Fyctia
Chapitre 14.1
ZAÏM
La place sur laquelle je suis assis appartenait à mon oncle. Kamel et son fils sont à ma gauche. Marvin à droite qui mange et boit comme un morfal, ce n'est pas nouveau.
Personne ne parle, hormis quelques jacassements sur le business. La nourriture est fade. Alors qu'hier, j'étais en Algérie entourée de gens chaleureux et de bons plats avec goût.
Le silence est brisé par Kamel en s'adressant à Marvin.
— À force de boire, tu finiras alcoolique.
Marvin repose son verre et pousse un soupir avant de répondre :
— Kamel, Kamel... il fait une pause avant de poursuivre. D'abord, occupe-toi de ton fils.
Je crois qu'il est déjà ivre.
— Pourquoi on le garde ce couillon ? Personne n'est aussi insolent que lui, ronchonne Nahil.
Nous sentons la colère dans sa voix, sauf qu'il n'est pas crédible avec ses pansements sur le visage. De plus, son œil gauche est contusionné. Je n'ai pas pu me retenir.
— Moi, il se pointe du doigt. Je suis utile.
Je me retiens de rire, c'est clair qu'il est largement plus utile que Nahil.
Marvin, je l'ai rencontré dans une salle de sport. À peine, je l'avais aidé qu'il avait commencé à me raconter sa vie, comme si j'étais intéressé. C'est un expert en armes à feu. Il était militaire et malgré ses bonnes performances, il a été renvoyé à la suite de plusieurs avertissements pour un manque de sérieux et une consommation excessive d'alcool en cachette. Il a accepté de travailler pour moi. Il se fiche de son employeur, tant qu'il peut se défouler avec une arme. Il est paresseux de nature, je ne l'ai jamais vu s'entraîner et je me dis honnêtement qu'il n'en a pas besoin. Il ne perd pas ses compétences, c'est même un talent qu'il a.
C'est la seule personne à qui je peux faire un minimum confiance pour certaines choses. Son seul défaut est qu'il aime beaucoup s'amuser et faire l'idiot.
Nahil le dévisage en serrant la mâchoire. Cette fois, c'est Kamel qui soupire et leur demande de se comporter comme des hommes.
— Comment il a pu localiser la villa ?
Je change de sujet pour éviter qu'ils ne se battent devant moi.
— L'un des gardes du premier portail a vu une voiture approcher à vive allure et qui n'était pas la nôtre. Ils ont sorti l'espion du coffre et l'ont jeté devant le portail. Il appartenait à des hommes de Yass, m'explique-t-il.
— Adrien ?
Il hoche la tête. C'est évident, l'espion qui devait à la base me ramener des informations de chez mon ennemi a dû peut-être se faire prendre et a donné des informations me concernant.
— Il se trouve en bas ?
— Ouais, il est dans la cave, rétorque Marvin la bouche pleine.
Si mon oncle était encore en vie, il se serait pris une balle dans le crâne à cause de son impolitesse. Avec lui, il fallait bien se tenir à table. En y repensant, c'était carrément l'armée, comment j'ai pu tenir jusqu'à présent ?
— Dites-leur de l'emmener ici.
— Alba ! Ramène le talkie-walkie.
Elle approche, la tête baissée, avec l'objet dans sa main. C'est la fille de notre ancienne gouvernante qui a maintenant remplacé sa mère. Elle ne m'a jamais regardé dans les yeux. Je ne peux même pas vous dire de quelle couleur ils sont. Elle est beaucoup trop réservée et timide, mais elle travaille bien comme sa mère, donc je ne ferai pas de commentaire là-dessus.
Marvin et elle s'entendent très bien, je soupçonne qu'il y ait plus qu'une simple amitié entre les deux. Par contre, s'il veut fricoter, il vaut mieux pour lui de ne pas le faire dans ma baraque. La brune donne à Marvin ce qu'il a demandé.
