Fyctia

Mardi 14 juin 2022

Dernière ligne droite. Demain, on entame l’épreuve de philosophie et je suis abattue.

Le groupe est disloqué. Clara et Benjamin ne m'adressent plus la parole.

Jamais, je n'aurais pensé en arriver là en quelques mois à peine... J'ai tout perdu !

Trois semaines que mes nombreux messages et appels restent sans réponse. L'une m'ignore et l'autre m'a demandé d'arrêter de le faire souffrir.

En même temps, qu'est-ce que je peux lui dire ?!

"Salut, finalement, tes sentiments pour moi sont réciproques, mais on ne peut pas être ensemble..."

Je me sens tellement mal et impuissante... Si je pouvais revenir en arrière et refuser ce tutorat ! La joie de vivre de mon amie me manque, tout comme l'odeur et les petites attentions de mon tuteur.

Plongée dans mes pensées, le visage fermé, le regard dans le vide et les larmes aux bords des yeux. Je me suis isolée dans un couloir désert pour éviter de croiser les autres.

Margaux, s'inquiétant de ne me trouver nulle part, m'a envoyé un message pour me retrouver.

Accolée au mur défraîchi du lycée, elle me prend une main.

— Ça va, ma belle ? Me souffle-t-elle, peinée de me voir dans cet état.

Question un peu bête !

— Ça pourrait aller mieux...

Elle se met face à moi en me prenant l'autre main.

— Clara va se calmer ! Tu connais son côté extravagant et égocentrique. Elle tient trop à toi pour que votre amitié se brise pour un garçon. Surtout que tu n'as rien fait.

— Si tu le dis...

Je ne sais même pas ce qui m'attriste le plus ?! D'avoir perdu ma meilleure amie, l'homme que j'aime ou mon cerveau pour les épreuves !

C'est vraiment une année de merde !

— Il faut que tu te concentres sur les examens, le reste, tu verras après.

— Pff, tu parles ! Je n'ai pas eu la tête à réviser, impossible de me concentrer... Je ne m'attends pas à un miracle ! Il ne me reste qu'à miser sur les spécialités, mais j'ai l'impression d'avoir le cerveau éteint et en compote !

Margaux se sent démunie face à ma détresse. Ne trouvant plus de mots pour me réconforter, elle me prend tout de même dans les bras et m'embrasse sur la joue.

— Je crois en toi !

Heureusement qu'il me reste des amis sur qui je peux compter.

En mode zombie, je la suis jusqu'à notre prochain cours. Pour changer de sujet, je la questionne sur sa relation avec Tristan.

Quelques jours après la soirée, elle a fini par tout m'avouer...

Apparemment, l'année dernière, ils ont couché ensemble.

C'était la première fois pour Margaux et plutôt que de l'avouer à Tristan, elle a préféré simuler son plaisir. Ce qui a profondément vexé Tristan, qui n'a pas été dupe de l'orgasme feint.

Le lendemain, il a mis fin à leur relation et Margaux, dévastée, s'est réfugiée dans les bras du premier venu, Dimitri.

Voilà pourquoi Tristan ne supportait pas Dimitri et pourquoi Margaux semblait si triste. Entre malentendu et non-dit, ils gâchent sûrement une belle histoire d'amour.

D'ailleurs, je ne comprends pas pourquoi les filles ont honte de leur virginité ?! Pour moi, le plus important, c'est de passer le cap quand on se sent prête et en confiance.

Ma mère m'a toujours dit qu'on n'oubliait pas sa première fois. Alors, je ne veux pas que ça devienne un souvenir que je regretterai plus tard.

Je fonctionne beaucoup à l'instinct... Mon corps me dira quand c'est le bon moment.

Jusqu'à maintenant, j'ai tenté des préliminaires sans jamais aller au bout.

Eh oui ! Il existe encore des garçons qui nous respectent et sont capables d'attendre... Si ce n'est pas le cas...NEXT.

