Fyctia
8.6. Un garçon pour un autre
— N-non, ça ne me gène pas... Nous sommes faits pareils, après tout.
Malgré cette remarque toute pragmatique, sa voix tremblait. L'appréhension luttait avec autre chose... Depuis le début, Suni n'était que tiraillement. Il oscillait entre résistance et abandon, sur un fil entre le ciel et les abîmes. Chayan percevait ce conflit intérieur qui était aussi le sien.
Tu es trop naïf de me faire confiance si facilement pensa-t-il, déjà étourdi par les vapeurs du jasmin. Il aurait pu ne faire qu'une bouchée de ce corps alangui, s'il l'avait décidé. Cette perspective, synonyme de folie, était bannie dans les catacombes d'un passé interdit. Son présent, lui, était pavé d'impossibles ; éternel, sans échappatoire, aussi infini et âpre qu'un aride désert.
D'un geste délicat et prudent, il remonta le tee-shirt de Suni, découvrant des kilomètres de peau soyeuse. Il détourna les yeux, s'efforçant de rester concentré sur sa tâche, laquelle était de soigner, et non d'infliger davantage de souffrance. Au mépris de sa propre volonté – ne pas céder aux sirènes du vice –, il ne put s'empêcher de dévorer du regard les courbes veloutées, que le tissu fluide du short épousait sans mystère. Son désir s'éveillait ; un fil de feu frisela son épiderme glacé. Mais il le combattit sans mal, habitué depuis longtemps à rester maître de lui-même.
Il poursuivit son exploration sur le dos abimé de son patient. De nouvelles ecchymoses se découvrirent sur le chemin de ses attentions bienfaitrices. À nouveau, il appliqua la pommade. Suni tressaillit au toucher froid, le grain de sa peau doré se couvrit de frissons. Le phénomène était fascinant pour Chayan, lui qui ne tremblait jamais plus. Cette chair frémissante sous ses doigts le mettait presque en émoi. Bientôt, ses soins se muèrent en un massage appliqué. Suni s'était détendu. Alors il s'enhardit et glissa ses mains dans la divine chute de reins. Un gémissement de bien-être s'échappa de l'humain ; un son doux, chaud, aux accents sensuels.
Chayan se figea. Des émotions troubles le saisirent, suspendant son geste. Ce gémissement évoquait des délices licencieux et funestes. Ses crocs se dévoilèrent contre son gré : deux corps étrangers qui cherchaient à prendre possession de sa raison et qu'il repoussait sans cesse. Une vision aussi charnelle que mortifère viola son esprit. Il s'imagina enraciner sa bouche affamée dans la gorge de Suni, le serrer contre lui à l'en étouffer.
Le posséder. Le posséder. Le posséder. Le posséder.
Sa folie se répercuta en échos brûlants dans ses côtes, ses reins, son sang. Suni à sa merci, abandonné à son étreinte ; l'image du corps sans vie se superposa à cet érotisme lancinant. Sa peau tendre fardée d'éclats pourpres, les yeux clos. Érotisme morbide. Éros et Thanatos.
Il parvint à se contrôler et s'enjoignit à partir, avant de commettre l'irréparable.
Une nouvelle fois.
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Désolée pour ce court chapitre, le découpage n'est pas évident avec la limite de signes... Il s'agit de la fin de l'arc "Un garçon peut en cacher un autre" (titre d'origine que j'ai dû tronquer.)
Vous attendiez-vous à cette fin ? 😬
Il s'agit d'un slow burn (plus ou moins) donc le rapprochement sera assez progressif et semé d'obstacles.
17 commentaires
Siha
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Il y a un an
MIMYGEIGNARDE
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Il y a un an
Marion_B
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Il y a un an
Mary Lev
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Il y a un an
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Eva Boh
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MIMYGEIGNARDE
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Il y a un an