Fyctia
Chapitre 9 Conversation agitée
Elle :
Samedi 2 mars 2024
Bien évidemment, il était difficile de se recoucher après une telle nuit. Mon hébergeur et moi sommes retournés là-haut. Il était cinq heures du matin. Tous les deux quelque peu choqués par ces événements, nous ne pouvions nous rendormir. Nous sommes donc restés dans sa cuisine et il m’a proposé de prendre un café avec quelques biscottes. Et nous voilà partis dans une conversation, plutôt du genre animée.
— Décidément, cet immeuble devient un vrai coupe-gorge depuis quelques jours, m’a dit Letellier. Un troisième cadavre ! Je me demande quel lien il pourrait y avoir entre ces trois individus, si ce n’est qu’ils habitent dans le même immeuble, dit-il en faisant une grimace et en massant la bosse qu’il avait sur son crâne. Aïe ! Ça lance !
J’ai décidé de l’appeler « Letellier » et d’abandonner le sobriquet de « Hercule Poirot » pour une meilleure compréhension de l’histoire.
— Mettez donc de l’arnica, lui répondis-je.
— Figurez-vous qu’il me reste encore pas mal de cheveux sur la tête. Alors je ne vais pas mettre de l’arnica dessus. C’est dégoûtant ! Il y aura plus d’arnica sur mes cheveux que sur mon cuir chevelu.
— Alors il faut quelque chose de froid. Tiens, de l’eau froide, par exemple.
— Ben voyons ! Vous voulez peut-être me noyer en me mettant la tête sous le robinet ?
— Pourquoi ? Vous avez peur que j’abîme votre brushing ?
— Pfff ! répondit-il en levant les yeux au ciel. Non, l’idéal serait de mettre une poche de glace. Mais je n’en ai pas. Ah si ! je vais me mettre un sac de petits pois surgelés pendant quelques minutes.
— Y en aurait pas un deuxième pour moi ? Car moi aussi, j’ai pris un coup sur la tête.
— Mais quelle idée aussi de vous précipiter sur lui ! me dit-il en me tendant un sac de haricots verts surgelés d'une marque bien connue. Vous êtes folle ! Vous auriez pu vous rompre le cou !
— Tiens donc, vous vous inquiétez donc pour moi ?
— Pourquoi, je n’aurais pas dû ? C’est vrai que vous êtes une grande fille.
— Oui ! un mètre soixante-quinze au garrot ! En fait, j’ai voulu lui faire un plaquage façon « rugby ».
— Mais dites donc ! Ce ne sont pas des trucs de filles, ça !
— Mais qu’est-ce que vous appelez des « trucs de filles » ! me rebellai-je. Avec vous, il faudrait qu’elles soient d’éternelles victimes, faibles et sans défense, à pleurnicher, comme des poupées maquillées, engoncées dans leur tailleur Chanel et juchées sur leurs talons aiguilles ! Eh bien non ! je m’insurge contre cette idée sexiste et préconçue.
— Eh ! du calme ! Un peu de féminité ne vous ferait pas de mal. Et s’il y a des personnes que je ne supporte pas, ce sont les vieilles filles aigries et les chiennes de garde. Et vous, vous êtes une synthèse des deux ! doublée d’une emmerdeuse !
J’étais outrée par ce genre de sortie. C’est sûr, comme je le pressentais, il représente une sorte de vieux mâle sexiste et machiste, pétri de préjugés dignes d’un autre siècle, et que je juge périmés, mais qui, malheureusement, reviennent en force.
— Je vous interdis de m’insulter ! et si je suis féministe, c’est parce que j’ai eu trop souvent affaire, dans mon travail, à des phallocrates comme vous ! Et si je suis célibataire…eh bien, c’est mon droit et ça ne vous regarde pas !
— Chienne de garde !
— Phallocrate !
Je retirai mon sachet de surgelés de ma tête et j’étais sur le point de le lui flanquer sur la figure. Mais, je me ravisai, et mon bras resta en l’air.
