Fyctia
Chapitre 2
— Bien joué ma fille.
— Merci Carlos.
La fierté visible dans le regard de son entraîneur lui réchauffa le cœur. Ornella n'avait jamais connu l'approbation paternelle. Or, la façon dont Carlos se comportait avec elle après chaque combat était ce qui s'en rapprochait le plus.
Enfin, pour être plus exact, elle ne se souvenait pas d'avoir un jour reçu les félicitations de la part de son père, pour la simple et bonne raison qu'on lui avait arraché physiquement et mentalement ses parents lorsqu'elle n'était encore qu'une enfant.
A l'âge de neuf ans, sa famille avait eu un grave accident de voiture et elle était la seule survivante. Enfin, c'est ce que lui avait rapporté la police. Car Ornella, elle, n'avait aucun souvenir de cette tragédie. Mais le pire était qu'elle n'avait aucun souvenir de ses parents. Les médecins lui avaient expliqué que le choc violent qu'elle avait subi avait provoqué une amnésie. Malheureusement, il n'y avait aucun remède pour ça. Peut-être qu'avec le temps, ce pan de sa vie lui serait rendu. Cependant, quatorze ans après les faits, elle doutait maintenant de retrouver un jour la mémoire.
Après avoir recueilli les félicitations de quelques-uns des boxeurs, Ornella prit ensuite la direction du vestiaire pour se changer.
En chemin, elle croisa le groupe qui accompagnait son adversaire et ne fut pas surprise de les entendre lâcher des insanités sur elle. En retour, elle ne put retenir un petit sourire en coin, en constatant qu'ils se contentaient de les lancer à voix basses, comme s'ils avaient peur de subir le même sort que leur pote.
Une fois seule dans les vestiaires (le seul avantage à côtoyer une salle de boxe), elle ne tarda pas à filer sous une bonne douche chaude pour détendre ses muscles toujours contractés après l'effort qu'elle venait de fournir. Contrairement à Toby, elle ne prenait jamais un combat à la légère.
Tout d'abord, elle refusait de prendre un coup qui lui donnerait ensuite l'allure d'une femme battue. Elle n'était pas spécialement vaniteuse, mais elle aimait son visage comme tel, nul besoin de venir l'agrémenter de quelques bleus.
Ensuite, elle ne se faisait aucune illusion sur ses chances si elle ne faisait pas appel à toute sa concentration. Elle était lucide et avait pleinement conscience que ses adversaires auraient immédiatement le dessus sur elle, s’ils avaient l'occasion de lui mettre la main dessus. Chaque instant nécessitait donc une attention accrue afin de deviner les mouvements de son adversaire pour pouvoir les esquiver. Heureusement pour elle, Ornella excellait dans ce domaine. Certains s'amusaient même à dire qu'elle avait des dons de prémonition.
Enfin, son ego ne lui aurait pas pardonné une défaite à cause d'une inattention de sa part. Si elle devait se prendre une dérouillée (chose qui ne s'était pas encore produit une seule fois), elle voulait n'avoir aucun reproche à se faire.
Une fois séchée et habillée, elle ralluma son téléphone pour vérifier ses messages. En l'occurrence, elle en avait un de Sue.
J'ai besoin de prendre un verre, la crevette. Joe a été horrible.
Joe, le fameux patron ne sachant pas appeler ses employées filles par leur prénom.
Même si l'idée de sortir ne la tentait pas plus que ça, Ornella ne voulait pas laisser tomber la seule fille qu'elle pouvait considérer comme une amie. Ou du moins, ce qui s'en rapprochait le plus.
A cause de sa jeunesse merdique, Ornella avait noué très peu de relations que ce soit avec des filles ou des garçons. Cependant, elle s'entendait bien avec sa collègue et celle-ci semblait réellement l'apprécier. Il n'était donc pas rare qu'elles se retrouvent autour d'un verre pour discuter de choses et d'autres.