On se met tellement la pression là-dessus. J’ai des copines qui l’ont fait pour s’en débarrasser et pouvoir s'en vanter ou pour faire plaisir à leurs copains qui devenaient trop insistants. Je trouve ça dommage !

Une chose est sûre, Tristan aurait été attentionné et attentif. D'autant qu'il aurait été flatté d'être son premier. Je ne comprends pas la réaction de mon amie.

— Rien, on n'a pas reparlé depuis la soirée. Tu sais, on le cache bien, mais ça a cassé un truc dans notre amitié.

Tu m'étonnes !

— Je suis tellement dégoûtée que tu aies vécu ça toute seule. Tu aurais dû nous en parler.

— Connaissant Clara, elle serait partie au quart de tour ! je ne voulais pas foutre la merde dans le groupe. Tristan avait été clair.

— Tu aurais dû lui en parler, on parle de Tristan là ! Tu as touché son égo. Il a dû penser que tu as trouvé ça nul et il a préféré stopper plutôt que tu le rejettes.

— Je ne sais pas, mais je ne veux plus me prendre la tête avec un mec pour le moment. Allez, vient ma belle. La priorité, c'est toi. Moi, c'est du passé ! Tu veux que je t'aide dans tes révisions ?

Grr ! Elle m’énerve… Les mecs ne voient rien… surtout quand il y a du sexe dans l’équation.

— Avec plaisir ! Merci, ça me touche que tu sois là pour moi en cette période.

— Meilleures amies pour la vie. Et l'autre cruche va s'en rendre compte aussi, ne t'inquiète pas. J'ai hâte qu'on reforme le trio diabolique, conclut-elle sûre d'elle.

J'aimerais en dire autant…

L'âme en peine, j'arrive devant la salle de cours d'histoire-géographie.

Foutu cours que je ne supporte plus !

Tout en attendant Madame Beaunichon, qui est en retard, Margaux reçoit un message de Clara.

• Non mais quel connard, regarde…

Perplexe, on regarde ensemble la photo qui suit.

Est-ce que je pensais être au fond du trou ? Oui.

Mais ce n'est rien face à l'émotion qui me submerge lorsque je regarde cette photo.

Une douleur aiguë me comprime la poitrine, assimilée à un uppercut pris en pleine face.

Bon, OK... Je n'ai jamais pris de coup, mais je suis sûre que la violence de l'impact me ferait le même effet que ce que je ressens actuellement.

Une douleur suffocante…

Je déglutis péniblement, mais le nœud formé dans mon estomac me donne des nausées.

— Ça va ? Me questionne Margaux avant de me voir fondre en larmes.

Dans le même temps, mes jambes vacillent et je m'écroule au sol, recroquevillée sur moi-même.

— Oh non, ma belle, tu l'aimes ? ajoute-t-elle, dégoûtée et triste.

Elle lâche son téléphone qui tombe à mes pieds.

La photo de Benjamin embrassant cette fille en plein cours me nargue de nouveau.

Elle s'agenouille à ma hauteur et m'enlace dans ses bras pour tenter de m'apaiser.

Incapable de rester pour la dernière heure, je me dirige vers les bus pour rentrer chez moi.

Pensant que ma vie ne pouvait pas être plus merdique, la chanson de Lewis Capaldi passe à la radio.

Je mets aussitôt mes écouteurs pour couvrir cette mélodie qui quelques mois plus tôt me permettait de m'évader.

Épreuve du grand oral :

Sans surprise, c'est un échec cuisant. Je perds tous mes moyens. Incapable de réfléchir et d'aligner trois mots.

Je réalise que toute ma vie est mise entre parenthèses...

Plus de Sorbonne, plus de colocation avec les filles, plus d'indépendance.

Je me déteste d'être si fragile et sensible.

Je cours aux toilettes avant que le jury ne puisse voir les larmes se déverser sur mes joues rougies par la honte et la frustration.