Jay H. #mytho Chapitre 4

Chapitre 4

Paris – 31 décembre 2023



Léa



Crayon noir, fard à paupières noir, rimmel noir, pour un regard charbonneux.

Anti-cernes pour cacher les insomnies à répétition.

Fond de teint et fard à joue pour masquer les imperfections (même si on ne pourra jamais effacer le manque d’amour propre).

Un brin de rouge à lèvres foncé et du crayon noir pour faire ressortir toute la pulpe.

Pour finir, le lissage des cheveux. Très important quand on a une chevelure aussi longue que la mienne et qu’on a tendance à onduler.


Posé devant le miroir de ma coiffeuse, je suis plutôt fière du résultat. Oui, je suis une femme sombre et mystérieuse. Du moins, c’est ce que je laisse voir aux autres. Je campe le personnage de la fille énigmatique depuis tant d’années que moi-même, je ne parviens plus à déchiffrer ce que j’ai enfoui au plus profond de mon être. Est-ce de la colère, de la culpabilité, de la solitude ? Ou bien un mélange de toutes les émotions les plus obscures qui se seraient entassées dans un gouffre sans fond et sans espoir ?


Mon téléphone sonne, m’extirpant de cette introspection dans le tunnel de la mort. Je me racle la gorge, puis placarde un sourire histoire de reprendre le rôle que je tiens à la face du monde.


Meuf, t’es bientôt prête ? gronde Marie.

— Oui, le temps d’enfiler une écharpe et un manteau.

Super ! Parce que je viens d’arriver devant le pub et c’est déjà bondé.

— Comme d’hab, rien d’étonnant. Et Océane ?

Elle répond pas, elle me gonfle !

— Déstresse, dis-je avec la voix la plus calme que je puisse jouer. On va passer une bonne soirée, c’est l’essentiel.

Ouais… allez, à toute !


Pour le coup, je ricane et ce n’est pas simulé. Marie me fait vraiment rire. Elle est tout le temps en train de s’alarmer pour pas grand-chose. Je me souviens du lycée et de la fois où un mec avait collé du chewing-gum dans ses cheveux. Elle avait hurlé, pleuré, puis était sortie en trombe de la salle de classe, pensant qu’elle allait finir chauve à la Jada Pinkett. Je dois dire que ce sale coup, c’était de bonne guerre, parce que nous étions de véritables pestes à cette période. Marie et moi méritions l’exclusion, voire même la prison (sans exagérer). Océane, fidèle à elle-même, ne voulait pas tremper dans nos vilaines manœuvres.


Je me regarde une dernière fois dans la glace, me pince les lèvres, puis je souris. C’est alors que la porte de ma chambre s’ouvre.


— Ma chérie, couvre-toi bien, c’est glacial dehors.


Ma mère, la seule personne sur cette foutue planète qui m’aide à tenir bon.


— T’inquiète pas moune.

— Ça va toi ?


Et oui, la seule personne à être capable de lire en moi comme dans un livre ouvert.


— Oui oui ça va. Tu fais quoi finalement ce soir ?

— Tu te souviens de Chantal, ma copine du cours de fitness ?


J’acquiesce, bien que je ne me souvienne pas exactement la tête qu’elle a.


— Eh bien, poursuit-elle d’un ton enjoué, elle m’a proposé une soirée dans une baraque en banlieue.

— Genre banlieue, banlieue ?

— Sainte-Geneviève-des-Bois dans le 91.

— Ouais la cambrousse !


La main incrustée sur la poignée, elle sourit avant de répondre :


— Oui, mais je t’avoue qu’elle m’a bien vendu le truc. De la musique, de la bouffe à volonté et des jeux spéciaux nouvel an.


Mouais… en gros, elle va se torcher, tout comme moi. Mais surtout, elle va cesser de cogiter le temps d'une soirée, tout comme moi.


— Sois prudente alors, rétorqué-je avec un petit rictus en coin.

— Oui et toi, envoie-moi un message quand tu arrives, quand tu repars et surtout quand tu seras bien rentrée. Et je rigole pas !


Je hoche la tête, lui signifiant qu’elle n’a aucun souci à se faire. J’avoue qu’à une époque, je lui ai donné du fil à retordre, mais aujourd’hui, elle sait pertinemment qu’elle peut me faire confiance les yeux fermés. L’ancienne moi n’existe plus. Enfin, elle est toujours là, quelque part, mais avec la maturité, j’ai appris à la manipuler différemment. En fait, j’ai surtout camouflé mes sentiments personnels pour laisser apparaître une femme sage et accomplie…


Une femme sage et accomplie.


Ce que je ne suis pas du tout, mais c’est suffisant pour rassurer ma mère et c’est tout ce qui compte.

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2 commentaires

estie

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Il y a 16 jours

Bravo Jay H toujours une écriture prenante, tant sur l’intrigue que sur la psychologie des personnages... Un véritable équilibre entre la noirceur et les notes d’humour... On attend la suite avec impatience!

Jay H.

-

Il y a 16 jours

Merci beaucoup estie !! <3
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