Fyctia
Un + qui compte
De retour à la maison, nous apprenons que Robert et Maryse nous abandonnent lâchement, déjà éreintés par leur nuit blanche précédente. Je ressemble mes affaires et rejoins Léo au véhicule. Le concert se déroule en extérieur, à seulement quelques kilomètres. Une distance à bonne échelle. Assez pour faire un peu mieux connaissance, trop courte pour subir des silences gênants.
Avec professionnalisme et générosité, Léo me présente à toute l'équipe et m'explique toutes les caractéristiques techniques des instruments. Je me régale. Grâce à mon petit statut VIP, je suis autorisée à rester à leur côté pendant les répétitions et la balance.
Les basses font vibrer le sol sous mes pieds et transcendent mon corps. Pour mon plus grand plaisir, l'interprète laisse exploser sa voix chaude et rayonnante. Extirper tant de choses de son anatomie avec le chant, doit être tellement intense et libérateur !
Pendant que la foule prend place, une charge positive intangible apparaît. Les musiciens sont concentrés, repliés sur eux-mêmes et leur rituel. Ils se rassemblent enfin, s'attrapent par les épaules et forment un cercle. Léo m'intègre avec eux.
Immédiatement, je ressens cette osmose qui circule à travers leur corps relié.
Le temps de s'ouvrir à leur public est là. Leur arrivée sur scène déclenche une déferlante de cris de joie. Les premières notes retentissent et instantanément les fans décollent du sol, chaque bond amplifie l'atmosphère. Le partage d'énergie est réciproque. Et malgré ma place de choix dans les coulisses, je décide de descendre profiter de l'euphorie collective.
Les gens naturellement heureux dansent et chantent. J'observe les filles et j'envie leur côté décomplexé. Leur poitrine parfaite. Bien sûr, j'envisage la reconstruction de mon sein, mais je ne veux pas être juste corporellement normale. Je dois accepter son absence afin de pouvoir le remplacer. Sinon, l'implant sera seulement un morceau de silicone. Aucunement charnel.
En attendant, j'ondule sur les vibrations de la musique et de la foule ! La température monte. J'ose faire un nœud avec mon débardeur sur le bas de mon ventre. Petit à petit, je raccourcis le tissu. Une angoisse prend place dans ma poitrine, mais j'arrive à l'éliminer rapidement. Mes 20 petits centimètres de peau visible par tous valent bien pour moi les premiers pas effectués sur la lune.
Pendant tout le concert, Léo me cherche des yeux et ancre plus d'une fois son regard dans le mien. J'ai du mal à décrypter son attention. Dans son sourire, je ne vois que de la gentillesse. Pourtant parfois, je crois déceler une pointe d'attirance. Je ne sais plus vraiment reconnaître les signes de séduction ou bien je me l'interdis peut-être. Les minutes défilent et mon corps minaude de plus en plus avec un automatisme retrouvé.
Après de multiples rappels, le public s'évapore, laissant les musiciens lessivés, mais comblés. Ils ne sont jamais assez rassasiés. Alors, les séances improvisées s'enchaînent autour de quelques bières et nous mènent trop vite au petit matin. L'équipe se résigne malgré tout à ranger son matériel, pour mieux le ressortir la prochaine fois.
Privilégiée, je grimpe sur une butte à l'arrière de la scène pour découvrir le site dans sa totalité. Je m'allonge dans les herbes hautes pour profiter du soleil qui se lève. La lumière caresse mon ventre. Pensant être à l'abri des regards, je tire sur mon vêtement pour libérer ma cicatrice, la faire respirer, l'apprivoiser.
Mais, mon musicien au charme indéniable apparaît à cet instant. Ma main tremblante couvre rapidement ma peau mutilée.
— Ne te cache pas de moi Lola, dit-il en s'allongeant près de moi. Tu dois laisser quelqu'un s'approprier cette blessure physique et psychique avec toi, te dire que même abîmée dans ton intimité tu es visible. Et que tu es belle !
Touchée et allégée du fardeau toujours porté seul, je sens des larmes rouler.
Léo cueille une marguerite et s'approche de mon visage pour la glisser derrière mon oreille. Ses doigts s'attardent sur ma joue. Il essuie les perles d'eau sur ma peau, son souffle se fond dans le mien. Précautionneusement et avec une douceur parfaite, ses lèvres prennent la saveur des miennes.
Avant d'apprécier cet échange en toute conscience, je cherche à le qualifier. Léo m'embrasse-t-il pour me redonner confiance en moi ou éprouve-t-il une attraction ou du désir ? Mon corps et mon esprit sont chamboulés, mais je dois en avoir le cœur net.
— C'est un baiser de confiance, lui demandé-je.
— Oui, Lola et + si affinités, chuchote-t-il avant de lier sa bouche à la mienne.
Plus épanouie, ma féminité refait surface au côté du soleil et les mots de Léo tournent en boucle dans ma tête. Car, aujourd'hui, c'est un + qui compte ! Et qui change tout !
1 commentaire
danielle35
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Il y a 4 ans