Fyctia
1*- Éliana
Gabriel m'avait forcé la main pour que je sorte de chez moi, et contre toute attente, il a réussi. Ou presque.
L’hésitation monte à mesure que les secondes s’écoulent.
J’en viens à ne plus avoir envie de sortir, même si je sais que pour lui faire plaisir, pour le récompenser de ses efforts, je le rejoindrais. Que je le veuille ou non ! Alors je fouille ma garde-robe à la recherche de la tenue la plus “rien à foutre” possible ! Et depuis ma rupture, je n’ai que ça !
Le choix est compliqué, maintenant. Est-ce que je prends le survêt' gris ? Le noir ? Ou bien je mets un gros baggy avec un pull ?
La coiffure aussi se veut difficile. Un chignon ? Je laisse mon ananas ?
Tellement de questions qui comblent, ou presque, mon esprit… Car lui, est toujours présent…
Finalement, Gabriel est arrivé plus vite que prévu devant chez moi, alors je garde mon jogging et le pull qui me sert de pyjama depuis plusieurs jours, je laisse mon ananas avec mon bonnet en soie par-dessus, et me voilà parti pour de nouvelles aventures !
Je descends les escaliers et rejoins ma mère sur le sofa pour lui dire au-revoir. Ma génitrice préférée, – de toutes façons, je n’en ai qu’une –, me reluque en plus de me balancer un regard plein de questions.
— Je sors avec Gabriel. Il attend devant, lui annoncé-je pour la rassurer.
— Dis-donc, il n’arrête plus de te trainer partout ! Par contre, tu sors comme ça ? Me répond-elle d'un ton rempli de jugement.
Et il y a de quoi… Des taches de chocolat jaugent mon haut, et mon bas a des trous à cause de mon chaton qui s’amuse à y planter ses griffes ! Plus qu’à enfiler un sac Dora l’exploratrice et je serai prête pour partir en boîte !
— Il m’a déjà vu habillé pire que ça !
Puis sur cette réponse, je m’en vais. La honte de sortir comme ça est loin de moi, jusqu’à ce que je vois, en arrivant devant la voiture après quelques mètres, que celle-ci contient d'autres passagers à bord…
Je me fige et découvre les deux frères à l’arrière. Ceux que j’avais rencontrés une dizaine de jours plus tôt.
Il ne m’ont pas encore aperçu, trop concentrés à regarder leur partie de Brawl Stars. Il est encore temps de fuir et de te changer ! Pensé-je alors que ma main atterrit sur la poignée.
Mon esprit tourne à vif, pesant le pour et le contre.
Finalement, je rassemble le peu de courage en moi et ouvre la portière côté co-pilote ; comme aime si bien m’appeler mon meilleur ami, après que je me fasse mes meilleures siestes à chaque trajet.
Tous les regards se tournent vers moi, et je vois à leurs visages qu’ils sont étonnés. Par ma beauté ? Aucune chance. Ils ont plutôt l’air surpris de voir une femme se vêtir comme ça, surtout pour une sortie avec des hommes. Leurs yeux reluquent mes Crocs, avec la tête de Stella de la Pat’Patrouille, jusqu’à mon bonnet vert qui jaugent mon front. Comme pour mieux voir ma dégaine, l’un des deux frères n’hésite pas à se rapprocher de mon dos pour mieux percevoir la tenue qui dépasse à tous les points ceux que vend Louis Vuitton.
Sans un mot, Gabriel prend la route, avec une mine des plus sérieuses. Au fond, il a envie de se moquer, de finir hilare sur le bord du trottoir, mais nous avons des invités.
Je suis déjà suffisamment mal, pas besoin que des personnes que je ne connais pas vraiment se mettent aussi à se moquer. Ce serait vraiment le comble.
Même s'il y a de quoi.
Comme si nous avions fait un pacte, la route se fit dans un silence le plus total. Les seuls sons qui nous accompagnent sont nos souffles, souvent camouflés par le bruit du moteur.
Ensemble, on se met à observer les immeubles cachant le soleil, qui, celui-ci, descend de plus en plus à l’horizon, devenant invisible. On pourrait presque ne plus savoir où il se trouve, si ces rayons ne continuaient pas d’éclairer le début de soirée. Les lampadaires s’allument simultanément, et avec eux, les panneaux lumineux des nombreux restaurants que Paris accueille.
La fatigue arrive. Et, sous cette danse de lumière et les parfums mélangés des garçons, mes paupières se ferment.
Je me réveille et constate sur mon téléphone que l’heure a avancé d’une trentaine de minutes. Gabriel s’est garé sur un vaste parking rempli, et j’entends les garçons s'apprêter à descendre. Mes yeux ne sont qu'entre ouverts. Je m’étire un bon coup, baille, puis je me mets à regarder face à moi. Les anciens éclairages laissent place à des milliers d’autres, illuminant les attractions. Les étoiles ne font pas le poids, et elles ne tentent même pas de rivaliser avec.
Quand je vois au loin les nombreux manèges à sensation, je me sens déjà pauvre. Je sais d’avance qu’une compétition entre moi et Gabriel se fera : qui fera le plus d'attractions, et les plus flippantes, sans vomir. Comme lorsque nous étions plus jeunes.
La soirée s’annonce longue. Et intense.
0 commentaire