Fyctia
Juillet 2011.
[ NDA : Ce récit est mon témoignage. C’est ce que j’ai vécu, je veux partager mon parcours avec le SOPK pour essayer d’aider d’autres femmes. L’idée avec cette histoire qu’elle soit un journal intime pour que vous soyez dans ma tête, c’est pourquoi il y a peu de descriptions et de dialogues. Merci beaucoup pour tous vos retours qui me permettent de progresser, et d’améliorer mon récit. Je prends note de tous vos commentaires et je vais en tenir compte pour la suite et la réécriture. J’aurais dû vous faire un avant propos pour expliquer mon projet, je suis désolé et je fais une petite mise au point ici (et c’est mon premier concours). Bonne lecture, merci de me lire, d’aimer et de commenter ! ]
***
Avec Katherine, ma cousine, on passe tous nos étés ensembles chez nos grands-parents. Ils ont une résidence secondaire dans la campagne, au milieu des champs et des rivières. C’est une adolescente absolument divine, elle a tout pour plaire. Plutôt grande, blonde aux longs cheveux et surtout, mince. Elle est le contraire de moi. Depuis quelques années maintenant, je rêve de lui ressembler, de plaire et d’être aimé moi aussi. Elle enchaîne les conquêtes et c’est mon modèle féminin. Malheureusement c’est un modèle que je n’arrive pas à atteindre, à commencer par le faite que je sois brune.
Allongé sur le lit de la mezzanine, on papote de garçons. Qui est son petit copain du moment ? Comment a démarré leur histoire ? A quoi ressemble-t-il ? Comment ça c’est fini avec le précédent ? On parle surtout d’elle, Katherine aime être le centre de l’attention. Et moi, je suis contente de ne pas l’être, je préfère raser les murs.
Vient le moment où elle me parle encore de ne pas avoir ses règles. Elle me jalouse beaucoup de les avoir. Dans l’espoir de les avoir, elle met des protections hygiéniques, comme si ça allait la régler. J’ai beau lui expliquer que c’est douloureux et embêtant au quotidien elle s’en moque. Même si elle m’écoute me plaindre, elle n’a pas l’air de me prendre aux sérieux.
Pour Katherine ne pas avoir ses règles veut dire ne pas être une femme alors qu’elle est pressée d’en être une. Katherine est le sosie de sa mère, Karole. Sa mère est son modèle et tant qu’elle n’a pas ses règles elle ne peux pas atteindre son idéal.
Je la comprends, j’aimerais simplement qu’elle me comprenne elle aussi.
Avec l’apparition de mes règles, j’ai eu plein d’autres symptômes, à commencer par une pilosité excessive : je me sens comme Chewbacca. Étant brune, mes poils sont très visibles et me complexent beaucoup. Puisqu'ils sont apparus naturellement, je pense simplement que c'est normal d'en avoir et qu'aucune action n'est à faire. Malheureusement, la société d'hommes dans laquelle nous vivons préfère les filles sans poils. Du haut de mes 12 ans, je ne comprends pas ce que l'on attend de moi, surtout qu'ils ne me gênent pas et que je pense être la première concernée.
Dès que mes poils ont été assez longs, mon père a commencé à tirer dessus. Surtout sur ceux de mes cuisses, n'hésitant pas à remonter sa main sous mon short de pyjama. J’ai l'impression d'être du bétail marqué au fer, prête à partir à l'abattoir. Sous la douche, je peux voir les endroits exacts où il m'a touché, parfois, je sens encore sa main sur moi. Le jet d'eau étouffe mes sanglots et je sors toujours de la douche la tête haute, comme s'il ne c'était rien passé.
Sous la douche, je trouve régulièrement des cheveux au sol. Pas forcément après m'être lavé les cheveux, il suffit que je passe ma main dans mes cheveux pour en avoir entre les doigts. Ils tombent très facilement, heureusement que j'ai une chevelure épaisse. Jusqu'à ce que j'en parle avec mes copines qui elles, ne perdent pas leurs cheveux, je pensais que c'était normal. Vu qu'il m'en reste suffisamment et que ça ne semble pas se voir, j'en parle à personne. Encore moins à mes parents.
Pas seulement à cause de mes menstruations mais les nuits sont difficiles. Dormir pour moi rime avec cauchemars, insomnies, mal-être, pleurs. Et les rares fois où j’arrive à dormir, je me sens quand même fatiguée. J’ai tout le temps envie de me reposer, certaines journées sont vraiment difficiles. Comme toujours, je n’en parle pas. Je pense que c’est normal.
Il m’arrive de me lever parfois et de descendre chercher à manger tout en évitant les marches qui grincent pour ne pas me faire repérer. J’ai des fringales, elles peuvent être sucrées ou salées et surgissent n’importe quand. C’est un cercle sans fin (ou sans faim), je mange beaucoup trop souvent en pleurant et puis je culpabilise d’avoir manger autant. Je m’en veux et me sens en dessous de tout. Mais quand les fringales reviennent, je n’arrive pas à résister…
Perdre du poids est un véritable défi pour moi, avec un régime.
En plus de ses symptômes, il y a aussi les règles extrêmement douloureuses, très irrégulières, avec un flux abondants et sur une longue période. Je peux les avoir entre 1 semaine ou 2 mois.
Le mal de ventre est atroce, je ne peux presque plus bouger. La meilleure position est de se mettre en boule dans son lit, sous une couverture bien chaude et épaisse.
La douleur est si intense, que j’en pleure. Mes larmes coulent toutes seules et je ne peux rien y faire. Pourtant je ne suis pas douillette mais ça fait trop mal.
Parfois, comme si tout ça ne suffisait pas, je vomis. Avec mes règles j’ai régulièrement des nausées, ce qui rajoute du poids à mon mal-être.
Personne, ne prends mes douleurs aux sérieux. Je suis seule contre les adultes et c’est un combat perdu d’avance pour une collégienne.
C’est un sujet tabou.
J’essaie de comprendre ce qu’il m’arrive et personne n’a de réelles réponses à me donner. « Soit belle et tait-toi » ; « c’est normal d’avoir mal » ; « Charlie arrête de te plaindre » ; « toutes les femmes ont mal » ; « prend un Doliprane » ; …
Les menstruations sont perçues comme un sujet de discussion interdit alors que moi, j’ai pleins des questions. Je me rends bien compte qu’il y a un manque de connaissances, et c’est plus facile de dire que c’est normal. Mon mal n’est pas pris au sérieux et je me retrouve à minimiser ma douleur.
13 commentaires
Roxane B.
-
Il y a un an
Charlie Buccin
-
Il y a un an
Roxane B.
-
Il y a un an