MIMYGEIGNARDE Old Souls 4.5. Attraction

4.5. Attraction

Un impact se fit entendre, comme un coup de poing dans une mâchoire. Puis, le bruit mat d'un corps s'effondrant au sol.


— Avance, suceur de sang. Avance, putain !


Le groupe s'enfonçait dans la ruelle, traînant leur victime sur les pavés délabrés. Le cœur de Suni battait à tout rompre. Une goutte de sueur dévala sa tempe. Il tendit le cou pour mieux y voir. Dans sa vision périphérique, il entrevit les assaillants, les visages recouverts de masques de clown macabres. Au sol, il distingua une silhouette. Un long manteau noir s'y étalait comme une flaque d'ombre.


Chayan. 


Les humains s'acharnaient à coups de batte de fer sur son dos. Suni entendait ses gémissements de douleur. Pourquoi ne réagissait-il pas ? Chayan l'avait sauvé, deux fois déjà... Il ne pouvait le laisser se faire persécuter sans rien entreprendre. Il ne lui restait plus qu'à improviser. Il ramassa un fragment de pavé qu'il lança vers eux, espérant attirer leur attention et ainsi permettre à Chayan de s'enfuir.


— C'est quoi, ça ? Les gars, maintenez-le, je vais voir ce qui se passe.


Le souffle de Suni se coupa. Il fit plusieurs pas en arrière, le plus discrètement possible, pour rejoindre la rue parallèle. Mais l'homme se rapprochait dangereusement. Il détala alors comme un lapin pris en chasse, maudissant son plan plus qu'approximatif.


Trop tard. Une main ferme saisit son épaule.


— Tiens donc... Qu'avons-nous là ?


Suni tenta de se débattre, mais il se faisait l'effet d'une souris retenue entre les pattes d'un gros matou.


— Les gars, j'ai attrapé notre lanceur de caillou. Tu lances très mal, d'ailleurs, le ridiculisa-t-il.


Il le traîna jusqu'au fond de la voie, qui débouchait sur un terrain vague, et le poussa sans ménagement. Suni tomba en avant, juste à côté du vampire. Leurs regards se rencontrèrent, furtifs ; Suni ressentit une morsure dans la poitrine. Chayan n'avait plus rien d'une créature redoutable. Son teint était cireux, du sang s'échappait de son arcade sourcilière.


— Tu le connais ? demanda celui qui semblait être le chef de la bande, désignant le vampire.


Suni nia.


— Alors pourquoi t'es intervenu, hein ?

— Je n'ai pas...

— Ferme-là ! Un humain n'aide jamais un vampire par pure bonté d'âme.

— Forcément une pute à vampires... siffla un second homme masqué.

— Emmenons-le, au cas où.


Suni et Chayan furent empoignés sans la moindre douceur. Yeux bandés, poignets ligotés et bouche bâillonnée, on les jeta brutalement à l'arrière d'un fourgon. Suni ne lutta pas. C'était peine perdue... Cette fois, le vampire ne semblait pas en état de les tirer d'affaire.


Durant le trajet, il entendait au loin les festivités battre leur plein, noyées dans l'écho de sa suffocation. Le véhicule s'arrêta dans un endroit calme, retiré de l'agitation. Tout alla si vite. On les conduisit dans un sous-sol. Sous la contrainte, ils descendirent des escaliers à l'aveugle, poussés rudement par leurs ravisseurs, manquant de trébucher sur chaque marche branlante.


— Laissons-les. Ils auront tout le temps de cogiter.

— Et le gamin ? C'est quand même l'un des nôtres.

— Si ce gosse fraye d'une manière ou d'une autre avec les vampires, c'est qu'un putain de traître.


Ce n'était pas d'une main humaine que Suni pensait risquer d'être blessé, ce soir. Il ne put retenir un pathétique couinement. Le bâillon et le stress de la situation rendaient sa respiration laborieuse. Son bandeau lui fut finalement retiré, ainsi que le scotch qui recouvrait sa bouche.


— Si tu cries, je te tue sur-le-champ. Compris ? De toute façon, personne vous entendra.


Suni acquiesça. À ses côtés : Chayan, solidement attaché à une chaise. Le second ravisseur lui enleva son bâillon, pas le bandeau.


