- Allez debout, Marmotte ! Joyeux anniversaire !

Mes paupières s’ouvrent et je me redresse violemment en rejetant la couette.

- Qu’est-ce…

- Et bah ! Je pensais devoir batailler un peu plus pour te réveiller !

- Harry ?

Il se tient devant le lit, un plateau dans les mains.

- Qui d’autre ?

Je bataille avec les draps pour me dégager et me précipite vers la fenêtre. Un soupir de soulagement m’échappe en voyant mon jardin. Aucune trace d’immeubles aux alentours.

- On est chez nous !

- Ily ? Tu vas bien ?

- J’ai…

Mon esprit est embrumé. J’ai du mal à tenir droite et à rassembler mes pensées.

- J’ai juste fait un rêve. Ou un cauchemar. Je crois.

- À propos de ton père ?

Je le fixe, surprise.

- Pourquoi tu dis ça ?

- Parce que c’est ton anniversaire. Et aussi celui de sa mort. Je sais que c’est un jour compliqué pour toi. Que tu rêves de lui n’est pas étonnant.

- Oui… Un rêve.

- Dis, tu ne veux pas retourner te coucher ? J’aurais du mal à t’apporter le petit-déjeuner au lit si tu n’y es pas !

- Bien sûr…

Je me réinstalle en me persuadant que tout n'était qu'un tour de mon cerveau torturé.

- Ça va être une bonne journée, tu verras… Parce que j’ai un cadeau !

Je me pétrifie à ces mots.

- Quoi ?

- Un cadeau ! Tu sais, traditionnellement, on offre quelque chose à la personne qui fête son anniversaire.

- Qu’est-ce que c’est ?

- Si je te le dis, ce ne sera plus une surprise !

- Pitié, ne me dis pas que c’est dans ton labo !

- D’accords… Je ne le dirais pas.

- C’est le Memories Hunter ?

- Le quoi ?

- Ta machine qui permet de revivre des souvenirs ?

- Comment tu…

- Alors tout était réel.

- Merde… Je vais devoir te trouver une autre surprise ! J’ai un plan B, même s'il est encore en phase de test.

Les yeux dans le vide, j’essaye de me rappeler d’une chose importante.

- Greg !, je m’exclame, la lumière se faisant dans mon esprit. Je dois l’empêcher de mener à bien son expérience !

- Greg ?

- Il est en train de développer quelque chose qui ne doit pas voir le jour !

- Je ne me ferais pas trop de soucis si j’étais toi ! Il n’a jamais réussi à mener à bien une quelconque invention ! Si je ne l’avais pas aidé pendant toutes ses études, il n’aurait pas eu son diplôme d’ingénieur.

- Attends… Quoi ?

- Sylvain voulait absolument qu’il fasse une école d’ingénierie. Il était complètement à la ramasse. Pourquoi tu crois qu'il préfère le côté serrage de main et dîner mondain ?

Ses paroles, dans le bureau, avant qu’il ne nous tire dessus, prennent tout leur sens.

Comme si j’étais capable de construire ça tout seul, avait-il dit.

- Il ne peut rien faire sans mon père. Alors qui…

Je passe en revue toutes les personnes qui seraient à même de comprendre l'équation sans son aide. Un seul visage me vient en tête.

- Harry ?

- Hum ?

- Tu as dit que tu avais un plan B…

- Tu tiens vraiment à gâcher toutes tes surprises ?

Des détails me reviennent en mémoire. Le temps qu'il passait dans son bureau avant sa mort. Son manque d’étonnement face aux surtensions et sa conviction que ce n’était pas le Memories Hunter, ce premier soir. Ses travaux cachés aux yeux de tous...

- Quand on a vidé la maison familiale après la mort de mon père, c’est toi qui t’es occupé de son bureau. Tu adorais y traîner. Tu n’aurais pas trouvé une équation par hasard ?

Il marque un temps d’arrêt et un coin de sa bouche se relève.

- Peut-être.

- Non…

- Attends de voir ce que c’est ! Tu n’imagines pas la révolution que ça va être !

- Je pense en avoir une petite idée.

- Viens au labo, ce soir ! Je te montrerai toutes ses possibilités ! Les notes de ton père, ses idées… J’aimerais qu’il soit encore de ce monde pour nous voir poursuivre son héritage !

Il pose le plateau sur mes genoux, mon visage choqué en opposition à l’excitation du sien.

- Allez, mange !

Il prend le chemin de la salle de bains et je déglutis bruyamment. En baissant les yeux sur mon petit-déjeuner, je ne retiens plus la panique qui me prend aux tripes.

- J’ai dû faire tous les magasins de la ville pour trouver ta préférée ! C’est la meilleure confiture de figues !

Il s’adosse à l’encadrement de la porte et me sourit :

- Je sais que tu adores ça.