Fyctia
Chapitre 49 (1/2)
Ma mère me réveille aux aurores, comme prévu. Élie gigote un peu avant de se tourner côté fenêtre.
— On revient, soufflé-je à son attention.
Elle marmonne quelque chose d’absolument incompréhensible. Je suis épuisé. Je me débats avec la couette. J’ai dormi tout habillé une fois de plus. Il faut vraiment que j’arrête de faire ça.
J’enfile ma Van’s bleu clair et mon manteau doublé de fausse fourrure. Ma mère ouvre la porte. Le vent fouette mon visage, me coupant le souffle. Je visse ma capuche sur mes cheveux en bataille.
Je ne suis jamais venu aussi près de chez lui. Je monte les marches de son perron, la boule au ventre. Ma mère toque, trois fois. C’est son chiffre fétiche. La porte finit par s’ouvrir sur la silhouette mince de Swann.
— Bonjour Jocelyne, souffle-t-il avant d’esquisser un sourire timide.
— Bonjour, chéri, lui sourit-elle. Ton père est réveillé ?
— Euh oui, il est devant la télé…
— Tu nous fais entrer ? demande-t-elle alors que Swann ne bouge pas.
— Euh… oui, désolé, souffla-t-il avant de s’écarter pour la laisser entrer.
Il s’écarte pour la laisser entrer avant de poser ses beaux yeux bleus sur moi, anxieux.
— Qu’est-ce qu’il se passe, Alix ?
— Je suis désolé. Je… ma mère est venue parler à ton père… de votre situation.
— Quoi ? Voilà pourquoi je ne me confie jamais à personne, répond-il les mâchoires serrées. Ce n’est pas à vous de décider pour moi, Alix…
— Oui et non. Tu sais que c’est délicat, Swann. On ne peut pas rester sans rien faire. Tu nous as mis dans la confidence et…
Je tends la main vers son visage. Alors que je pensais qu’il arrêterait mon geste, il me laisse approcher. Il a les traits tirés, des cernes violets sous les yeux. Ses cheveux ne sont pas coiffés et il porte un jogging, ce qui lui donne un air étrange. Je suis habitué aux pantalons cargos ou punk, pas aux joggings.
Mes doigts froids se referment sur le carré de sa mâchoire. Il ferme les yeux un instant. Puis, à ma surprise, ses bras s’enroulent dans mon dos et il m’enlace. Mes béquilles tapent contre son dos à lui.
— Tu… tu n’es pas en colère ?
Swann secoue la tête.
— Non, je ne suis pas en colère. Je suis juste… fatigué. Je sais que j’ai besoin d’aide, Alix. Que mon père a besoin d’aide. Je… je crois qu’en fin de compte, je me sens soulagé.
Je le serre un peu plus contre moi, en équilibre sur mon pied valide.
— J’espère que ça va bien se passer…
Swann garde le silence un instant avant de soupirer :
— Moi aussi, Alix.
Puis il me détache de lui et m’invite à entrer. Il n’y a pas un bruit, pas un éclat de voix.
La maison de Swann est beaucoup plus chargée en bibelots que la mienne. Je ne sais pas où donner de la tête. La table de la cuisine est ensevelie sous une tonne de papiers et de bazar en tout genre. Les murs, couverts de tableaux et de photos de famille. Les meubles aussi sont recouverts de cadres. La même femme revient encore et encore. La mère de Swann, très sûrement.
Je me penche sur l’un des cadres pour assouvir ma curiosité. Elle est magnifique, le regard bleu magnétique, à l’image de celui de mon charmant voisin. Je me tourne vers lui. Il lui ressemble énormément. Ils ont ce même sourire lumineux. Les mêmes cheveux raides et brillants. Mon cœur se serre dans ma poitrine. J’ai l’impression de m’immiscer dans son intimité.
L’ambiance est écrasante, dans cette maison. J’enfonce mes mains dans les poches de mon manteau, mal à l’aise. Swann me guide jusqu’au salon, où son père est endormi dans son fauteuil, ce qui explique l’absence de cris. Ma mère s’est installée au bord du canapé, les mains posées sur ses cuisses. Elle est mal à l’aise, elle aussi.
— Je n’ai pas osé le réveiller, chuchote-t-elle à l’attention de Swann.
Ses yeux vont et viennent dans la pièce, nerveux. Elle est en train d’analyser tout ce qu’elle peut. Je tient ça d’elle, cette manie de tout analyser pour me préparer au mieux. Une immense bibliothèque en bois couvre tout un pan de mur. Les étagères gondolent sous le poids des livres. Je n’en ai jamais vu autant, hormis à la bibliothèque. Mes yeux parcourent les différents étages, fascinés.
— C’était la collection de ma mère, souffle Swann à mon oreille.
— Oh.
Ce dernier se rapproche de la bibliothèque.
— Et cette petite section, ce sont ses livres.
Mes yeux s’illuminent.
— Ta mère était écrivaine ? demandé-je, admiratif.
Il valide, un sourire empli de fierté déformant ses traits.
— Wouah, c’est génial.
J’approche mes doigts tremblants d’excitation.
— Qu’est-ce que…
Swann se tourne vers son père, qui se redresse dans son fauteuil. Ma mère se dandine, nerveuse.
— Qu’est-ce que vous foutez chez moi ? grogne-t-il en se frottant les paupières.
— Euh… Jocelyne voulait te parler, papa, murmure son fils.
— Qui ?
— Jocelyne, la mère d’Alix ? répond Swann, plus comme une question qu’une affirmation.
Son père grommelle pour toute réponse, se lève de son fauteuil et quitte le salon. Ma mère nous dévisage avant d’écarter les bras, l’air de dire « wtf ? ». Le bruit de la cafetière répond à sa question silencieuse.
— J’en prendrais un aussi, merci ! crie-t-elle.
J’étouffe un rire nerveux.
— Pas de sucre, merci ! ajoute-t-elle avant de s’enfoncer plus confortablement dans le canapé fatigué.
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