Fyctia
Pour Hathor
6.Pour Hathor
La robe enfilée, la coiffure faite ainsi que le maquillage, Abina ajouta les parures sur le corps de la princesse. Un joli collier en or paré de pierres précieuses et de perles de verre vertes, une tiare, là aussi, en or, mais très fine et des bracelets de bras dont celui offert par son père : un uraeus9, destiné à protéger la Princesse. Abina avait terminé. Mérytamon demanda à la nourrice de la laisser seule, un instant. Enfin seule face au miroir, elle se regarda :
La robe était magnifique, elle était tissée avec du lin de la plus belle qualité, les bretelles étaient nouées au-dessus des épaules et cachaient sa petite poitrine. Elle était moulante, taillée pour son corps svelte. Son visage était maquillé à la mode du moment : le regard souligné par un épais trait de Khôl, les paupières poudrées par un fard blanc mélangé à du noir. Son regard vert était donc mis en valeur. Abina avait aussi tressé ses cheveux pour y déposer la tiare. Mérytamon ajouta sur ses doigts des bagues, symbole de protection pour elle.
Elle se regarda une dernière fois et vit dans ce reflet, une autre, une femme prête à se marier. Elle soupira, mais un couinement la fit sortir de sa mélancolie. Elle repensa au petit fennec qu’elle avait caché sous son lit dans une petite cage qu’elle avait trouvé dans les réserves du palais. Il ne pouvait rester seul pendant la durée du voyage et le relâcher signifier pour lui, la mort. Donc, elle n’avait pas d’autre choix que de l’emmener avec elle. Elle réfléchit et son regard se posa sur l’une des malles. C’était parfait. Elle sortit la cage de sa cachette :
Viens, petit Dieu, on va faire un long voyage, pensa-t-elle en ouvrant la cage et en le caressant. Le petit animal se frotta sur les mains qui venaient le visiter. Mérytamon le prit dans ses bras, au risque d’abimer la robe. Le contact avec l’animal apaisa son mal-être. Elle le caressa puis sentant l’heure tourner, elle devait se résoudre à le replacer en sécurité. Elle le remit dans la cage, mais lui fit un petit nid plus douillet. Elle y installa une couverture : un bout de tissu qui traînait dans un des coffres et y ajouta quelques fruits qu’elle n’avait pas mangé. Puis, elle déposa le petit abri, dans l’une des malles, sous des vêtements. Il y serait protégé. Elle ferma le couvercle délicatement,
Tu seras en sécurité, là, Petit Dieu
Elle ferma juste la malle lorsqu’elle entendit
— Princesse, il est l’heure, ne soyez pas en retard.
— J’y vais, merci Abina.
Mérytamon sourit à sa nourrice avant de descendre dans la salle d’audience. Elle se retrouva face à une foule compacte de nobles : hommes et femmes, somptueusement habillés. Elle hésita à faire son entrée, mais le scribe de la porte du Harem10 vint à elle :
—Princesse Mérytamon, laissez-moi vous guider à votre emplacement !
Cela la rassura, elle lui sourit et le suivit dans cette foule. Il la mena à l’autre bout de la salle, là où des sièges étaient installés. Au premier rang, des fauteuils avaient été dressés, ils étaient destinés aux enfants du Kep et à la famille royale. Derrière ces chaises luxueuses, des sièges simples avaient été disposés. Mérytamon fut placée à droite de la scène, avec les filles de pharaon. Au centre, étaient dressés les fauteuils du couple Royal. Ils étaient recouverts de feuilles d’or. A gauche, les fils de Ramsès II avaient été installé.
Fidèle à elle-même, Mérytamon oublia les commérages, elle s’isola dans son monde, elle avait hâte que ce spectacle commence. Son regard fixé sur la scène, elle vit les musiciens et musiciennes s’avancer.
Des sistres11 résonnèrent. Leur son de crécelles marquait le rythme, l’assistance se tut. Ces instruments, manipulés par des prêtresses, servaient à chasser les mauvais esprits. Ensuite, vint le tour des percussionnistes et des harpistes. La salle se transforma en lieu de recueillement. Tous fermèrent les yeux, pour rendre hommage à la grande musicienne Hathor et à ses représentantes. Enfin, des prêtresses firent leur entrée. Elles étaient grandes, jeunes et sveltes, elles représentaient la femme idéalisée, celle que chaque homme rêvait d’avoir à son bras. Elles ne portaient qu’une simple robe plissée blanche qui mettaient en valeur leur poitrine et leurs cuisses.
Mérytamon ne put que les admirer, elle les enviait tellement ces femmes, qui incarnaient la parfaite épouse, la femme au fort potentiel érotique. Les hommes fantasmaient, les femmes admiraient.
