Fyctia
Chandelier de l'âme 13
Camille fronça les sourcils. « Et cette lumière ? Cette vision ? »
L’ombre sourit – ou du moins, ils sentirent un sourire dans son essence.
— « Ce n’est qu’un miroir. Ce que vous voyez, c’est vous-même. »
Un fracas soudain retentit. Les cristallins, fusionnés en un seul orbe de lumière pure, s’élevèrent au sommet de l’autel. L’orbe projeta un faisceau directement dans leurs cœurs, les emplissant d’une chaleur écrasante mais étrangement familière.
Ils virent des fragments de leurs vies, des souvenirs qu’ils avaient oubliés ou réprimés. Ils virent leurs espoirs, leurs peurs, leurs triomphes et leurs échecs, tout cela fusionnant en une vérité unique : leur humanité était leur lien avec le divin.
L’orbe éclata dans un silence assourdissant, et une plume dorée, légère comme une pensée, flotta doucement jusqu’au sol. Camille la ramassa avec précaution.
— « Une plume ? » murmura-t-elle, confuse.
Léandre se redressa, un sourire tranquille sur les lèvres. « Non. Un souvenir. »
Alors qu’ils quittaient la salle sacrée, l’autel s’effondra, et les statues s’éteignirent, comme si elles avaient rempli leur rôle. Le chemin du retour fut étrangement calme, les étoiles illuminant leur route.
Léandre sentit un nouveau souffle dans son art, une sérénité qu’il n’avait jamais connue. Camille, elle, comprit que son écriture avait toujours cherché à capturer ce qu’elle venait de découvrir : la beauté dans l’éphémère, la puissance dans l’inachevé.
Leur quête n’était pas terminée, mais ils savaient maintenant qu’elle ne résidait pas dans des objets ou des lieux, mais dans la manière dont ils vivaient, créaient et aimaient.
Et tandis qu’ils s’éloignaient, une lumière douce, presque imperceptible, brillait dans leurs cœurs, un rappel silencieux de ce qu’ils avaient entrevu dans l’infini.
Le vent se leva doucement, portant avec lui des murmures oubliés. Chaque brise semblait fredonner une mélodie ancienne, une prière sans mots, une ode à l’éphémère. Camille et Léandre marchaient en silence, laissant leurs âmes absorber l’instant, comme si le monde lui-même retenait son souffle face à leur éveil.
Le ciel s’étendait au-dessus d’eux, vaste et insondable, comme le regard d’un dieu silencieux. Ils n’étaient plus seulement des chercheurs d’absolu, ni des témoins passifs de la beauté. Ils étaient devenus autre chose, une fusion de chair et de lumière, d’éphémère et d’éternité.
Léandre ferma les yeux et leva une main vers les étoiles. Il sentait encore la chaleur de l’orbe en lui, ce battement ancestral qui résonnait désormais dans chacun de ses gestes. Son art ne serait plus une quête de perfection, mais une offrande, une trace de l’invisible dans le tangible.
Camille, quant à elle, serra la plume dorée entre ses doigts. Chaque mot qu’elle écrirait porterait désormais l’empreinte du sacré, l’écho d’un mystère qu’elle ne chercherait plus à posséder, mais à révéler, doucement, comme une lanterne éclairant le chemin des âmes errantes.
Ils ne se parlèrent pas. Il n’y avait plus besoin de mots.
Ils savaient.
De retour dans leurs villes respectives, ils retrouvèrent la vie qu’ils avaient laissée derrière eux. Mais rien n’était vraiment pareil.
Léandre peignait désormais avec une liberté nouvelle, laissant ses toiles naître et mourir dans l’instant, sans chercher à figer ce qui ne pouvait l’être. Son succès ne venait plus de la maîtrise, mais de la sincérité brute de ses œuvres, de cette vibration invisible qui touchait ceux qui osaient regarder au-delà des formes.
Camille écrivait des histoires que personne n’avait encore osé raconter, des récits où l’humain et le divin se rencontraient, où l’imperfection devenait un sanctuaire. Ses mots portaient un poids nouveau, une vérité qui ne pouvait être expliquée, seulement ressentie.
Le monde continuait de tourner, indifférent et pourtant changé, car en eux brûlait une flamme que rien ne pouvait éteindre.
Ils se reverraient un jour, lorsque l’heure viendrait d’écrire un autre chapitre, d’ouvrir une autre porte.
Mais pour l’instant, ils laissaient le vent emporter leur quête vers d’autres horizons, vers d’autres âmes prêtes à entendre le chant silencieux du divin.
Et quelque part, dans l’ombre d’un temple oublié, une plume dorée reposait sur l’autel d’une nouvelle aube.
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