Myjanyy Ma vie dans les nuages Chapitre 20

Chapitre 20

Nous sommes déjà mercredi et je passe la plupart de mon temps concentrée sur l'ordinateur d'Eva, tout droit sorti du Moyen-Age. Bien heureusement pour moi, la connexion internet est impeccable – ce qui m'étonne encore ici – et je peux mener à bien mon projet comme je le souhaite.


Je me sens un peu plus à l'aise ici, et ma préoccupation première n'est autre que de mettre sur pieds le site internet que j'ai vendu à ma voisine. Je ne m'y connais pas vraiment en informatique mais je sais qu'il existe des moyens totalement gratuits pour mettre en place son propre site sur le Web.


Et pour le moment, je ne suis pas peu fière de tout ce que j'ai déjà fait. J'ai même réussi à convaincre Laurent de me rejoindre ce soir au point de vu, en haut des montagnes, pour lui exposer mon initiative concernant le gîte et prendre quelques photos magnifiques de là-haut.


Mon investissement me rend complètement euphorique, et je me sens bien.


Malgré le semblant de complicité qui s'installe entre nous, Eva, quant à elle, ne partage pas forcément mon enthousiasme, et continue d'arborer son air bourru en permanence. Loin de me déranger, ce détail me fait sourire, et je crois même qu'il m'est difficile de l'imaginer autrement.


Je regarde l'heure sur mon téléphone posé à côté du clavier. Quinze heures viennent de passer et Eva n'est toujours pas rentrée. Je m'étire comme un chat derrière l'écran et décide d'aller prendre un peu l'air. Ma chère voisine me gronde comme un enfant depuis hier, en me disant que les montagnes sont bien plus belles à regarder que l'écran d'une « boîte noire »  comme elle l'appelle. Elle est bien loin de comprendre que je retrouve ainsi un peu de ma vie, et sans vraiment savoir pourquoi, ce simple fait me rassure.


J'ai besoin, aussi, d'un peu de civilisation.


-Alors, gamine, t'es pas encore aller r'joindre ton expert en photo ?


Eva déboule de l'autre côté de la cour en poussant une brouette pleine de paille. Je lui souris puis lui réponds :


-Nous avons conclu de nous retrouver ce soir. Laurent à d'autres chats à fouetter en journée. Il n'est pas en vacances.


Tout en déversant son chargement près du poulailler, Eva me jette un coup d’œil en coin qui ne m'échappe pas. Tout naturellement, elle marmonne :


-J'en connais d'autres qui n'y sont pas non plus, en vacances.


Ne sachant pas comment interpréter sa phrase, je ne réagis pas et ferme les yeux en direction du soleil qui illumine le ciel. Bien que chargé de nuages cotonneux, celui-ci laisse tout de même passer quelques rayons qui me réchauffent l'épiderme. Le printemps s'est totalement installé, et même l'air, normalement frais, se radoucit de jour en jour, pour mon plus grand plaisir.


Je déteste la montagne, parce que je n'aime pas les routes en épingles mais aussi parce que je ne supporte pas le froid.


Mes pensées s'envolent vers mon fils qui doit, à cet instant, profiter de ses derniers moments en bord de mer. A son image qui s'invite dans mon esprit, mon sourire s'élargit un peu plus. Mon cœur, lui, se gonfle d'amour. Sa frimousse me manque, et j'aimerais parfois qu'il soit avec moi dans ces moments où je me sens plus légère, et où mes soucis ne me pourrissent plus le cerveau.


C'est l'odeur de tabac qui me fait ouvrir les yeux. Eva se trouve face à moi, et me regarde comme si elle ne m'avait jamais vu. Ses yeux détaillent la moindre parcelle de mon visage sans aucun gêne. Elle expire sa fumée qui me pique les narines, et sans s'excuser, elle m'assène le plus naturellement du monde :


-C'est comme ça qu'tu devrais laisser les gens investir ton cœur ma grande. Comme quand tu r'gardes le ciel et les nuages.


Je continue de la fixer et laisse ses mots s'infiltrer en moi. Je ne sais pas vraiment pourquoi Eva me dit ça mais je commence à avoir l'habitude qu'elle débite sans aucun filtre tout ce qui lui passe par la tête. Alors, attentive, je l'écoute.


