Fyctia
Chapitre 3
C’est quand même terriblement plus simple de dire et d’affirmer que l’on va faire quelque chose lorsque l’on a dans le sang plusieurs cocktails à son actif ! L’alcool a ce pouvoir magique – quand il est maîtrisé bien sûr – de nous libérer de certaines entraves. C’est un désinhibiteur efficace qui redouble notre confiance en nous et notre envie d’oser ce que l’on ne ferait pas en temps normal.
Adolescente, je me souviens que les soirées entre amis étaient avant tout une certaine angoisse et une gêne pour la jeune fille introvertie et mal dans sa peau que j’étais. Pourtant, trinquer et parfois suivre bêtement les copains m’a appris d’une part que j’avais une très bonne tenue face à la plupart des alcools – bien que je ne poserai plus jamais mes lèvres sur un verre de Malibu, qu’on soit bien clair – mais également que cela allait me permettre de tenter des expériences y compris la gueule de bois du lendemain qui est fracassante !
Sans ça, je ne me serai jamais retrouvée dans le même sac de couchage qu’un garçon à me bécoter gentiment alors que j’étais en seconde. Je n’aurais jamais cédé à la découverte immonde du TGV – tequila, gin vodka – et observé mon meilleur ami attendre que je flanche la première. Bien que toutes les expériences ne soient pas honorables, je ne regrette aucun de ces moments puisque d’une façon ou d’une autre, ils m’ont permis de grandir et de me forger. Peut-être que si je n’avais pas osé à certains moments de ma vie, j’aurais eu bien moins de verve et d’anecdotes dans mes romans, allons savoir !
Néanmoins, il y a un truc majeur à retenir de l’alcool. Ça nous en fait dire des trucs de merde !
Je suis indéniablement plus aventureuse et joueuse en buvant un peu d’alcool et dans l’absolu, il ne faut pas beaucoup me pousser mais à quel moment mon cerveau s’est-il dit que l’idée d’April était brillante ? Parce que non, clairement non.
Je suis assise en tailleur sur mon carrelage, devant mon canapé, l’ordinateur sur ma table basse. Je n’aime écrire que dans des positions improbables alors non mes fesses ne sont pas sur mon sofa douillet. Un verre de jus de pomme servi à côté et la fin de mon assiette de macaronis à la tomate – pour finir d’absorber la soirée de la veille.
La page word demeure blanche depuis bientôt deux heures. J’ignore quoi écrire. Je n’ai rien. Ni titre, ni plan, ni personnages, ni idées. Ça commence très mal. Je soupire de frustration face à se massacre qui se profile.
L’alcool peut aussi être un ennemi. Ai-je oublié de préciser qu’il vous faire faire des trucs totalement débiles et saugrenus ? Comme envoyer un message à son éditrice en clamant haut et fort qu’on a une nouvelle super idée et que l’on va tout déchirer avec cette romance hot. Et j’ai réellement fait ça puisqu’en me réveillant je me suis jetée sur mon portable afin de vérifier qu’il ne s’agissait que d’un mauvais rêve… La réalité a été cruelle.
Évidemment, Mags s’est empressée de me demander des détails, de m’informer qu’elle allait réquisitionner mes cinq premiers chapitres dès qu’ils seraient écrits afin de prendre la température et de vivement me rappeler que je devais corser l’histoire avec du sexe et du piment dans mes personnages pas juste de leur faire « conter fleurette ».
Ma playlist passe, Dial Tone de Catch your Breath, et je laisse ma tête s’agiter en rythme, mes cheveux frôlant mes reins en une caresse agréable. Je suis toujours en pyjama alors qu’il est plus de treize heures et comme il fait chaud, mon pyjama est composé d’un débardeur noir et d’un short Victoria Secret violet. Il paraît qu’on doit se sentir bien dans sa peau pour écrire un peu de piment selon April alors j’ai suivi son conseil – eh oui encore – et j’ai délaissé mon large tee-shirt informe. Le résultat n’est pas hyper concluant pour l’instant.
Posons les bases… Quels prénoms je pourrais choisir ? Je cogite, j’en liste trois pour le personnage masculin et deux pour mon héroïne. Je veux une femme forte et libre, qui s’assume on a dit donc il me faut un prénom en adéquation avec cette idée. Je cherche, je tente des combinaisons de nom et prénom jusqu’à trouver. Oui, la naissance d’une création réside en cela. Il m’est arrivé de passer une heure rien que pour trouver l’identité de mes personnages afin de leur donner une réelle profondeur. C’est ça que j’aime tout particulièrement en romance ; des personnages vrais, sincères et vivant des crises humaines que tout un chacun pourrait vivre. La vie, la vraie, c’est ça que j’aime retranscrire dans mes romances. L’eau de rose juste pour faire rêver, ce n’est pas moi, nous ne sommes pas si insipides et notre maladresse humaine doit se retrouver entre les pages.
Sauf que voilà, ça ne suffit plus. Donc je vais devoir me questionner davantage. Me positionner avec un aplomb plus fiable et sûr du côté de la luxure.
Je passe encore un petit moment à fouiller jusqu’à trouver la pépite. Homme et femme, ok. C’est une première fierté, pourtant, elle a un goût amer quand je sais tout ce qu’il me reste à accomplir. Je me saisis de mon carnet d’idées que j’ai laissé trôner sur la table basse. Je retire le lien qui le garde précieusement fermé et l’ouvre à la page du nouveau manuscrit. « Nouvel enjeu » comme je l’ai nommé. Pas de titres. Pas de contexte. Une époque, la nôtre. Pas d’histoire, pas d’idées, rien d’autres que ces noms fictifs griffonnés.
J’aurais dû me lancer dans le récit fantastique. Peut-être bien que cela aurait été plus simple d’écrire de l’érotisme entre un loup-garou et un vampire, non ? Quoique le loup, il coucherait sous quelle forme ? Non humaine pour mieux coller au vampire. Bon sang, mais dans quoi je m’embarque encore comme pensée ! Je secoue la tête pour m’aérer l’esprit.
J’ignore tout. Voici la triste vérité qui m’incarne. J’ignore tout de ce que je peux faire ou de ce que je dois faire.
« Écris du spicy », a asséné mon éditrice.
Mais ma vie n’a rien de spicy. Bien au contraire. Je saisis mon portable et je ne peux m’empêcher d’ouvrir dans la galerie le dernier album qui contient les photos avec Eric. On sourit avec cet air pincé et coincé, nos regards sont ternes et notre intimité tout autant mais un sourire camoufle bien des choses.
Au début de notre relation, tout se passait en mode Lune de Miel, c’est-à-cire comme pour tout le monde, on peut vivre d’amour et d’eau fraîche, de bonheur, de légèreté et de sexe. Puis les années ont passé et les rapports se sont raréfiés. Nous avons toujours gardé cette affection et cette tendresse et il n’était pas rare que nous nous rejoignions dans le canapé pour partager un film, collé l’un à l’autre.
Cependant, toute la douceur que l’on pouvait retrouver dans nos échanges ne ranimait pas la flamme de notre couple. Le déclin s’est donc amorcé… Les jours comme les nuits se sont succédés sans qu’il n’initie de gestes intimes à mon égard. J’entends déjà les jugements et les voix me crier : « Et pourquoi ce n’est pas toi qui fais une tentative de séduction ? ».
7 commentaires
sandrine13
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Il y a un an
User302009
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Il y a un an
Leonie Lonval
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Il y a un an
natha_lit
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Il y a un an
Leonie Lonval
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Il y a un an