Ayant fini de se préparer, elle répondit à Sue :
OK, je viens de finir. On peut se retrouver Chez Michel.
Chez Michel était un bar plutôt calme où elles avaient l'habitude de se retrouver après le travail pour décompresser. Grâce à la disposition des lieux, même plein, il ne donnait pas la sensation d'étouffement et de brouhaha.
Super. Je préviens Michel pour qu'il nous garde notre table. Je t'attends là-bas directement.
Michel, le patron, les appréciait beaucoup. A chaque fois qu'il avait connaissance de leur venue, il bloquait leur table attitrée.
OK
Elle attrapa ensuite sa veste et quitta enfin le vestiaire pour traverser la salle de boxe. En chemin, elle ne vit aucune trace de Toby et ses acolytes. Ils avaient dû filer, sans demander leur reste.
Dans les premiers mois, elle avait été mal à l'aise de passer devant tous ces malabars la déshabillant du regard avec plus ou moins de discrétion.
Lorsqu'elle avait gagné son premier combat, ils avaient changé leur façon de la regarder, mais au lieu d'atténuer son malaise, il s'était amplifié. Avant, ils semblaient amusés de voir une nana haute comme trois pommes s'exciter sur un sac de frappe. Après avoir vu ce dont elle était capable, ils avaient ri jaune, n'admettant pas qu'elle parvienne à avoir le dessus sur eux. Encore aujourd'hui, certains ne comprenaient pas que les muscles ne faisaient pas tout dans ce sport et que l'esprit était également un puissant allié.
Et puis, certains étaient toujours gênés à l'idée de la voir sur un ring. Pour eux, ce n'était pas la place d'une fille. En cas de danger, elle devait avoir un père, un frère, un mari ou un petit ami pour la défendre. Elle n'avait pas à se battre elle-même.
Quelle bande de machos.
D'ailleurs, certains membres refusaient obstinément de se battre contre elle, prétendant être incapables d'affronter une fille, car cela allait à l'encontre de leur éducation. Si elle suspectait un ou deux de se servir de cette excuse par peur de se faire ridiculiser, pour les autres elle les savait sincères et n'était pas vexée. Si tous les hommes étaient outrés à l'idée de frapper une femme, il y aurait beaucoup moins de ses consœurs en difficultés.
Sur le trottoir, elle vit Amos fumant. C'était un grand black qu'elle appréciait beaucoup.
— Bonne soirée, petite sorcière.
Ce surnom la faisait toujours autant sourire. Amos le lui avait attribué après sa deuxième victoire. Au début, les autres voulaient l'appeler la lionne, en référence à sa niaque. Puis, Amos avait fait cette proposition, adoptée à l'unanimité. Selon lui, elle ensorcelait ses adversaires et parvenait à lire dans leur esprit pour avoir toujours un coup d'avance.
— Bonne soirée, Amos.
— Tu t'es encore battue comme un chef, ce soir.
— Merci. A quand notre combat ?
— Hum, quand personne ne sera là pour assister à ma défaite, répondit-il avec humour.
Amos entrait dans la catégorie de ceux pour qui il est inconcevable de se battre contre une fille.
— Si tu veux, je peux demander à Carlos de privatiser la salle, le taquina Ornella.
Il répondit par un grand sourire.
Elle lui souhaita ensuite à nouveau une bonne soirée et se dirigea vers sa voiture pour retrouver Sue.
18 commentaires
Charlie L
-
Il y a 5 ans
JulieDauge
-
Il y a 5 ans
MarinaM
-
Il y a 5 ans
JulieDauge
-
Il y a 5 ans
Clioze
-
Il y a 5 ans
JulieDauge
-
Il y a 5 ans
bookpassionaddict
-
Il y a 5 ans
JulieDauge
-
Il y a 5 ans
Sand Canavaggia
-
Il y a 5 ans
Danielle
-
Il y a 5 ans