Fyctia

Une fois prêts, nous nous rendons jusqu'à la voiture de Roméo qui commence à bien me connaître. Ensuite, nous partons vers une destination que j'ignore pour le moment. Je laisse Roméo décider du bar dans lequel nous allons fêter les bonnes nouvelles. Étant donné que je ne sors jamais, je n'ai aucune idée des endroits sympas dans lesquels se rendre pour prendre un verre ou s'amuser. A ce niveau-là, Roméo a trois temps d'avance sur moi.

Une fois garés, nous marchons quelques minutes jusqu'à arriver devant un bar bondé. Quasiment toutes les tables sont occupées mais selon Roméo, c'est le meilleur bar de la ville. Je lui fais confiance et nous entrons tous les deux dans l'établissement. De mon côté, je suis comme à mon habitude extrêmement mal à l'aise à l'idée de côtoyer d'aussi près autant d'inconnus. Les gens se bousculent, s'agacent, ne se respectent pas et je sens que je ne vais pas longtemps supporter cela. Néanmoins, j'ai toujours en tête cette volonté de faire des efforts pour correspondre à Roméo, je dois tenter au maximum d'être comme les autres. Si la plupart des gens supportent ce bruit, ce monde et ces bousculades, je devrais être capable d'en faire de même.

Alors que nous tentons de nous frayer un chemin sans finir écrasés, j'aperçois des visages familiers au loin, mon sang ne fait qu'un tour. Je n'ai jamais droit à la paix et reconnais le visage de Pauline, assise avec des amies. Je jette un œil à Roméo et réalise qu'il ne l'a pas remarquée, ce qui me ravit au plus haut point. J'attrape sa main et commence à le guider à l'opposé de la table de Pauline, afin que nous ne la croisions pas. Cette attitude est quelque peu immature de ma part mais peu m'importe, je n'ai pas envie d'entrer en contact avec elle, plus jamais.

Nous finissons par trouver une petite table inoccupée au fond du bar. Je me sens écrasée mais d'un autre côté, nous sommes un peu éloignés du reste du monde. Roméo ne s'installe pas tout de suite et se dirige vers le bar pour aller nous chercher à boire.

Tandis que je patiente en regardant mon téléphone, je commence à trouver le temps long. En levant la tête, j'aperçois Roméo, en train de discuter avec Pauline, je vois rouge. J'ai envie de me lever et de leur foncer dessus sans chercher à comprendre le contexte. Après ce que Pauline a fait et surtout après ce que Roméo a dit à son propos, je ne vois pas comment il peut encore lui parler comme si de rien n'était. Il y a vingt-quatre heures, cette personne n'existait plus pour lui, je suis rouge de colère.

Nerveusement, je reprends mon téléphone et me plonge à nouveau dans mes réseaux sociaux. Je tremble, j'ai les larmes aux yeux et je sens que cette soirée est déjà terminée. Roméo finit par revenir et s'installe à mes côtés :

- Je t'ai pris une bière ! s'écrit-il fièrement.

- Merci, réponds-je sèchement.

- Tu m'as vu avec Pauline, c'est ça ?

- Oui.

- Elle est venue commander en même temps que moi, c'est tout.

- Et c'est toi le barman ? Parce que c'est à toi qu'elle a passé commande apparemment.

- Elle m'a simplement salué, je lui ai demandé de pas me parler, ensuite elle m'a demandé des explications et je lui ai dit qu'après ce qu'elle avait fait, elle pouvait nous oublier tous les deux, c'est tout. Si je suis resté calme, c'est parce qu'on est entourés de monde, ça pourrait provoquer une bagarre géante et j'ai vraiment pas envie de ça. Tu comprends ?

- Ouais, je vois.

- Maya, s'il te plaît, on est là pour passer une bonne soirée, oublie Pauline.

- C'est dur de l'oublier, elle est là constamment. Peu importe où je vais, je finis toujours par la croiser, j'ai l'impression d'affronter continuellement un putain de fantôme accroché à moi.

- Pourquoi tu t'énerves ? J'y suis pour rien !

Je me sens incomprise. Je me demande comment il réagirait s'il devait voir mon ex copain constamment : en soirée, dans les bars, à la faculté. Je suis certaine qu'il en deviendrait fou lui aussi.

Je décide de me murer dans le silence et de boire ma bière tout en jetant des regards noirs à Pauline chaque fois que mes yeux se posent sur elle. Je vois de la satisfaction sur son visage, elle sait qu'elle a gâché notre soirée et elle en est fière, je ne peux définitivement plus l'encadrer. Si elle continue, je sens même que je pourrais devenir violente.

La soirée se poursuit dans un silence de mort. Autour de nous, les gens rient, dansent, chantent, boivent et s'amusent, Roméo et moi nous regardons à peine. Il semble lui aussi bouder dans son coin et aucun n'est prêt à faire le premier pas. De mon côté, j'estime que ce n'est pas à moi d'aller vers lui, ce n'est pas moi le problème. Néanmoins, je commence à en avoir marre de cette ambiance pesante :

- Bon, tu comptes me reparler un jour ? demandé-je agacée.

- Tu te fous de moi ? C'est toi qui fais la gueule.

- Mais t'essaies même pas de comprendre pourquoi !

- Je comprends pourquoi, mais qu'est-ce que je peux y faire ?

Je réfléchis quelques secondes avant de répondre :

- Arrête de lui parler, définitivement. Même si elle vient vers toi, tu l'ignores.

- Sérieusement ? C'est ça qu'il te faudrait pour te sentir mieux ?

- Oui.

- Alors très bien, j'arrête de lui adresser la parole, j'en ai rien à foutre d'elle Maya, c'est toi que j'aime, faut te rentrer ça dans le crâne.

- C'est rentré, je veux juste que ce trouple malsain cesse. Je sais que t'y es pour rien, que c'est elle qui veut te récupérer, mais en lui répondant à chaque fois tu lui donnes de l'attention et peut-être même de l'espoir.

- Je comprends ce que tu veux dire, je vais arrêter de lui adresser la parole.

- Merci beaucoup.

L'ambiance est toujours froide mais je ne suis pas peu fière, je n'en pouvais plus de tout garder pour moi. Cela fait bien trop longtemps que Pauline impacte négativement mon couple, il était temps de poser un ultimatum à Roméo.