Fyctia

Jenny fut la première à vaciller.

— « Ce sont mes rêves, » murmura-t-elle, terrifiée. « Les ombres montrent mes rêves… mais ils sont brisés. »

Carthos Jo s’avança, posant une main rassurante sur son épaule.

— « Les ombres ne sont que des reflets de nos doutes, » dit-il. « Nous devons avancer sans les craindre. »

Camille, cependant, semblait étrangement calme. Elle traversa le labyrinthe avec une détermination inébranlable, guidée par une force intérieure que les autres ne pouvaient comprendre.

Lorsque le groupe émergea enfin du labyrinthe, ils aperçurent au loin l’entrée massive de la Crypte d’Orion. Taillée dans une falaise dorée, elle semblait briller d’une lumière propre, comme si elle absorbait et reflétait l’éclat du soleil.

Camille s’arrêta un instant, ses yeux fixés sur l’entrée.

— « C’est ici que tout commence, » murmura-t-elle.

Léandre hocha la tête, partagé entre l’excitation et la crainte. Ils étaient au seuil d’un mystère qui dépassait tout ce qu’ils avaient imaginé.

Mais qu’y trouveraient-ils vraiment ? La muse, ou simplement un miroir de leurs propres âmes ?

Devant la Crypte d’Orion, le groupe s’immobilisa. L’entrée était massive, creusée dans la roche comme si une main divine avait sculpté l’éternité elle-même. Les gravures sur les murs ne ressemblaient à rien de ce qu’ils avaient vu auparavant. Des formes géométriques parfaites s’entrelacaient avec des figures humaines et animales, chaque ligne semblant vibrer d’un écho silencieux.

Camille, les yeux fixés sur la porte, murmura presque pour elle-même :

— « Ces symboles… Ils racontent une histoire, mais elle n’est pas humaine. C’est une langue d’ailleurs. »

Carthos Jo s’avança, ses doigts frôlant les gravures. Il avait étudié toute sa vie l’art et ses limites, mais ici, il comprit l’ampleur de ce qui lui avait échappé.

— « L’art est notre tentative de capter l’infini, » déclara-t-il d’une voix grave.

— « Mais ce lieu... Ce lieu est l’infini qui nous observe. »

Jenny sentit une larme couler sur sa joue sans qu’elle sache pourquoi. Elle ne voyait qu’une porte, mais quelque chose, une présence invisible, semblait sonder leur âme.

— « Pourquoi avons-nous voulu venir ici ? » demanda-t-elle, tremblante.

Léandre, d’un ton plus dur qu’il ne l’aurait voulu, répondit :

— « Parce que l’art n’est jamais assez. Parce que ce que nous créons s’effrite toujours face au temps. Nous sommes venus chercher une réponse… ou une bénédiction. »

Ils poussèrent la porte, et un souffle d’air glacé s’échappa de l’obscurité. À l’intérieur, la Crypte semblait infinie. Les murs, faits d’un matériau inconnu, reflétaient des formes indistinctes. À chaque pas, les échos de leurs pas se perdaient dans une résonance qui semblait déformée, comme si l’espace lui-même jouait une mélodie invisible.

Au centre de la pièce se trouvait un piédestal portant un miroir. Mais ce miroir n’était pas ordinaire : il semblait contenir un fragment d’étoiles, une profondeur infinie qui aspirait le regard.

— « C’est une épreuve, » dit Camille, d’une voix presque cassée.

Carthos Jo se pencha sur le miroir. Ce qu’il y vit le laissa sans voix : une fresque mouvante qui représentait toutes les œuvres qu’il avait créées au cours de sa vie. Mais elles n’étaient pas parfaites. Chaque toile, chaque sculpture montrait les erreurs qu’il avait refusé de voir, les limites de son propre génie.

— « Pourquoi me montrer cela ? » murmura-t-il, ses yeux emplis de larmes.

La voix de la muse, douce et lointaine, résonna dans leurs esprits :

— « L’art n’est qu’un écho. Vous qui cherchez l’inspiration éternelle, êtes-vous prêts à voir vos propres failles face à l’infini ? »

Camille, quant à elle, sentit la carte dans sa poche s’illuminer légèrement. Elle la sortit, et à sa surprise, les symboles qu’elle avait suivis jusqu’ici commençaient à se désintégrer, comme si leur utilité s’était achevée.

— « Non… » murmura-t-elle, désespérée. « Tout ce chemin pour quoi ? »

Mais alors qu’elle regardait la carte disparaître, une nouvelle gravure apparut sur le sol à ses pieds. Elle représentait une plume et une main tendue vers un ciel étoilé.

Léandre, qui observait, s’approcha d’elle.

— « C’est toi, Camille. C’est toi depuis le début. »

Elle le regarda, confuse.

— « Qu’est-ce que tu veux dire ? »

— « La quête que nous poursuivons tous… Elle commence par toi. Peut-être que ce n’est pas la muse que tu cherches, mais la part divine qui se trouve déjà en toi. »

Alors qu’ils continuaient à explorer la Crypte, chaque membre du groupe fut confronté à une vision. Bill, obsédé par la sculpture, vit une statue inachevée qui semblait parfaite. Mais lorsqu’il s’approcha pour la toucher, elle s’effondra en poussière, le laissant face à son reflet.

— « Pourquoi ? » cria-t-il. « Pourquoi tout ce que je crée finit par disparaître ? »

La voix de la muse répondit :

— « Parce que tu ne crées pas pour comprendre, mais pour posséder. L’inspiration ne se maîtrise pas. Elle se ressent, elle se laisse aller. »

Christopher, quant à lui, fut confronté à une bibliothèque infinie. Chaque livre semblait contenir une réponse à une question qu’il n’avait jamais osé poser. Mais lorsqu’il ouvrit un volume, il n’y trouva que des pages blanches.

— « Le divin n’écrit pas d’histoires, » expliqua la voix. « Il offre des fragments. Ce que tu fais de ces fragments, c’est cela, la création. »

À mesure qu’ils progressaient, les murs de la Crypte se couvrirent de silhouettes gravées, comme des fantômes figés dans la pierre. Camille s’arrêta devant une figure qui lui était familière : une femme aux traits délicats, mais au regard brisé.

— « C’est moi, » murmura-t-elle, terrifiée.