon bourreau. Oui, il vient de gagner ce rôle avec cette satanée annonce.

— Merci, les amis, vous pouvez rejoindre vos places, nous invite-t-il, se rendant compte de notre présence.

Je ne me fais pas prier et passe devant Sam sans même lui jeter un regard. Je m’occuperai de cette histoire d’équipe plus tard! Il faut que je sorte d’ici, que je prenne l’air, mais ma robe m’empêche de me mouvoir comme je le souhaite. Je sens une présence dans mon dos, ce doit surement être Sam, mais je m’en fiche. Les battements saccadés de mon cœur me parviennent jusqu'aux oreilles.

— Bon sang, c’est vraiment la poisse, sifflé-je entre mes dents.

— Ça va, cache ta joie! me surprend mon nouveau coéquipier qui m’a rejoint.

Ses yeux s’assombrissent. Ils sont durs. Je fronce les miens, ne comprenant pas sa réaction.

Soudain, je réalise qu’il se méprend sur la mienne. Il doit penser que je suis en colère de devoir travailler avec lui, alors que la vérité est tout autre. Mais je ne peux rien lui avouer.

Alors que je comptais me rendre directement aux toilettes, Edouard m’arrête dans mon élan. Je tente de dissimuler ma respiration hachée.

J’aimerai dire à Sam que ce n’est pas ce qu’il imagine mais il se ferme et va s’asseoir. Sophie le harponne et lui offre une vue plongeante sur sa poitrine et pose sa main sur sa cuisse. Cette fois, mon palpitant rate un battement, et un sentiment de colère me ronge.

À son tour, il avale d’une traite son verre et lui offre LE sourire, celui qui ravage, puis, il s’assure que j’ai été témoin de son petit jeu. Il cherche à prouver que ma réaction ne l’atteint pas, mais me montre que c’est tout le contraire.

— Alors que penses tu de ce thème? se réjouit l’agent.

À contre cœur, je reprends ma place et lui propose un large sourire.

— C’est chouette!

— J'espère que tu aimes Noël, parce qu’avec ce qui nous attend, tu serais foutue si ce n’étais pas le cas.

NON JE DÉTESTE ai-je envie de hurler, mais je panique et mens.

— Oui, j’ai tellement hâte. Je flirte carrément avec lui en m’assurant que Sam ne loupe rien du spectacle.

Mais pourquoi je rentre dans son jeu au juste?

On ne se connait pas, nous avons juste une simple attirance, car oui c’est ce qu’il se passe. J’en suis consciente et je sais reconnaître quand c’est réciproque. Il a beau essayer de le cacher, mais ses yeux le trahissent.

Edouard est surpris quand je passe un bras sur le dossier de sa chaise et que je touche son épaule. Le pauvre, il n’a rien demandé, mais il se trouve qu’il est le seul à avoir toutes les infos et j’ai besoin d’en savoir plus pour me préparer à ce qui m’attend et à ce que je vais subir.

— T’inquiètes, tu vas vite le savoir, rétorque t-il en pointant du doigt son boss qui continue son flot de paroles.

— Donc, reprend LDY, vous allez tous recevoir un parchemin sur lequel sera indiqué votre planning pour les prochains jours ainsi que la composition des équipes pour les défis. Évidemment, vous me connaissez, j’aime garder des surprises, vous ne découvrirez que demain, le contenu des jeux ainsi que la collection sur laquelle nous travaillons.

Attendez quoi?

J’ai loupé un épisode pendant que je tentais de rendre Sam jaloux, et pourquoi en plus?

Quels jeux, quels défis?

C’est un cauchemar, réveillez moi! Je ne suis pas au paradis, mais bien en enfer!

L’agitation autour de moi se fait de plus en plus électrique. Des serveurs avec des bonnets de père noël déambulent entre les tables et distribuent les fameux parchemins. Quelle horreur! Certains mannequins tapent dans leurs mains, d’autres sautillent sur place, et d’autres encore, poussent de petits cris aigus, trahissant leur enthousiasme.

C’est Laurent qui se charge lui-même de nous remettre nos papiers. Ses yeux noisettes brillent d’excitation et je ne peux pas le lui retirer. Il est vraiment passionné par ce qu’il vit.

Une boule s’est formé dans ma gorge que je tente de faire partir en buvant de nouveau ce délicieux vin blanc sucré. Je ne devrais pas, je le sais, c’est une mauvaise idée, mais il me faut au moins ça pour réussir à lire ce qui est inscrit sur la feuille où mon prénom, en lettres dorées, est écrit.

June

Equipe du lutin rieur: June, Sophie, Sarah, Sam, Pete, Edouard

Jour 1:

14h réunion de présentation. Terrasse de la piscine

16h essayages

20h soirée jeu “salle Christmas”

Jour 2:

10h interview n1

10h45 séance photo. Piscine principale

13h repas collectif. Restaurant “le buffet”

15h répétition défilé. Terrasse de la piscine

Soirée libre

Jour 3:

06h séance photo. Plage privée

14h répétition défilé

20h soirée jeu

Jour 4:

14h répétition défilé

17h interview n2

17h45 séance photo. Plage privée

Soirée libre

Jour 5:

10h séance photo. Chambre 315

13h repas collectif

15h répétition défilé

20h soirée jeu

Jour 6:

14h répétition défilé

17h interview n3

20h séance photo. Chambre 315

Jour 7: Libre

Jour 8:

10h répétition défilé

16h défilé

20h soirée jeu

Jour 9:

12h repas collectif et surprise

Jour 10:

09h départ

Note:

Vous n’avez aucune obligation d’assister à l'entièreté des répétitions et des séances photos, néanmoins, vous pourrez observer Laurent De Yves dans l’exercice de sa créativité et ainsi enrichir votre article d’informations complémentaires que celles données lors des différentes interviews.

***

Je n’en crois pas mes yeux, qui me piquent de voir autant d'informations. Il me faut plusieurs lectures pour assimiler ce qu’il se passe.

Où suis-je tombée? Est-ce un camp militaire, une colonie?

Je constate tout de même qu’il s’assure du repos de ses collaborateurs.

Un coup d'œil aux alentours me montre que tout le monde a l’air d’approuver cet emploi du temps imposé par, Monsieur le créateur.

La note de fin indique clairement qu’il est vivement recommandé d’être assidue si je veux avoir de quoi remplir ma double page et informer mes lecteurs.

— Ça va tu vas survivre de devoir autant me supporter? La voix suave de Sam interrompt le fil de mes pensées.

Encore une fois, son souffle me rend toute chose. Son parfum boisé envahit délicieusement mes narines.

— Je devrais y arriver, dis-je doucement, mais la question est: est-ce que, toi tu en es capable?

Les souvenirs affluent en nombre. Ma main se porte instinctivement sur mon ventre, où la cicatrice de ce jour douloureux semble brûler. Je dois joindre Orlane, c’est une situation d’urgence, j’ai besoin de son soutien et aussi de l’engueuler de m’avoir porté l'œil.

Sur ces paroles, je m’excuse, prétextant devoir passer un coup de fil, ce qui est vrai. Je me lève et sors de la salle, laissant Sam à ses occupations avec Sophie.