Fyctia
8.1. ASTRA
Mason me dévisage. Ses yeux gris pétillent et les commissures de ses lèvres frémissent, mais il ne bouge pas. Je sais qu'il veut m'embrasser lui aussi. Je pensais vraiment qu'il sauterait sur l'occasion sans trop réfléchir. Alors, qu'est-ce qu'il attend? À moins que j’aie mal interprété ses regards appuyés et ses actions tout le long de la soirée. J'ai envie de lui dire que ce n'est qu'un baiser.
— Tu comptes ré...
Sa main qui vient caresser ma joue m'empêche de continuer ma phrase. Ses doigts se promènent sur la courbe de ma mâchoire jusqu'à ce que son pouce atteigne mon arc de Cupidon. Instinctivement, je baisse les paupières et frissonne. Non. Ce n'est pas qu'un baiser. Pas pour lui en tout cas. Et je crois que ça devient tout juste de ne plus être le cas pour moi non plus. Soudain, il se rapproche, effleurant le bout de mon nez du sien. C'est doux et langoureux. Mais d'un coup sec, il agrippe ma cuisse et la tire pour la placer contre son flanc. Ce n'est plus doux du tout. La chaleur de son contact me brûle aussitôt et mon cœur se met à battre la chamade. Ses doigts s'enfoncent dans ma peau dénudée avant que ses lèvres ne titillent les miennes. J'ouvre la bouche et il ne perd pas de temps pour y plonger sa langue. Les frissons reviennent. Je me rapproche pour approfondir le baiser et sa cuisse frôle mon entrejambe. Je gémis doucement. Un gémissement qui se prolonge lorsqu'il quitte mes lèvres.
— Alors? demande-t-il.
— Pas mal. Mais je crois qu'il faut le refaire. Je dois m'assurer que ça compte comme un baiser sous les étoiles.
Il lâche un grand sourire avant d'étouffer mes derniers mots en plaquant à nouveau sa bouche contre la mienne. Sans abandonner ma cuisse, son index touche légèrement le pli de mes fesses. Bon sang. C'est carrément une décharge d'excitation qui traverse mon corps à l'instant, se logeant tout de suite dans mon bas-ventre. À contrecœur, je m'écarte en reprenant mon souffle. Souffle que lui pourrait retenir pendant des heures, j'ai l'impression.
Je souris en le fixant, manifestement satisfaite. Depuis que j'ai commencé à jouer avec le groupe – cela fait un peu plus d'un an – je ne suis sortie avec personne. Je m'amuse avec Leon parfois à la fin de ses soirées, mais rien de sérieux. On a toujours été clairs là-dessus. Je crois que j'ai eu envie de faire quelque chose de différent ce soir.
Toujours allongés sur le côté, l'un face à l'autre, Mason porte sa main à mon oreille pour faire glisser une mèche de mes cheveux derrière. Même s'il n'empoigne plus ma cuisse, je n'ai pas envie de l'enlever, alors je la laisse là, posée sur sa hanche.
— Vous habitez tous ici? demande-t-il d'une voix rauque.
— Non. Owen et Leon oui, mais pas moi. J'habite à Roxbury.
Je suis consciente que mon quartier est loin d'être aussi chic que celui-ci. En réalité, il n'est pas chic du tout. C'est plutôt le genre d'endroit où il vaut mieux ne pas se promener la nuit tout seul, et même la journée parfois. Il n'a pas l'air trop surpris d'apprendre où j'habite.
— Toi, tu n'es pas de Boston. D'où tu viens?
— De Stamford dans le Connecticut, répond-il. Pas très loin de New York.
— Tu es là pour la fac alors?
— Oui. Je veux entrer en médecine à Harvard.
— Waouh! C'est un sacré projet.
Je roule sur le dos, me détachant de lui. Je me mets à scruter le ciel.
— Et toi? s'enquiert-il.
— Et moi quoi?
— La musique. Tu as des projets?
