Fyctia
10
Molly
Ce n’était pas une si mauvaise idée finalement que Jensen m’accompagne. Il connaît le chemin pour aller à une hauteur raisonnable pour pouvoir apercevoir les couleurs orangés du soleil se levant.
Assise à côté de la moto, les fesses dans la neige, je regarde ce magnifique spectacle. La vue est exceptionnelle, il ne fait ni trop chaud, ni trop froid, je suis bien, dans cet hiver qui se refroidit encore un peu plus chaque jour. Camouflée de mon écharpe tricotée et de mon bonnet assorti, j’ai l’impression que je pourrais restée là toute la journée. Contempler le ciel, jusqu’à ce que le prochain soleil se lève.
Au loin quelques animaux sortent de leur cachette, profitant de l’air frais matinal. Le vent souffle dans les branches, faisant tomber la neige qui les recouvrait. L’obscurité laisse place à la lumière. Le chant des oiseaux vient chatouiller nos oreilles, chantant leur plus belles mélodies…
— Alors ?
— Alors quoi ? demandé-je à Jensen.
— Qu’est-ce que tu en penses ?
Un léger sourire illumine mon visage.
— J’adore, soufflé-je laissant de la fumée sortir de ma bouche.
Nous restons ainsi quelques temps, silencieux, profitant du spectacle, je ne saurais dire si ce sont des heures ou des minutes, mais en tout cas, cela m’a permis de me ressourcer, de me sentir mieux, apaisée.
Pour redescendre, c’est une autre histoire. Je maîtrise la moto des neiges depuis des années maintenant, mais Jensen ne maîtrise pas sa peur lui. Enchaînant slalomes, petits sauts, glissade, je m’amuse tellement que Jensen est accroché à moi. Les mains retroussent mon manteau, je suis certaine qu’il va arracher mon tissu et me faire deux poches supplémentaires. Mon rire est perceptible depuis des kilomètres, j’en suis certaine.
Le véhicule prend de la vitesse pour mon plus grand plaisir. Au loin j’observe la petite butte, bien décidé à la prendre elle aussi.
— Non Molly, hurle mon passager.
Mais c’est trop tard, j’accélère encore un peu et la moto fonce droit dessus. Une plaque de verglas est juste devant cette bosse, j’essaie de l’éviter, mais c’est trop tard. L’engin nous fait tomber sur le côté, se plantant dans la neige encore poudreuse.
Mon rire s’intensifie, alors que j’entends clairement les grognements de Jensen un peu plus loin.
— T’es totalement irresponsable, tu aurais pu nous tuer.
— Roh, ça va Jensen, c’est juste de la neige.
— Et la plaque de verglas, tu l’as vue ?
— Non je ne l’avais pas vue, mais en revanche, j’ai bien vue que tu avais les chocottes, à t’accrocher un peu trop fort contre moi.
— Tu roules comme une inconsciente, tout le monde devrait avoir peur.
Faussement blesser, je lui balance de la neige au visage.
— Est-ce que tu insinues que je roule mal ?
— Je ne l’insinue pas, j’en suis certain, si tu nous mets au talus avec une simple moto des neiges, je n’imagine même pas avec une voiture.
— Ah ouais ? T’es sûr de ça ?
— Très sûr.
Son air renfrogner me faire rire. Je forme une boule de neige, bien décidée à lui faire comprendre qu’il ne faut pas trop se moquer de moi, mais Jensen est plus rapide, et m’en lance une en plein visage. Sans attendre, je riposte.
Un sourire malicieux sur les lèvres, il ne se laisse pas faire et reforme une autre boule. Hors de question qu’il gagne à ce petit jeu. J’attrape un tas de neige entre mes bras et me laisse tomber sur lui, la neige lui recouvrant le visage. Mes éclats de rire sont de plus en plus prononcés.
Jensen ne se laisse pas faire, il riposte rapidement, me retournant et se retrouvant complètement allongé sur moi, m’aveuglant à son tour par les flocons qui recouvrent le sol. Je rie tellement que le neige vient dans ma bouche pour fondre sur ma langue. Jensen retire le surplus pour me permettre de voir et de respirer correctement. Je secoue mon visage afin d’en avoir le moins possible.
— Est-ce que ça va ? J’y suis peut-être aller un peu fort sur la neige.
S’il savait, j’aurais fait bien pire si je n’avais pas eu un poids sur moi, et je ne me serais certainement pas excusée.
Autour de nous, l’air devient plus pesant, l’hiver ne dégage plus sa fraîcheur quotidienne, c’est comme-ci pendant un court instant l’été reprends le pouvoir sur le temps. Le regard de Jensen devient sérieux lorsqu’il rencontre le mien, plus sombre, plus dure, moins expressif. Son visage à quelques centimètres du mien, ses yeux passent sur mes lèvres. Est-ce qu’il a l’intention de m’embrasser ? Pourquoi ? Est-ce que je le laisserais faire ? Après tout, j’ai été la première à poser mes lèvres sur les siennes, mais en aucun cas je l’aurais fait volontairement, s’il n’y avait pas eu le gui au-dessus de nous. Or, là, je ne vois aucune branche porte bonheur. C’est sa volonté contre la mienne. Décide-toi Molly, ce n’est pas quand il sera trop tard qu’il faudra réagir.
Dangereusement, il est de plus en plus proche. Nos respirations se mélangent, nos regards restent fixer ensemble.
— Est-ce que tout va bien ? s’écrit une voix lointaine.
Stan.
Jensen reprend conscience de ce qu’il s’apprêtait à faire. Tout chez lui change en un seul claquement de doigt. C’est perturbant, déstabilisant, de se rendre compte que des gens peuvent changer en un rien de temps.
— Est-ce que Molly va bien ? demande son père en se rapprochant de nous.
Il remet une mèche de cheveux sortie de mon bonnet sur le côté de mon visage. Puis rapidement il se lève, laissant l’air frais reprendre sa place, me faisant frissonner au passage.
— Rien de grave, Molly ne sait pas conduire, je regardais simplement si elle allait bien, se justifie-il.
Finalement, j’aurai peut-être préféré que personne ne nous interrompt. Tout était si bien, nous deux s’amusant, rattrapant peut-être le temps perdu. Mais toutes bonnes choses ont une fin.
— Anne a fait des pancakes.
Très bien, c’est exactement ce qu’il me fallait. Les pancakes de ma mère sont des merveilles. Et je dois bien avouer que mon estomac crie famine.
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