-Tu vois comme les rayons du soleil arrivent à te rendre légère hein ? J'sais bien qu'tu l'sens. Personne ne peut y être indifférent. Dis-toi qu'dans la vie c'est pareil : faut juste laisser son cœur accepter d's'ouvrir un peu. C'est juste, qu'pour l'instant, ta caboche fait office de barrage et va falloir qu'tu t'en rendes compte.


J'ai l'impression que mon sang s'est transformé en miel tandis que ses mots se frayent un chemin jusqu'à mon cerveau. Eva a le don de m'apporter les mots justes au moment où j'en ai le plus besoin. Elle lit en moi comme personne ne l'a jamais fait.


Ou est-ce moi qui l'a laisse faire sans vraiment m'en rendre compte ?


Tandis qu'elle écrase sa cigarette au sol et se baisse pour la ramasser, je ferme de nouveau les yeux sans lui répondre, comprenant que ses mots ne sont fait que pour me rassurer.


La théorie est belle mais la pratique n'est pas si simple.


-Bon, tu me montres c'que t'as fait ou j'vais croire que tu veux juste investir ma baraque pour je-ne-sais-quelle-raison ?


J'acquiesce, et profite d'un nuage plus intrépide que les autres qui ose cacher les rayons du soleil pour suivre Eva à l'intérieur.


Pendant près d'une demi-heure je lui montre ce que j'ai déjà mis en place : le nom du domaine, la rédaction de son « A propos » et le design du site encore en cours.


Eva hoche la tête sans exprimer la moindre émotion.


Quelle tête de mule !


Déjà qu'elle a fait semblant de comprendre toutes mes explications concernant sa tablette alors que je sais pertinemment qu'elle n'a rien compris – je ne suis pas dupe – elle me fait croire aujourd'hui qu'elle s'intéresse à ce que je lui montre.


-Alors ?


-Mmh, c'est bien, mais j'crois pas qu'ça soit ça qui m'fasse venir des clients. Ceux qui viennent ici savent à quoi s'attendre ! Ils savent bien qu'ils n'vont pas glander au bord de la mer, ça va d'soi !


Je lève les yeux au ciel et reprends mes clics droits, sans prêter attention à ses paroles.


-Avec les photos d'un expert, ça va être parfait.


Eva soupire et s'éloigne de moi en bougonnant. Oui, je peux moi aussi me montrer têtue parfois. D'humeur badine, je me sens d'attaque à taquiner ma voisine. Un bon moyen de lui rendre la monnaie de sa pièce pour toutes les boutades qu'elle balance à longueur de journée.


Une vibration interrompt mes pensées, et lorsque je tourne la tête vers mon téléphone, je remarque d'emblée que le numéro m'est inconnu.


Je lâche rapidement ce que je suis en train de faire et fait coulisser mon pouce sur l'écran tactile de mon portable. D'une voix légère, encore le sourire aux lèvres, je réponds :


-Oui, allô ?


-Madame Dorgnac ? Lucie Dorgnac ?


-Oui, c'est bien moi.


Une voix d'homme me fait froncer les sourcils. Furtivement, je pense à une pub et m'apprête à raccrocher, mais il reprend rapidement :


-Bonjour, je suis Maître Savenat, avocat au barreau de Paris. Vous auriez quelques minutes à m'accorder ?

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8 commentaires

Lilie Blanche

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Il y a 6 ans

Je m’apprêtais à penser « il est bien calme ce chapitre »

kleo

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Il y a 6 ans

Oh non... la suite...

Myjanyy

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Il y a 6 ans

Hum hum

Sylvie De Laforêt

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Il y a 6 ans

Les ennuis arrivent, pas cool si c est son mari. Un peu lâche surtout.

Myjanyy

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Il y a 6 ans

Ahaha !

Camille Jobert

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Il y a 6 ans

Oh mon dieu si c'est le divorce alors là c'est fourbe et lâche de la part du mari ! Et ça va être quoi après je suis désolé madame mais vous êtes pas assez stable pour vous occuper votre fils! Non ! Pas ça !

Myjanyy

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Il y a 6 ans

Je diffère ma réponse.... :))))

Maloria

-

Il y a 6 ans

Ne me dis pas que son mari choisit le moment où elle n'a pas son fils pour lui envoyer son avocat pour divorcer !!!
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