Fyctia
L'hôpital 3/5
— Message entrant de Diegory Keaton. Contenu du message : j’ai pris un taxi, tenez-moi au courant. On se voit au bureau. Vous pouvez à présent rappeler, répondre, supprimer, annuler. Veuillez annoncer l’action après le bip.
— Répondre, formulèrent les deux agents d’une même voix.
— Veuillez énoncer le contenu de votre SMS après le signal sonore.
— Vas-y.
— Non, c’est bon, déclina Elise, je te laisse faire.
— Vas-y. Non, c’est bon, je te laisse faire. Vous pouvez à présent envoyer ce message ou l’annuler.
— Annuler, ordonna Timothy.
— Veuillez énoncer le contenu de votre SMS après le signal sonore.
— Nous arriverons aux urgences dans dix minutes, je te communiquerai le verdict dès qu’il sera tombé.
— Nous arriverons aux urgences dans dix minutes, je te communiquerai le verdict dès qu’il sera tombé. Vous pouvez à présent envoyer ce message ou l’annuler.
— Envoyer.
— Message envoyé.
— Alors, rassurée ? s’enquit Timothy.
Face à l’absence de réponse de sa collègue, il tourna la tête. Elise était avachie. Son visage pendait mollement sur le côté, ses cheveux chocolat dissimulaient ses yeux. Le scientifique réitéra, puis tendit la main pour prendre son pouls. La jeune femme était en sueur. Il tapota plusieurs fois sur sa joue, alternant un regard entre la chaussée et l’enquêtrice qui ne revenait pas à elle malgré ses appels. Il enclencha alors les gyrophares et accéléra l’allure.
Moins de trois minutes plus tard, il s’arrêtait devant les urgences, abandonnant le pick-up à son sort et emmena la jeune femme à l’intérieur le plus vite possible.
Deux infirmières vinrent à son secours. Timothy mentionna que l’inspectrice s’était déjà évanouie plus tôt et qu’elle souffrait d’une luxation de l’épaule.
La jeune femme fut installée sur un lit dans une salle de soin et aussitôt, son sweat fut découpé. Timothy, perdu, était incapable de répondre aux questions des infirmières ou des aides-soignantes. Son regard s’échouait sans cesse sur l’ecchymose violacée bleutée qui marbrait l’épaule et une partie des côtes d’Elise. Depuis combien de temps était-elle dans cet état ? Il l’ignorait. Comment était-ce arrivé ? Il l’ignorait également, mais à présent, il savait qu’il ne regarderait plus l’agente de la même façon.
L’une des infirmières le toisa, s’imaginait-elle qu’il l’avait blessée ? Battue ? Ou pire encore ?
Elise cligna des paupières, Timothy s’en aperçut le premier. Il se pencha sur elle, l’interrogea sur son état, tout comme l’une des aides-soignantes. Les infirmières lui posèrent un masque, puis lui firent une injection sous-cutanée de morphine. L’agente bredouilla des mots incompréhensibles et essaya d’attraper la main de Timothy. Le scientifique ferma sa paume sur la sienne et tenta de la rassurer tandis qu’on l’emportait vers la radiographie.
Refoulé à l’entrée de la salle, l’agent tourna en rond comme un lion en cage. Il pesa le pour et le contre avant de contacter Diegory pour lui signifier que sa coéquipière se trouvait dans un état plus grave qu’ils ne le pensaient, puis se laissa choir sur l’un des sièges accolés au mur du corridor. L’enquêteur lui avait mentionné qu’il se mettait en route, mais Timothy l’en avait dissuadé, arguant que cela ne servirait à rien de rester dans un couloir à attendre et qu’il le tiendrait au courant.
Une question fatidique s’imposait à présent. Qui d’autre devait-il contacter ? D’aussi loin qu’il se souvienne, l’enquêtrice n’avait personne dans sa vie. Dans sa famille, et d’après les rumeurs, il ne restait que le directeur adjoint. Aussi composa-t-il son numéro, fébrile à l’idée d’entendre sa réaction.
Lucien ne lui laissa pas le temps d’expliquer la situation. Il réclama le nom de l’hôpital et raccrocha.
