Fyctia

LAIA

Son regard est rivé sur moi mais il ne répond pas. Je fais un pas en arrière, puis un deuxième, et finalement je fais volte-face et commence à partir. Malgré tout ce qu'il s'est passé entre nous, je prie le ciel pour qu'il me rappelle, me rattrape. Mes sentiments n'ont pas changés.

Mais j'ai déjà vécu ça.

- Attends !

Le soulagement est tellement immense que je me mets à respirer comme si j'avais pris un coup de poing dans le ventre. Mais je ne souris pas. Tout ce qu'il se passe me fait mal, me torture. J'ai attendu ça depuis tellement longtemps ! Je n'ai jamais avancé dans ma vie.

Je sens sa présence dans mon dos, mais je ne bouge pas d'un poil. Il irradie une douce chaleur dans laquelle je voudrai m'envelopper, mais je chasse de mon esprit ces pensées.

- Est-ce que tu peux … euh me donner ton … ton numéro ?

Je me tourne lentement vers lui.

- Donne moi ton téléphone.

Il s'exécute. Je tape mon numéro dans son répertoire et le lui rends.

- Je peux t'appeler quand ?

- Surprends moi.

Je tâche d'esquisser un sourire qu'il me rend tant bien que mal, puis je pars.

Je rentre à pied jusque chez moi et arrive une bonne demie-heure plus tard. Lorsque j'entre, Zac est affairé dans la cuisine à faire le dîner. J'ai pourtant passé tout le temps de mon trajet à répéter, mâcher et remâcher ce que j'allais lui dire, et comment j'allais le lui dire mais en le voyant tout s'efface.

- Bonsoir chérie ! lance t-il avec enthousiasme. Ça été ta journée ?

Je déglutis et m'avance vers lui, veillant soigneusement à ne pas le regarder dans les yeux. Il est tellement gentil et prévenant. Il n'a jamais rien dit pour me blesser intentionnellement.

- Bonsoir … ça été, merci. Et toi ?

- Oh moi comme d'habitude tu sais.

Il cesse de touiller sa mixture un instant pour se concentrer sur moi.

- Quelque chose ne va pas ?

- Eh bien … oui. Enfin non tout va bien mais pas tout à fait.

- Tu me fais peur, que se passe t-il ?

Cette fois-ci je lève les yeux vers lui. Je me dois de voir sa réaction lorsque je vais lui annoncer. Je dois la subir et l'encaisser. C'est la moindre des choses.

- Je euh … je ne suis pas heureuse Zac.

Je balaie la pièce d'un geste de la main.

- Tout ça … ça me plaît, hein ne te méprends pas. J'adore notre appart' tout ça … mais je n'aime pas ma vie. Je n'ai jamais rêvé de ça.

Mais ça, c'est des conneries pour m'aider à mieux dormir ce soir. Pas la vérité. Et je lui dois la vérité.

Il incline légèrement la tête, m'incitant à continuer.

- Je t'aime Zac, mais je ne … je ne suis plus amoureuse de toi.

La voilà la vérité. La louche qu'il tient dans la main s'écrase sur le sol et tâche le carrelage ainsi que mes baskets et je n'ai même pas un bref sursaut en arrière. Pour la première fois depuis longtemps, la cuisine ne ressemble plus à une cuisine d'exposition.

Ses yeux sont ronds comme des soucoupes et il demeure un instant immobile, puis il se met à rire nerveusement et à se gratter l'arrière de la nuque.

- Tu plaisante hein, tu me fais une blague …

Je secoue doucement la tête.

- Je suis désolée Zac.

Il amorce un pas vers moi mais s'arrête aussitôt en proie à la panique. Il me regarde comme si j'ai entre mes mains le pouvoir de tout gâcher en une seconde.

- Mais tu … tu peux pas me faire ça ! s'étrangle t-il.

Et je l'ai.

- Mais qu'est-ce que j'ai fais Laïa je ne comprends pas ! Qu'est-ce qui te manque ? Tu veux qu'on déménage, qu'on achète un nouveau salon … une voiture ? Je ne comprends pas !

Ses mains tremblent légèrement, ses pupilles sont dilatées. Le désespoir dans sa voix termine de m'arracher le cœur. Mais rien de ce que je ressens ne peut se régler avec de l'argent.

Je m'apprête à dire quelque chose mais il me devance.

- C'est à cause de lui n'est ce pas ? demande t-il d'un air sérieux.

- De … de qui ?

Il contracte la mâchoire, éteint la gazinière et finit d'envoyer valser les derniers ustensiles qui restent sur le plan de travail d'un coup de bras. Cela fait longtemps que je n'ai pas vu Zac dans un état pareil. Ni notre appartement, d'ailleurs. Pour ainsi dire, jamais.

- Je l'ai lu ton putain de bouquin ! crache t-il. Tu crois que j'ai pas compris de qui tu parlais ? Tu crois que changer quelques noms était suffisant ?! Tu t'es trompée ! Je suis peut-être un obsédé du contrôle, Laïa, mais je ne suis pas con !

Un instant il me fait presque peur. Je ne peux dire s'il est encore plus en colère après moi ou juste très triste. Peut-être les deux.

- Zac … je …

Je ne peux pas lui reprocher d'avoir lu mon livre. Cela fait longtemps qu'il ne me comprend plus, qu'il me voit ailleurs sans vraiment savoir où je suis. Il a voulu trouver des réponses, et il les a eues.

- Mais je t'aime moi ! Laïa tu es ma fiancée ! On va se marier !

Je secoue la tête, les larmes me piquent les yeux. Cette journée est extrêmement pénible, mais le pire c'est de me dire que peu importe à quel point Zac m'aime, il ne peut pas rivaliser quand il s'agit d'Ethan. Et je le réalise maintenant.

- Pardonne moi Zac … je … je pars ce soir.

- Quoi ?! Mais pas comme ça ! Pas avant d'avoir discuté ! Et puis tu pars où d'abord ?!

- A l'hôtel.

- Tu vas le rejoindre …

- Non, non, non … pas du tout. J'ai besoin d'être seule pour réfléchir.

En une enjambée il se retrouve près de moi, sa main sur ma joue.

- Mais ta décision n'est pas prise hein ?

Je me mords la lèvre inférieure. Zac rend les choses vraiment difficiles mais comment lui en vouloir ? Si je sentais l'amour de ma vie partir je serais aussi paniquée que lui.

Je l'ai déjà été.

J'acquiesce sans parvenir à dire un mot. Plusieurs minutes silencieuses s'écoulent, durant lesquelles il me regarde avec amour et désespoir. Je ne quitte pas ses yeux, voulant mémoriser ce beau bleu océan avant de lui dire au revoir.

- Il a toujours été entre nous, pas vrai ? grince t-il.

Même mouvement de tête.

- Mais je t'ai aimé Zac, je m'empresse d'ajouter, je t'ai vraiment aimé. Je sais que ce n'est qu'une maigre consolation mais je ne te remercierai jamais assez d'avoir toujours été là pour moi, de m'avoir aidé, soutenu … aimé. Tu ne m'as jamais laissé tomber.

- Alors pourquoi c'est moi que tu quittes ?

J'ai un coup au cœur.