Adele Maine Même pas en rêve ! Chapitre 1 - Salma

Chapitre 1 - Salma

Aucun cours de la journée. Dire qu’à cette heure, je devrais me trouver au salon de tatouages pour améliorer ma dextérité en m’entraînant sur Franco. Je soupire. L’assistant de mon père peut rien me refuser, prétendant qu’un jour mes tatouages vaudront de l’or. L’artiste en moi s’en rengorge, mais je suis pas si naïve pour le croire.

À la place me voici dans ce bureau à l’odeur de bois feutrée, que j’appréciais au début, mais que j’associe de plus en plus aux mauvaises nouvelles. Troisièmes fois en moins de deux mois, c’est certain, la sentence va tomber. Mon premier passage avait été empreint de conseils paternalistes. Le second lourd de menaces, sous l’allusion que seules les notes ne suffisent pas…


Je réajuste ma natte sans parvenir à m’apaiser. Pourquoi est-ce si long ? Je vérifie ma convocation. Le papier froissé par mes mains indique le bon jour et la bonne heure. Je me suis pas trompée. Assise sur la chaise de bois et cuir, prestance du lieu oblige, je penche la tête au cas où la secrétaire m’aurait fait un signe passé inaperçu. Irène, à force je connais son prénom, chignon dressé sur la tête est concentrée sur son ordinateur et ne paraît pas agacée. Bon, à croire que j’ai pas raté mon tour…


Dans le couloir, les étudiants cosmopolites papillonnent, s’interpellent. Les plus curieux jettent un coup d’œil en passant pour savoir ce qui se passe dans l’antre du doyen. Découvrir quelqu’un ici ne peut signifier qu’une chose : soit il a brillé et l’on souhaite le féliciter, soit il a merdé.

Dans mon cas, c’est la seconde solution.

Au mur, les photos des anciens élèves reconnus sont affichées, comme autant de regards inquisiteurs sur ma pauvre personne.

J’inspire profondément. Pas question de me laisser déstabiliser. J’ai intégré cette université grâce à mon niveau, ma capacité à créer et mon book de malade. Oui, Salma. Tu déchires. Je m’en persuade. L’université de Los Angeles offre l’un des meilleurs cursus dans le domaine de l’Art et du Design. J’y ai ma place.


J’y ai ma place, à condition de jouer le jeu. C’est plus fort que moi. Trois ans que je nage dans leur milieu, trois ans que j’arrive pas à m’y conformer. Je trouvais ça cool au début. Faut pas se mentir. La fille du grand tatoueur des stars ameutait les foules. Et puis, j’ai compris. Compris qu’on traînait avec moi pour obtenir un rendez-vous plus rapidement. Compris que c’était juste pour rencontrer mon père. Cette année, première à l’université, j’ai décrété qu’on me reconnaîtrait pour ce que je suis. Pas au travers de mon père.


A priori pas la plus grande de mes réussites, puisque me voilà convoquée pour mon manque d’intégration.


Mes pieds rebondissent dans mes converses sur le sol de la micro salle d’attente. Je vais pas tout perdre parce que j’ai dédaigné m’inscrire à une sororité quand même ? Sans déconner, intégrer les cheerleaders aurait fait de moi une personne socialement plus acceptable ? Mon dossier, bien que décalé, est l’un des meilleurs. Je le sais. J’inspire, j’expire, démêle un nœud invisible dans mes mèches ébène. Je suis capable de rendre vivant n’importe quel dessin, de lui insuffler une palette d’émotion qui le rend unique.


Tu aurais pu trouver un groupe adapté à tes attentes…, me serine la voix de ma mère. Elle seule est au courant de ces rendez-vous. Et son discours ne change pas d’une virgule. Sauf que mon temps libre, je préfère le passer sur la plage vide le soir, à dessiner. Mes épaules se détendent rien que d’y penser. Ce soir, je pourrais…


La porte grince.


Je déglutis. Me redresse. Avise ma tenue. J’ai fait l’effort de passer un short non troué et un haut ample camouflant mes tatouages. Oui, le doyen est ouvert, toutefois, la dernière fois il a tellement louché sur les fleurs de cerisier dépassant de mon caraco que j’ai pas voulu renouveler l’expérience. Trois personnes en sortent. Le doyen et le directeur en personne. Ça plaisante pas, Salma…


Les places de deuxième année valent cher, autant au sens propre qu’au figuré. Si je m’inquiète plus du sujet financier, la direction de l’école va vouloir conserver les profils les plus vendeurs, ceux qu’ils pourront mettre en avant sur la place publique.


Et celui de Salma Perrez, n’est pas des plus attrayants.


Le troisième individu dépasse d’une bonne tête les deux autres, mais son visage m’est caché par la touffe brune et disparate de la perruque du directeur.

Le visage apparaît.

James Elvord.

Le quarterback médiatiquement connu et reconnu de l’équipe. Celui ayant fait gagner notre équipe lors des championnats universitaires. Le mec le plus investi que je connaisse. Le mec qui sait que, quoi qu’il fasse, on lui pardonnera. Trop important pour qu’on le lâche. Celui qui n'a pas besoin de payer un dollar pour se trouver à l’université. Son statut de sportif lui suffit.


En retour, il me traiterait de fille à papa. À raison.


Son regard bleu est ombrageux. Sa mâchoire crispée. Pourquoi donc ?


La curiosité est un vilain défaut, mijita*. C’est ce que disait toujours ma grand-mère quand je la surprenais à écouter derrière les portes. Et un défaut héréditaire apparemment. Accrochée à l’accoudoir pour conserver mon équilibre, je parviens pas à entendre ce que ce satané doyen déclame. Les gestes sont nerveux. Le regard des membres de l’université jugeant. Hum. Qu’a fait ce cher Elvord pour diminuer ainsi son capital sympathie ?


Ma discrétion ne doit pas être au niveau que je l’imagine puisque James lève les yeux et plaque un sourire de façade dès qu’il m’aperçoit. Dents blanches, épaules larges, buste taillé en V, les heures de musculations ont porté leurs fruits. Et les drogues diminuées ses capacités intellectuelles. La seule fois où je l’ai entendu parler, le mec a enchaîné les fautes.


Sans sa carrière de sportif, il aurait rien à foutre ici.


Je reconnais mon manque d’objectivité. L’expérience m’a fait comprendre que les sportifs étaient plus obnubilés par leurs résultats, et leurs conquêtes, que par une véritable relation.

N’empêche y’aurait plus de place sur lui que sur Franco pour m’entraîner. Mes mains s’agitent. Imaginent déjà l’enchaînement d’un dessin qui aurait toute sa place sur ce dos large.


James salue les deux hommes d’une poigne ferme, son parfum épicé sature l’entrée étriquée du bureau d’Irène.


Je suis curieuse de savoir ce qu’il faisait là. Mon regard le suit, son t-shirt trop grand fausse sa silhouette habilement travaillée. Seul son jean, permet de…


— Salma Perez, c’est à vous, me fait sursauter le doyen.



* Diminutif affectueux en mexicain.


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2 commentaires

ilyana d.f

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Il y a 5 mois

Bon flash concours à toi, je passe mettre des likes de soutiens, n'hésite pas à passer aussi sur mon histoire🤗🙌

The whispering feather

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Il y a 5 mois

Petits likes de soutiens, n'hésite pas à faire pareille et bon courage pour ce concours😊💘
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