Un ricanement m'échappe, malgré moi. Je n'ai jamais pensé à la musique comme un projet. Les garçons avaient besoin d'une chanteuse alors que j'avais besoin d'argent. Ils ont aimé ma voix et j'ai accepté de chanter avec eux. On n'a même jamais parlé d'enregistrer un album. Owen évoque l'idée de temps en temps, mais comme Leon et moi ne nous y intéressons pas, il laisse tomber à chaque fois.
— Aucun projet dans la musique pour moi. Je gribouille des paroles, je chante dans les bars, mais c'est tout.
— C'est toi qui écris toutes ces chansons?
— Leon les écrit. Moi, je gribouille. Il doit toujours ajuster un truc ou autre à la fin.
Mason trace du doigt l'arête de mon nez, ravivant quelques frissons. Je note alors la taille de sa main. Elle est énorme. En observant mieux, tout a l'air grand chez lui, si comparé à mon corps fin.
— Tu as beaucoup de talent pour ne pas avoir de projet, déclare-t-il.
— Tu ne me connais même pas pour savoir si j'ai du talent ou pas.
— Je t'ai entendue. C'est suffisant.
Il fait courir son index jusqu'à mon épaule, éveillant des points sensibles sur ma peau. Je me redresse sur les coudes et agrippe la bouteille posée à côté du pouf géant. Le cognac est le seul alcool que j'arrive à ingurgiter. Peut-être parce que c'est le seul que ma mère ne supporte pas. Ça doit être ma façon d'extérioriser ma révolte.
— Le premier soir, tu m'avais dit que tu ne buvais qu'un verre.
— Je ne bois qu'un verre dans les bars parce que les musiciens n'ont droit qu'à un verre gratuit, je réponds en lui tendant la bouteille. Celle-là est offerte par la maison.
Il se redresse à son tour en s'asseyant pour prendre une gorgée de l'alcool. Le clair de lune l'illumine au moment où il fait une grimace à nouveau. Il est craquant. Mason a ce type de visage viril et doux à la fois. Un regard pénétrant dont il ignore le pouvoir. Je suppose qu'il l'ignore, car si ce n'est pas le cas, il joue très bien son jeu.
— Tu es en quelle année au Boston College? je m'enquiers.
— Deuxième.
— Tu as quel âge?
— Pourquoi? C'est important?
— Tu as raison, je lui réponds en étirant les lèvres. Ça ne l'est pas.
Je reprends une lampée de l'alcool. Il ne doit pas avoir plus de vingt et un ans. Peut-être même vingt. Mais il buvait ce soir-là au Great Franz. C'est idiot. Ils ont tous une fausse carte d'identité dans ce pays de toute façon. Toujours assis sur le pouf, il pose son coude sur le genou plié et lève les prunelles vers le ciel noir. J'observe éhontément son profil. Il est tellement concentré qu'on pourrait dire qu'il est en train de compter les étoiles ou alors de reconnaître des constellations parmi ces astres brillants.
— Et toi Mason? je l'interpelle. Qu'est-ce que tu aimerais faire ce soir? Qu'est-ce que tu n'as pas encore fait dans ce voyage éphémère qu'on appelle vie?
Il se retourne dans ma direction, croisant mon regard. Puis il hausse un sourcil. Je ne peux pas lire dans ses pensées, mais je vois qu'il a une idée en tête.
— Un tatouage! s'exclame-t-il.
J'écarquille les yeux en ouvrant la bouche en grand. Je reste ainsi quelques secondes avant de lui demander:
— Tu es au courant qu'il y a un tatoueur en bas?
Il acquiesce et sans rien ajouter, je chausse immédiatement mes bottes avant de me lever. Je lui donne la main et il la prend en se relevant à son tour.
— Tu es sûr de ce que tu veux? je demande tandis qu'on avance vers la porte. Tu sais si un jour tu veux l'effacer, ce sera beaucoup plus douloureux et plus lent.
J'essaie de m'assurer qu'il ne va pas changer d'avis, mais il fonce dans le couloir, fermement déterminé.
♡
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