Soudain, je me suis mis à rire. Je pris soudain conscience du ridicule de la situation. Je nous visualisai tous les deux, en train de nous battre à coup de sacs de surgelés et cette dispute absurde entre nous deux, dans une cuisine à pas d’heure, m’a paru hautement comique.
— Qu’est-ce qui vous prend de rire comme ça ? dit-il l’air désarçonné.
— Je vois que, non content d’être machiste, vous n’avez aucun sens de l’humour. Regardez donc de quoi nous avons l’air, à nous disputer comme deux vieux idiots avec nos sacs de surgelés.
— Oui, c’est vrai, concéda-t-il. Et puis vous m’avez aussi un peu provoqué. Vous avez tendu le bâton pour vous faire battre avec. Bon, redonnez-moi ces surgelés, ça vaut mieux ! surtout pour moi ! Je n’ai pas envie d’avoir une deuxième bosse. C’était moins une !
Il les remis dans son congélateur, et je vis un léger sourire s’esquisser sur son visage. Il semblait prêt à faire la paix et il s’était peut-être amusé de ma réaction.
— Et pour en revenir aux "trucs de filles", repris-je, il y a quelques années, j’ai arrêté comme cela un type qui m’avait piqué mon sac à main dans la rue. Je lui ai couru après, je l’ai plaqué au sol, puis je lui ai tordu le bras et je le lui ai repris, sans oublier de lui donner un bon petit coup de pied dans les côtes avant de repartir, histoire de ne pas lui donner envie de recommencer.
— C’est vrai ce mensonge ?
— Vous voulez que je vous fasse une démonstration ? Quand j’étais jeune, j’étais une championne en athlétisme.
— Non, non, pas vraiment ! Mais vous m’impressionnez ! Vous êtes redoutable ! On aurait dû vous embaucher dans la police, vous auriez pu courir après les voleurs et leur passer les menottes. Hop ! un petit plaquage, et vite fait, bien fait !
— Moquez-vous ! Pourquoi pas ? cela ne m’aurait pas déplu ! Mais cette fois-ci, ça n’a pas marché. Le fugitif s’est défendu et j’ai valdingué dans les escaliers… Mais j’ai quand même réussi à lui arracher l’un de ses gants.
— C’est vrai, et il faut dire que vous avez fait très fort. Cependant, je ne suis pas sûr que le relevé d’empreintes ou d’ADN soit très probant. Mais on ne sait jamais, avec un peu de chance… Mais vous ne m’ôterez pas de l’idée que vous êtes un peu folle, dans votre genre !
Cette conversation, certes un peu agitée par moments, nous a amenés jusqu’à sept heures du matin. N’ayant plus envie de dormir, j’ai entrepris de redescendre dans mon appartement et rechercher mon contrat d’assurance. Avec tous ces événements, je n’avais pas eu le temps d'appeler mon assureur.
J’ai retrouvé mon chez-moi dans l’état dans lequel je l’avais laissé. En dessus-dessous, avec des morceaux de plafond un peu partout. Cependant, l’eau avait séché et le plafond ne gouttait plus. Bien qu’il plût, j’ai quand même ouvert les fenêtres pour l’aérer et tenter de faire partir cette odeur d’humidité. Pas facile avec ce temps pourri ! Heureusement, les radiateurs en fonte fonctionnaient et je les avais réglés au maximum pour faciliter le séchage.
J’ai appelé ma compagnie d’assurance qui, heureusement, était ouverte le samedi. Mon correspondant m’a dit qu’un expert passerait mardi, mais qu’il fallait remplir un formulaire par internet pour déclarer le sinistre. Je suis donc remontée chez Letellier pour effectuer ces démarches sur mon ordinateur, car, par précaution, j’avais coupé l’électricité chez moi. Je lui ai demandé le code de sa box pour pouvoir m’y connecter, et gentiment, il me l’a donné et m’a même aidé à l’enregistrer sur mon ordi. Comme quoi, quand il veut faire preuve de bonne volonté !
12 commentaires
Gwenaële Le Moignic
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Catherine Domin
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Quentinn
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KBrusop
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François Lamour
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Alexandra G
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Catherine Domin
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