— Gracias ma poulette, lui fit un clin d'œil.
Ses joues s'empourprent et elle s'en va.
— Elle est italienne, sale con, marmonne Nahil.
Il lui fait un doigt d'honneur, sans prendre la peine de lui répondre.
— Attends, tu vas vraiment les faire monter ? demande Kamel avec étonnement.
— Un problème ?
— Ils ne sont pas autorisés à cet étage, Vincent n'a jamais voulu régler les sales affaires ici et tu sais très bien pourquoi.
Vincent n'est plus là.
Ma fainéantise a pris le dessus. Mais il a raison, je ne devrais pas les faire venir ici, alors que mon oncle ne l'a jamais voulu. Pour lui, cet étage est réservé seulement pour nous, et aucun étranger, y compris nos gardes, n'y a accès. Sa chambre est même isolée des autres pièces. Il a été assez clair à ce sujet, c'est-à-dire être seul et dans son intimité. Le travail se passe à l'étage du dessous.
Marvin me fixe en attendant un mot de ma part. Je l'ignore et je tourne vers Kamel, fourchette à la main et son assiette encore pleine.
— Descendons tout de suite, je vois que tu as fini de manger, dis-je sur un ton ironique.
Je me lève de ma chaise et me dirige vers les escaliers, mais il m'interpelle.
— Pour si peu, tu as besoin de moi ?
— Bien sûr, j'affirme.
Je constate son agacement à travers son expression de visage. Le repas est très important pour lui. Il est de mauvaise humeur quand il ne se goinfre pas. Mais évidemment je m'en carre.
Nous sommes devant la pièce dans laquelle il se trouve.
— Ouvre.
Lorsque Marvin ouvre la porte, je fus surpris de le voir debout, les mains attachées derrière son dos et en train de faire les cent pas. Il se tourne et dès qu'il me voit, il se raidit. Quoi ? Tu ne t'attendais pas à ce que je te rende visite ?
Je m'approche de lui. Il ne bouge pas et fixe le sol.
— Assieds-toi, Marvin l'attrape et le fait s'asseoir sur la chaise.
— Tu vas bien, Adrien ?
Il lève les yeux sur moi. Il acquiesce avec difficulté. Il a toujours été fidèle envers moi, je ne comprends pas ce changement de comportement.
— Dis-moi tout ce que tu sais.
Adrien s'agenouille devant mes pieds et me supplie de ne rien lui faire. Je déteste ça. Je hais quand ils m'implorent de ne pas les abattre, à toujours voir cette expression de visage, les yeux pleins de frayeur et les tremblements de leur corps. Cela me donne encore plus envie de les flinguer pour en finir au plus vite. Alors que j'ai horreur de tuer. Ou peut-être, je commence à me lasser. Après tout, je n'ai pas le choix et je dois le faire.
— Je ne vais pas me répéter.
Je joue avec ma chevalière. La lettre "S" inscrite dessus. Cette bague appartenait à quelqu'un qui était proche de moi, un ami, un frère qui n'est plus là par ma faute.
— Je... ok, je vais tout te dire. J'te jure, je n'avais pas le choix.
— La seule chose que tu pouvais faire, c'est de fermer ta gueule. Là, tu nous as mis dans la merde, cracha Marvin.
— Non ! J'étais vraiment coincé, quelqu'un m'a dénoncé et c'est comme ça qu'ils m'ont cramé ! J'étais très discret, je... J'sais pas comment ça s'est passé. Zaïm, Il y a une balance chez nous.
Il a une façon de parler qui me déplaît au plus haut point.
— La seule balance ici, c'est toi, dit Kamel.
Il me fixe avec des yeux qui me supplient de le croire. Mon cerveau commence à bouillir. Je n'arrive plus à suivre, je ne sais pas si je dois me fier à lui ou non. Il se peut qu'il ne mente pas ou bien peut-être que si.
"Ne faire confiance à personne !" ses mots surgissent dans ma pensée.
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