Avant même que la jeune femme ne soit revenue de l’examen d’imagerie médicale, le directeur adjoint était déjà là. Il remercia le scientifique et le congédia après une courte discussion. Timothy n’osa objecter et demanda simplement à son supérieur de le tenir informé.
À la suite des examens, le médecin déclara que l’épaule d’Elise devait être replacée sous anesthésie générale.
Après l’opération, Lucien veilla la jeune femme jusqu’à ce qu’elle commence à reprendre ses esprits. Il savait qu’il n’était pas celui qu’elle aimerait voir à son réveil. Alors, plutôt que de lui imposer sa présence, il disparut tel qu’il était arrivé.
Lorsque Elise ouvrit les yeux, elle était seule au fond de la salle de réveil. Elle se redressa et chercha son téléphone portable. Affaiblie, elle n’arrivait pas à maintenir ses barrières psychiques. Alors, elle devait masquer les murmures, étouffer les plaintes des esprits éveillés. Sauf qu’elle n’avait ni mobile ni écouteurs.
Les voix s’intensifièrent.
Reproches. Tourments. Vengeances.
Le tumulte s’éleva, érodant son être. L’inspectrice perdait pied. Elle se revoyait supplier Timothy afin qu’il interdise l’anesthésie puis l’incompréhension de ce dernier. Perdre ses sensations, c’était ce qu’elle redoutait le plus, car les âmes s’accrochaient à elle, s’immisçaient dans son esprit brumeux et lui dictaient leurs ambitions vengeresses.
Puis, dans ce brouhaha, une voix couvrit les autres.
— Vous êtes réveillée ! Comment vous sentez-vous ?
L’enquêtrice tourna la tête en direction du timbre dynamique qui venait de l’extirper de cette tornade d’émotions. Elle tenta de se tenir debout et se rattrapa à l’une des barres métalliques du lit, déséquilibrée.
— Attendez ! Ne vous levez pas si vite ! s’exclama l’inconnue. Doucement… doucement, vous allez faire un malaise ! Prenez le temps, déclara-t-elle à proximité de l’agente.
— Mon téléphone, bredouilla l’enquêtrice.
— Vos affaires personnelles ont été déposées à l’accueil avant l’intervention, voulez-vous que j’aille vous les chercher ?
Elise opina, consciente que, dès qu’elle serait à nouveau seule, les âmes tapies se manifesteraient. Longtemps, elle les avait côtoyées sans comprendre le sens de leurs mots, mais à présent, elle avait mûri. Elle n’était plus la gamine qui errait dans les cimetières à la recherche de sa mère. Elle n’était plus cette enfant qui enlaçait les morts pour les réconforter avant le « grand voyage. » La dureté du monde, elle l’avait assimilée jusqu’au tréfonds de son être.
La jeune femme reprit sa place sur le lit, sous l’œil attentif de l’infirmière, puis celle-ci s’éloigna pour aller récupérer ses effets personnels. Aussitôt, le tintamarre reprit en fanfare.
Calmer son esprit.
S’éloigner.
S’enfermer.
Partir.
Oublier.
Disparaître.
Quand Elise ouvrit les yeux, elle se trouvait face à la cuve. Son esprit s’était réfugié dans le souvenir le plus calme et le plus récent qu’il ait trouvé. Du regard, elle suivit le pourtour du plafond. Même si elle n’y avait pas prêté attention durant l’expertise, sa mémoire visuelle se rappelait chaque détail. Les toiles d’araignées, les écailles des murs, elle n’avait rien oublié. La jeune femme s’apaisa lorsqu’elle réalisa l’absence de caméras.
18 commentaires
A l'Encre de mon Sang
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Il y a 4 ans
Kiran Syrova
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Il y a 4 ans
Sissy Jil Adan'S
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Il y a 4 ans
Kiran Syrova
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Il y a 4 ans
Alec Krynn
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Il y a 4 ans
Kiran Syrova
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Caro Handon
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Il y a 4 ans
Kiran Syrova
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Il y a 4 ans
Sissy Batzy
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Il y a 4 ans
Arno Rozen
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Il y a 4 ans