Les danses commencèrent au rythme des percussions. Les sistres se turent. Deux femmes s’avancèrent au-devant de la scène. Au son des harpes et des percussions, elles se trémoussaient en parfaite symétrie, elles semblaient comme guidées, envoutées par la déesse elle-même. Certains mouvements étaient censés représenter la tristesse, d’autres la joie. Des larmes coulèrent sur les joues de la princesse. Artiste dans l’âme, elle était touchée par ce ballet. Les combinaisons de deux danseuses s’enchaînaient.
Les sons des sistres stoppèrent ces danses en duo. Un guitariste prit le relais. Sur son épaule, il y avait un petit singe. Il descendit au son de la première note puis se mit à se mouvoir en fonction du rythme. Mérytamon eut un léger sourire, et se laissa aller à cette contemplation du singe.
Enfin, une nouvelle fois, les sistres retentirent pour laisser place de nouveau aux percussions et une chorégraphie de groupe clôtura ce spectacle. Les danseuses firent un cercle et exécutèrent des mouvements répétitifs. Un dernier mouvement pour Hathor. Un hymne fut énoncé par la grande prêtresse. Mérytamon, le connaissant par cœur, le reprit discrètement :
Habitant de l’horizon, tandis que tu (Ré) planes au ciel dans la joie, Hathor, dame de Dendérah, œil de ré, dame du ciel, Souveraine de tous les dieux, parcourt le beau chemin sans avoir d’ennemi. (Hymne à Hathor)
Puis toutes s’inclinèrent. Genoux au sol, regards baissés, elles attendaient les applaudissements de pharaon. Avaient-elles réussi à honorer leur déesse à travers son représentant ?
Ramsès se leva, suivit de la grande épouse royale, il commença à frapper dans ses mains, Néfertari fit de même, et ce fut le signal pour que l’assemblée applaudisse. Les danseuses, les musiciens restèrent un moment à genoux, le regard incliné puis, ils se relevèrent, tournèrent le dos au public pour s’incliner devant la représentation de leur déesse. Ils disparurent derrière la scène. Les personnes commencèrent à discuter et à quitter leur place, pour le banquet proposé. Pharaon siégea sur son trône royal, prêt à écouter les suppliques et les demandes des dignitaires. Il était assisté par sa reine. Fidèle à lui-même, il écouta attentivement leur requête, pour les étudier et en faire part à ces ministres concernés. Mérytamon, toujours assise n’était pas encore revenue de ce spectacle. Les images de ces danseuses défilaient encore, elle les enviait tellement.
Si belles, si justes, si parfaites, des dignes représentantes de la déesse.
— Tu joues à la forte tête, petite et insipide princesse !
La voix de Bentanah résonna. Mérytamon tourna son visage vers celle qui la détestait par-dessus tout. Elle était accompagnée par deux de ses sœurs.
— La supérieure sera surement ravie de constater ta désobéissance. Mais, ce sera à toi de gérer, petite princesse. Sache qu’à ton retour, je ne l’oublierai pas.
Les deux jeunes femmes s’affrontèrent du regard, avant que Bentanah décide de la laisser en éclatant de rire. Mérytamon entendit, alors, sa demi-sœur ajouter :
—Vivement qu’elle dégage, cette insipide. Elle ne sert à rien. Qu’elle se marie et réside loin de nous, vous en pensez quoi, vous ?
Les voix s’éloignèrent. Mérytamon était touchée, mais pas blessée, elle en avait tellement l’habitude. Elle se releva de son siège, aussi seule, que lorsqu’elle était arrivée. Elle se sentait lasse et pas à sa place dans ce lieu. Il était temps pour elle de se retirer.
De toute façon, personne ne verrait mon départ, se dit-elle dans son for intérieur. Elle aurait tellement aimé que ce soit autrement, partager avec quelqu’un sa passion, discuter de ce spectacle, de ces danseuses et musiciens. Mais, il n’y avait personne, alors à quoi bon lutter. Elle traversa la foule, incognito et reprit le chemin la menant à sa chambre. Elle se sentit en sécurité lorsqu’elle ferma la porte derrière elle. Elle ôta bien vite la robe, la jeta par terre, enleva sa tiare et ses bijoux, puis se coucha après avoir enfilé une chemise transparente. Elle éteignit la lampe à huile et laissa le pays des songes l’embarquer.
Cette nuit-là, la déesse Hathor la veilla.
9 Uraeus : cobra, assimilé à l’œil de ré destiné à la protection du pharaon.
10 scribe de la porte du Harem : Fonction administrative, exercée par des hommes, ce sont des titres honorifiques qui consacre la personne qui les portes comme des dignitaires
11 Sistre : instrument rituel, composé de petites cymbales, au bruit de crécelle, associé à la déesse Hathor, il servait à éloigner les mauvais esprits, apaiser les dieux et à attirer leur protection.
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EvyCharly
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Il y a 5 ans
Firenze
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Il y a 5 ans
Sandra MALMERA
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Camille Jobert
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