Fyctia
7
Ça faisait une éternité que je n’avais pas couru aussi vite. La dernière fois c’était bien avant mon accident. J’ignorais que j’en étais encore capable, que mes muscles pouvaient répondre aussi vite. Mon kiné aurait été super fier. Impressionner mes docteurs avait été mon seul et unique objectif ces derniers temps. Pourtant, à cet instant, je me fichais de tout ça. Je m’inquiétais juste pour Audrey. En quelques foulées, j’étais arrivé à ses côtés. Accroupi, penché au-dessus d’elle, je lui parlais mais elle ne semblait pas m’entendre. Elle clignait des paupières, très lentement, à intervalles réguliers, mais ses yeux étaient plus souvent fermés qu’entrouverts. Sa bouche s’était figée comme si elle avait voulu dire quelque chose et que les mots refusaient toujours de sortir. Un hématome était en train de se former sur sa pommette droite. Je n’osais pas la toucher de peur de lui faire plus de mal.
Avant même que je ne songe à appeler à l’aide, deux infirmières se ruèrent vers nous. Elles me firent reculer pour mieux s’occuper d’elle. Je me sentais con. Inutile. J’avais plus l’impression de gêner qu’autre chose. Est-ce que c’est ça qu’on ressentait quand on assistait, impuissant, aux soins des autres ? Le personnel médical fit venir un lit à roulettes et ils l’installèrent précautionneusement dessus avant de la conduire dans une salle d’auscultation. Je suivis mécaniquement, sans même me poser de questions. C’était comme une évidence. Au bout de quelques pas, je me rendis compte que Maude n’était plus à mes côtés mais je ne me retournai pas pour autant pour regarder en arrière.
Nous entrâmes dans une petite pièce semblable à celle où Audrey avait été auscultée après son premier malaise (je n’arrivais pas à croire que c’était déjà la deuxième fois qu’elle s’effondrait sous mes yeux). Un médecin entra et se plaignit de la population au mètre carré.
— On vous la laisse, dit une des infirmières. Et lui, c’est son fiancé.
Elle sortit avec sa collègue avant que je n’aie eu le temps de rétablir la vérité.
Le docteur s’occupa d’Audrey tout en me rassurant :
— Ce n’est pas bien méchant. Mais on va quand même la garder un petit peu pour être sûr qu’elle n’a pas de commotion cérébrale…Sinon sa cheville n’a pas l’air d’avoir souffert davantage…
La porte s’ouvrit à la volée et je reconnus l’amie infirmière d’Audrey. Elle était essoufflée d’avoir couru jusqu’ici.
— Excusez-moi docteur, c’est une amie.
L’intéressé hocha la tête et lui répéta laconiquement son diagnostic avant de sortir de la pièce.
— Qu’est ce qui s’est passé ?
Je soupirai. Je n’étais pas certain de le savoir. Est-ce qu’elle était trop en colère contre moi ? Déçue de moi ? Etait-ce à cause de moi qu’elle avait chuté une nouvelle fois ? Le regard noir de Rose (c’est le prénom qui était inscrit sur sa blouse) qui semblait très protectrice envers Audrey me dissuada de parler de notre dispute. J’essayai de me rappeler la scène en omettant les détails compromettants.
— Eh bien…je ne sais pas…j’étais en train de faire ma demande et…
Elle sauta de joie avant que je n’aie pu finir ma phrase.
— Oh !!! C’est merveilleux ! Elle n’a que votre prénom à la bouche ! Elle a dû être tellement heureuse !
— Ce n’est pas moi qu’il épouse, dit une voix pâteuse qui semblait venir de très loin mais qui provenait en fait d’Audrey.
Rose mit les poings sur les hanches, l’air sévère.
— Quoi ?! Vous n’allez pas épouser Maude ?
— Euh…si…
J’étais complètement paumé. Comment savait-elle que Maude était ma fiancée et ne venait-elle pas de dire qu’Audrey ne faisait que de parler de moi ? A mon sens, ça méritait une explication mais Rose ne semblait pas être de cet avis, elle m’enguirlanda de plus belle :
— Ah bon ? Mais il faudrait savoir ! Bon ! Du moment que vous preniez bien soin d’elle !
Sur la table roulante, Audrey fut saisi d’un rire nerveux et incontrôlé. Elle ne semblait ne plus pouvoir s’arrêter. Je commençais à me demander si je ne devais pas rappeler le médecin. Il avait dû avoir la main trop lourde sur les anti-inflammatoires. Mais Rose me rassura.
— Ne vous inquiétez pas, Sylvain. C’est l’émotion. Moi, quand mon mari m’a demandé en mariage, je lui ai dit « passe-moi le pain, s’il te plaît », je n’ai pas saisi du premier coup !
Je ne voyais pas très bien le rapport avec l’état d’Audrey mais je préférai ne pas relever au risque de m’attirer une nouvelle fois ses foudres.
Audrey, elle, redoubla d’hilarité. Elle était maintenant secouée de spasmes tellement elle riait.
Je me mis à rire moi aussi, sans vraiment savoir pourquoi, ça devait être contagieux.
Rose se dirigea vers la porte et se retourna vers Audrey juste avant de sortir.
— Bon bah, je vais vous laisser profiter de ce moment de bonheur tous les deux. Je reviens te voir tout à l’heure, Maude ! T’as intérêt d’avoir recouvré tous tes esprits ! Je veux que tu me racontes tout en détails et je veux voir la bague !
Cette infirmière était complètement cinglée, ma parole !
J’allai en faire part à Audrey quand je remarquai qu’elle évitait mon regard. Puis je me rappelai qu’une autre femme en blouse blanche l’avait appelée Maude avant qu’elle ne s’évanouisse la première fois. Je me frottai le front, complètement déboussolé.
3 commentaires
Karl Toyzic (Ktoyz)
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Il y a 5 ans
Elsa Carat
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Il y a 5 ans