— On repasse plus tard. À ce moment-là, je vous conseille de balancer tout ce que vous savez sur Kao, si vous voulez pas finir dans le caniveau.


Sans un mot de plus, ils les abandonnèrent là. Une porte blindée se referma dans un impitoyable claquement.


Un sourire en coin se forma sur les lèvres pâles du vampire.


— Comme on se retrouve, humain.

— Où sommes-nous ?

— Comme si je le savais.

— Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Vous faisiez-quoi dans ce quartier ? enchaîna Suni nerveusement.

— Hé, tout doux. Moi aussi j'ai des questions. Par exemple : qu'est-ce que tu foutais au Hot Blood la dernière fois ? On est suicidaire ? Se jeter d'un pont est devenu trop banal par chez vous, la mort par morsure est plus attrayante ?


Suni se mordilla la lèvre, muselé par la honte. Il n'allait tout de même pas révéler qu'il cherchait secrètement à le rencontrer.


— Vous pensez que c'est le moment de m'interroger là-dessus ? se déroba-t-il.

— Soit. Et cette fois, pourquoi t'en être mêlé ?

— Je voulais juste... vous venir en aide.


Chayan resta muet, son sens de la répartie soudain évaporé.


— Bon. Essayons de sortir d'ici vivants, dit-il simplement.


Sortir d'ici vivants. La question n'aurait pas dû se poser. Il était immortel. À moins que le ravisseur ne mette sa menace à exécution et ne lui décoche une balle d'argent en plein cœur. À cette idée, l'estomac de Suni se tordit.


Ligoté par des fils d'argent et bien amoché, le vampire avait l'air aussi fragile qu'un humain.


— Pourquoi vous ne vous défendez pas ?


Chayan soupira avec ennui. 


— Contente-toi de défaire mes liens. Tu peux faire ça ?


Suni se rapprocha autant que possible. Il en profita pour le détailler, puisqu'il était privé du sens de la vue. Sa respiration était sifflante, comme s'il avait des côtes cassées. Sa peau, exsangue, évoquait celle d'un malade en phase terminale. Du sang avait coagulé sur son beau visage grave. Le vampire puissant qui l'avait protégé n'était plus...


Il réussit à tendre ses mains pour atteindre les poignets de Chayan, déjà sévèrement mutilés. Pendant de longues minutes, il entreprit de défaire ses liens, en vain. Ils étaient bien trop serrés et les fins fils d'argent lui entaillaient les doigts.


— Bon. Tu es incapable de défaire des liens, conclut Chayan d'un air dépité.

— Je ne suis pas marin !

— Un comble pour un habitant d'une île.

— Comment... ?


Chayan avait-il enquêté sur lui ?


— Laisse tomber.


Suni se promit de le réinterroger plus tard, s'ils parvenaient à sortir d'ici en un seul morceau. Les minutes filèrent et avec elles leurs chances de s'enfuir.


— Pourquoi vous n'utilisez pas vos pouvoirs ? insista-t-il.

— Désolé, ce soir je ne pourrai pas être ton chevalier servant.


Le danseur piqua un fard, goûtant peu cette humiliante allusion.


— Ce n'est pas le moment de plaisanter. Utilisez votre force surhumaine et sortez-nous de là ! s'emporta-t-il.

— Oh... le chaton sort les griffes.

— Je ne suis pas un chaton, cracha Suni, avec l'air d'un adorable félin, ce qui redoubla l'amusement de Chayan.

— Vous voulez vraiment finir ici, on dirait.

— Pour être honnête, je m'en fiche un peu. Mais toi, tu ne mérites pas de voir ta vie, aussi insignifiante soit elle, s'écourter ainsi...

— Il n'y a donc aucune solution ?

— Il y en a une. Mais elle ne va pas te plaire.


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21 commentaires

Cécile Marsan

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Il y a un an

Haha il faudrait qu'il boive son sang ???

MIMYGEIGNARDE

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Il y a un an

Peut-être ? 😏

Siha

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Il y a un an

Hâte de lire la suite :-)

Mary Lev

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Il y a un an

Va falloir que suni donne de sa personne 😂

MIMYGEIGNARDE

-

Il y a un an

Ahah peut-être 😝
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