Fyctia
Obsession immortel 6
Lorsque le groupe se réunit une dernière fois avant leur départ, le cristallin d’Orion brillait d’une lumière plus intense qu’avant, projetant des reflets dans toute la pièce. À travers ces éclats, chacun vit brièvement une scène :
Jenny vit une silhouette escalader une montagne infinie, mais la cime disparaissait à mesure qu’elle approchait.
Camille vit une mer sombre, avec des éclats de lumière au fond des abysses, hors d’atteinte.
Christopher aperçut un livre dont les pages se tournaient seules, mais à chaque fois qu’il lisait un mot, il s’effaçait.
Bill vit une sculpture inachevée s’effondrer sous son propre poids.
Léandre vit une lumière aveuglante qui le consumait de l’intérieur, ne laissant qu’une ombre dans un désert infini.
La voix du cristallin s’éleva à nouveau, plus distincte cette fois :
— « L’infini n’a pas de maître. Mais l’art, s’il est pur, peut ouvrir des portes. »
Ils comprirent que leur quête serait plus qu’une recherche de fragments. Chaque cristallin les forcerait à affronter une partie d’eux-mêmes qu’ils avaient toujours ignorée ou redoutée. Mais pour atteindre l’ultime vérité, ils devraient d’abord se perdre dans ces reflets éphémères.
La Traversée des Reflets s’avéra plus ardue qu’ils ne l’avaient imaginé. Chaque étape, chaque piste, semblait les éloigner davantage de la réalité et les plonger dans un monde où le tangible s’effaçait devant l’invisible.
Les vents glacés de la montagne sifflaient comme des murmures vivants. Jenny et Carthos progressaient lentement, chaque pas leur coûtant un effort colossal. Mais ce n’était pas seulement le froid ou l’altitude qui les accablaient. Une présence invisible semblait rôder autour d’eux, une entité éthérée qui pesait sur leurs esprits.
Jenny entendit une voix dans le vent, douce et tentatrice :
— « Pourquoi chercher plus loin ? La beauté que tu cherches est déjà en toi. Abandonne cette quête futile. Reste ici, dans la quiétude éternelle. »
Elle vacilla, ses jambes fléchissant sous le poids de ces paroles. Carthos l’attrapa avant qu’elle ne tombe, son regard perçant scrutant l’horizon comme s’il cherchait la source de cette voix.
— « Ce n’est qu’une illusion, Jenny. Ne l’écoute pas. Le divin teste ta volonté. »
Mais les murmures s’intensifièrent, devenant des cris. Des visions surgissaient dans l’esprit de Jenny : une vie paisible, sans douleur ni quête, où elle n’était qu’une musicienne oubliée. Elle sentit la tentation grandir en elle, mais le regard de Carthos, calme et ancré, la ramena à la réalité.
Ils atteignirent enfin un plateau où une sculpture de glace immense se dressait, taillée par le vent lui-même. Au cœur de cette sculpture, un éclat lumineux brillait faiblement : un cristallin. Mais lorsqu’ils s’en approchèrent, la sculpture s’anima, devenant une créature faite de vent et de givre.
Le combat qui s’ensuivit n’était pas physique. La créature projetait des illusions, plongeant Jenny et Carthos dans leurs peurs et leurs regrets les plus profonds. Carthos revécut la douleur de son échec à capturer la muse dans sa jeunesse, tandis que Jenny fut confrontée à l’idée que son art n’était qu’une pâle imitation de la vérité.
Ils ne triomphèrent qu’en abandonnant leur désir de contrôle, en acceptant leur imperfection et en laissant le souffle de la montagne purifier leurs esprits. Le cristallin se détacha de la sculpture et flotta vers eux, son éclat purifiant les doutes qui les rongeaient.
Sur l’île isolée, le silence était presque absolu, brisé seulement par le bruit des vagues. Camille et Christopher trouvèrent l’entrée de la grotte après des heures de recherche. Mais à mesure qu’ils s’aventuraient dans les ténèbres, une pression inexplicable s’intensifiait, comme si les murs eux-mêmes les jugeaient.
Dans les profondeurs, ils découvrirent un lac souterrain où des reflets dansaient à la surface. Le cristallin était là, suspendu au-dessus de l’eau, mais lorsqu’ils s’en approchèrent, leur propre image dans le lac prit vie, leur adressant des paroles venimeuses.
— « Christopher, pourquoi chercher la vérité ? Tu n’es qu’un imposteur. Tu n’as jamais cru en cette quête. »
— « Camille, ton écriture est vide. Tu poursuis une illusion, incapable de créer quelque chose d’unique. »
Leurs doubles aquatiques se multiplièrent, leur lançant des accusations, leurs voix devenant un crescendo insupportable. Christopher, furieux, plongea dans l’eau pour tenter d’atteindre le cristallin, mais il fut entraîné dans une spirale sombre.
Camille, paniquée, ferma les yeux et se concentra sur une seule pensée : La muse ne juge pas, elle inspire. À cet instant, les doubles disparurent, et elle tendit la main pour sauver Christopher. Le cristallin tomba dans l’eau et flotta jusqu’à eux, son éclat éclairant leurs visages fatigués.
Dans le désert, les dunes semblaient changer de place à chaque instant, rendant leur progression presque impossible. Bill, obsédé par l’idée de trouver le fragment, ignorait les avertissements de Léandre et s’éloignait constamment du chemin.
La chaleur accablante fit apparaître des mirages. Léandre vit des visions de son passé : des foules qui l’acclamaient, des œuvres qu’il avait créées mais qu’il considérait maintenant comme creuses. Une voix murmura :
— « Pourquoi chercher davantage ? Tu as déjà atteint la grandeur. »
Bill, de son côté, vit une sculpture parfaite surgir des sables, une œuvre qu’il n’aurait jamais pu créer lui-même. L’envie et la frustration le consumèrent, et il tenta de s’en approcher, mais elle se dissipa dès qu’il tendit la main.
2 commentaires
Carl K. Lawson
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Il y a un mois
DOM75
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Il y a un mois