Fyctia

Chaque mot émis de sa part tourne dans ma tête qui cherche à en trouver le sens.

Je vois ses lèvres bouger, j’entends ses mots sortir de sa bouche, mais je ne comprends pas ce qu’il dit. Il a beau me le répéter, ça n’arrive pas à rentrer.

Il ne peut pas avoir réellement eu ces propos ? C’est impossible. C’est seulement l’expression de mes désirs les plus profonds. De mes fantasmes inavouables. Cela ne peut être que ça. Pourquoi souhaiterait-il m’aider ? Il ne me connaît pas. Je ne le connais pas. Il s’agit là, de notre première interaction.

Est-ce un test de sa part pour savoir comment je vais réagir ? Si je vais foncer tête la première ou me désigner coupable d’un meurtre ?

Ou bien il est fou. C’est un taré qui veut cacher un corps. Il me dit ça comme si c’était aussi simple. À croire qu’il a fait ça toute sa vie.

À moins que...

À moins que ce ne soit moi qui déraille. Je viens de tuer quelqu’un, après tout. Je peux aussi devenir complètement folle à lier et imaginer tout ça.

Mais il est la, devant moi en chair et en os attendant la réponse à sa requête.

De mes lèvres qui tremblent, je lui demande :

– Pourquoi ? Pourquoi voudrais-tu m’aider ? Je viens de tuer quelqu’un.

Mon visage hagard se tourne vers le corps de mon amie. De mon ennemie. De mon je ne sais quoi. Son sang a arrêté de couler, mais s’est étendu jusqu’à mes pieds.

Il fait froid d’un coup dans la pièce et de la nausée m’assaille. Mes yeux me piquent à force d’avoir trop pleuré. Ma voix est rauque à force d’avoir trop crié. La voir comme ça, devant moi, me donne envie de vomir. Mon corps est parcouru d’un frisson d’effroi. Comment les choses ont pu dévier de cette façon ?

C’est terminé. Ma vie s’est terminée à la seconde ou je l’ai tuée. Ou alors... Peut-être y a-t-il une solution ?

Je pense à toutes les choses que je vais rater si je pars en prison. À tous les espoirs que j’ai mis dans la réussite de ma vie. Je voulais devenir journaliste ou animatrice de télévision. Je voulais me faire connaître et que mon père regrette d’être parti. Je voulais devenir brillante, être un exemple de réussite. Mon existence était planifiée au millimètre près. Tout était prévu. Je n’ai jamais rien fait au hasard et voilà que tout s’écroule devant mes yeux.

Il faut que je me fasse une raison. Plus rien ne pourra être comme avant. Si j’avoue mon meurtre, je partirai en prison. Je deviendrai la folle, celle qui a tué sa meilleure amie pour une histoire de mec. Je serai la cocue pointée du doigt, une honte de la société. On parlera de moi, mais en des termes peu élogieux. Je serai connue pour de mauvaises raisons. Je passerai à la télé pou un acte répréhensible. Je deviendrai l’exemple de celle qu’il ne faut pas devenir. Mon sort sera, pour toujours sceller. Il a suffi que d’un geste, un seul pour que tout s’arrête. Sa vie et la mienne.

Néanmoins, s’agit-il vraiment d’un crime ? C’était un accident involontaire, peut-être que je ne serais pas puni. Mais qui me croirait ? Personne. Et ils auraient raison après tout, Ambre voulait me détruire. Et j’ai voulu me venger sans que ça aille aussi loin. Je n’ai jamais désiré la tuer, mais c’est ce qui s’est passé.

Le regard de Andrew est fixé sur moi. J’ai l’impression qu’il tente de creuser ma tête pour découvrir tous mes pêchés. S’il y arrive, il ne va pas être déçu.

Ne nous sépare que le corps d’Ambre. Je n’ai jamais été aussi proche de lui. Il n’est pas moche, mais il n’est pas magnifique non plus. Il a cependant un charme que je n’arrive pas à définir. Ses cheveux et ses yeux sont bruns. Il est longiligne est plus grand que moi. Sa posture respire l’assurance et la sérénité. À croire qu’un cadavre ne nous sépare pas.

Il y a quelque chose chez lui qui donne envie de donner son entière confiance. Mais, comment ? Je ne peux pas. Je suis trop méfiante pour ça. Et il n’a aucune raison de m’aider.

– Je veux t’aider parce que tu n’es pas une meurtrière, interrompt-il mes pensées. Tu es trop jeune pour tomber à cause de quelque chose dont tu n’es pas responsable. Il s’agissait d’un accident. Un malencontreux accident.

– Mais, les policiers ne me croiraient pas, dis-je sous forme de question.

– Non, ça m’étonnerait, répond-il d’un air navré.

Il veut m’aider et je veux qu’il m’aide. Pourtant, j’ai du mal à le croire. Je n’arrive pas à lui faire entièrement confiance. Pourquoi le ferais-je après tout ? On ne sait jamais parler et voilà qu’il veut devenir mon complice.

– Tu sais les risques que tu encours ? Tu deviendras aussi coupable que moi. Si on découvre ton implication, tu iras en prison...

– Alors, faisons en sorte qu’on ne le découvre pas.

Et il fait un demi-sourire.

Il est si... déroutant ! Pourquoi vouloir m’aider ? Je ne comprends pas. Il semble pourtant savoir ce à quoi il s’expose. De très longues années de prison.

– Et qu’est-ce que tu proposes ? Je suis désolé de te l’annoncer, mais... je n’excelle pas dans l’art de cacher un corps.

– Aussi surprenant que cela puisse être, moi non plus. Mais on pourrait s’auto mutuellement étonner. J’ai lu beaucoup de livres, j’ai vu beaucoup de films et de séries pour avoir quelques connaissances.

– Il s’agit de la réalité ! Tu ne peux pas proposer des trucs que tu as vus je ne sais où, m’emporté-je.

– Tu serais étonnée de savoir tout ce que l’on peut faire pour ne pas être découvert. Tu ne t’es jamais demandé pourquoi il y avait autant de meurtres sans coupable? Il est possible de tuer sans laisser de traces. Et je vais te le prouver.

Non, je ne me le suis jamais demandé, mais ça, je me garde bien de le lui dire.

Quelle importance ? Ce n’est pas mon problème ou du moins, ça ne l’était pas. Jusqu’à maintenant. Je me fiche bien de tous les crimes non découverts. De tous les meurtriers qui sont en libertés. Cela ne me concerne en aucun cas.

– Je... commencé-je. Et, qu’est-ce que tu proposes ? Tu as l’air de savoir ce qu’il faut faire donc, éblouis-moi par ton savoir.

– D’abord, asseyons-nous et ensuite, parlons, ordonne-t-il.

Andrew contourne le corps d’Ambre et pose sa paume sur mon épaule et sa main dans la mienne afin de me guider sur une chaise. Je le laisse me diriger et d’un pas qui tremble, je le suis. Je me laisse choir sur un siège et me prépare à l’écouter. Je suis prête à tout pour ne pas être découverte. S’il sait comment faire et quoi faire, je suis décidée à suivre son plan pour masquer mon crime.

– Maintenant, voilà ce que l’on va faire, dit-il en s’asseyant à son tour de sa voix rauque et calme.