Chris LEVOYAGEUR MUSE DU REGARD ÉTERNEL. TOME 1 Le sacré imparfait 6

Le sacré imparfait 6

Le ton moqueur cacha la sincérité dans ses yeux, mais Léandre ne réagit pas. Il entra dans la maison, les souvenirs de son enfance le submergeant. Chaque coin de cette demeure portait encore les traces de leurs vies passées.


Ce fut dans cette maison, auprès de sa famille, que Léandre trouva une nouvelle source d’inspiration. Sa mère, âgée mais toujours alerte, lui raconta des histoires de leur passé qu’il avait oubliées, des fragments de vie qu’il n’avait jamais pris le temps d’apprécier.


Un soir, alors qu’ils partageaient un dîner simple mais chaleureux, Élise lui tendit un carnet jauni par le temps.

— « Ton père voulait que tu aies ceci, un jour. »


Léandre ouvrit le carnet, découvrant des croquis rudimentaires, des phrases inachevées et des réflexions écrites d’une main hésitante. Son père, qu’il avait toujours connu comme un homme discret et réservé, semblait avoir nourri un amour secret pour l’art et la philosophie.


— « Il disait toujours que l’art est une fenêtre vers l’âme, » murmura Élise. « Et je pense que tu as hérité de cette fenêtre. »


Les mots de sa mère résonnèrent profondément en lui. Pour la première fois, Léandre comprit que son talent ne venait pas de nulle part, qu’il était le fruit d’une lignée d’esprits sensibles, d’une quête d’expression transmise de génération en génération.


Les jours passés auprès de sa famille furent une pause précieuse dans sa vie tumultueuse. Le lac, avec ses eaux calmes et réfléchissantes, devint une métaphore de son propre esprit. Chaque matin, il s’asseyait sur le vieux quai en bois, observant les jeux de lumière sur la surface de l’eau, un carnet à croquis à la main.


Un matin, Mariane le rejoignit, une tasse de café dans les mains.

— « Alors, qu’est-ce que tu comptes faire, Léandre ? Continuer à peindre jusqu’à ce que le monde entier achète tes toiles ? »


Il haussa les épaules, esquissant un sourire.

— « Ce n’est pas aussi simple. Mes œuvres ne viennent pas de moi. Elles viennent de quelque chose de plus grand, quelque chose que je ne comprends pas entièrement. »


Mariane l’observa un moment, le vent jouant avec ses cheveux.

— « Peut-être que ce n’est pas ton rôle de comprendre. Peut-être que ton rôle est simplement de créer. »


Ces mots résonnèrent en lui. Était-ce là sa mission, son véritable rôle ? Être un intermédiaire, une main guidée par l’inconnu pour révéler ce que d’autres ne pouvaient voir ?


Mais tout n’était pas si paisible. Avec le succès vint une attention intense, presque suffocante. Les médias, les critiques, les collectionneurs... tous voulaient une part de Léandre, une explication de son génie.


Et, dans l’ombre, il sentait une autre présence. Quelque chose qu’il avait ramené avec lui de la forêt. Une énergie qu’il ne pouvait ignorer. Parfois, la nuit, il rêvait des cristallins, de leur lumière éblouissante, et de la femme aux yeux d’étoiles qui l’avait interrogé sur le sens du sacré.


Dans la maison familiale, l’atmosphère semblait chargée d’un passé qui refusait de disparaître. Chaque pièce portait les traces des générations qui avaient habité ces lieux. Léandre ressentait une étrange familiarité dans ces murs, mais aussi une tension indéfinissable, comme si la maison elle-même gardait des secrets qu’elle n’était pas encore prête à révéler.


Un soir, alors que le crépuscule enveloppait le lac d’un voile doré, Léandre s’attarda dans le grenier. C’était un espace qu’il n’avait pas visité depuis son adolescence. La poussière flottait dans l’air comme des particules d’étoiles, et l’odeur de bois ancien emplissait ses narines. Il y trouva des boîtes en carton éparpillées, des vieux livres et, dans un coin sombre, une malle verrouillée.


Le cadenas était rouillé, mais avec un effort, il réussit à l’ouvrir. À l’intérieur, il découvrit des objets qui ne semblaient pas appartenir à sa famille : un miroir de poche à la surface ternie, des croquis de visages féminins étrangement beaux mais incomplets, et un journal à la couverture de cuir noir.


En ouvrant le journal, il trouva des dessins, des mots cryptiques, et des références à une femme surnommée « Myrithia », le nom qu’il avait entendu dans leurs quêtes précédentes. À côté de ces références, il y avait des phrases énigmatiques :


« La beauté véritable se cache dans l’ombre des choses imparfaites. »


« Cherche dans les reflets, là où le sacré effleure l’ordinaire. »


« La maison est un seuil, un portail entre deux réalités. »


Léandre sentit un frisson le parcourir. Pourquoi ces mots résonnaient-ils en lui comme un écho lointain ? Pourquoi ces croquis semblaient-ils si familiers, presque vivants ?


Cette nuit-là, Léandre ne trouva pas le sommeil. Les croquis du journal l’obsédaient. Chaque trait semblait porter une intention mystérieuse, comme s’ils avaient été dessinés pour transmettre un message qu’il ne pouvait pas encore déchiffrer.


Il sortit sur le vieux quai, emportant le journal avec lui. La lune éclairait doucement les eaux calmes du lac, créant une atmosphère presque irréelle. Alors qu’il feuilletait le journal, un bruit léger le fit sursauter.


Des ombres semblaient danser à la surface de l’eau, prenant des formes indistinctes. Léandre resta figé, son souffle suspendu. Ces ombres lui rappelaient celles qu’il avait affrontées dans le labyrinthe, mais ici, elles n’étaient pas hostiles. Elles semblaient l’appeler, l’inviter à comprendre quelque chose de plus profond.


Il se leva et murmura instinctivement :

— « Si vous portez un message, montrez-le-moi. »


Les ombres s’évanouirent, mais une lueur faible apparut au fond du lac, juste sous la surface. Il s’agenouilla au bord du quai, tendant la main vers cette lueur, mais elle s’effaça avant qu’il ne puisse l’atteindre.


Le lendemain, sa mère entra dans son atelier improvisé avec une tasse de thé.

— « Tu as vu des fantômes, hier soir ? » dit-elle en riant doucement.


Léandre releva les yeux.

— « Peut-être que j’en ai vu. Peut-être que cette maison en abrite plus qu’on ne le pense. »


Élise haussa un sourcil, mais son sourire s’effaça lentement.

— « Ton père disait toujours que cette maison avait une âme. Que les murs voyaient ce que nous ne voyons pas. »


Ces mots ne firent qu’ajouter à l’agitation de Léandre. Plus tard, il retourna au grenier, déterminé à trouver d’autres indices. En fouillant parmi les boîtes, il trouva une vieille photographie montrant son père devant le lac, tenant ce qui semblait être une sculpture en cristal.


Au dos de la photo, il lut une inscription :

— « Le reflet est la clé. »


Cette phrase restait gravée dans son esprit alors qu’il se promenait autour de la maison. En observant les fenêtres, les miroirs, et même les flaques d’eau laissées par une pluie récente, il sentit une étrange sensation. Chaque surface réfléchissante semblait contenir plus que son propre reflet.


Finalement, alors qu’il scrutait le miroir de la salle de séjour, il remarqua une inscription gravée dans le cadre :

— « L’ombre d’un reflet est une porte. »


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