Fyctia
Chapitre 18
Je recule d'un ou deux pas, histoire de bien voir mon interlocuteur. Il me sourit franchement, et avec le soleil qui se couche au loin sur le sommet des montagnes, je suis certaine qu'il faudrait immortaliser le moment. Ça ferait à coup sûr un superbe portrait.
- Ah, bonjour Laurent. Quel plaisir en effet. Je suis désolée, je suis un peu dans la lune.
Pour donner un peu plus de sens à mes paroles, je me frotte le bout du nez. Mon acolyte se met à rire, dévoilant au passage une belle rangée de dents blanches.
- C'est sympa ici, dit-il en balayant la cour d'une main tendue.
Le vent se lève légèrement et je croise les bras pour me protéger. Je hoche la tête, réellement heureuse de pouvoir discuter à nouveau avec lui. Je remarque que sans sa panoplie de photographe autour du coup, il semble différent.
- Je loge dans la petite maison à côté. Eva est ma voisine.
- Oui, en effet, je me suis souvenu que vous logiez par ici. La pub pour ce « marché » entre amis nous a donné envie de venir y faire un tour.
Je fronce les sourcils.
- Nous ?
- Oui, je suis venu avec l'équipe de foot que je suis et leur coach.
Il se penche légèrement vers moi, et de nouveau, les effluves de son after-shave me picotent les narines. Il chuchote, l'air rieur :
- Disons que ça me fait une sortie sympa en plus de belles photos. Le coach lui, voit plus ça comme une sortie « commerciale ».
Il mime des guillemets avec ses doigts en appuyant sur le dernier mot. Je souris.
- Alors vous n'êtes pas là qu'en simple visiteur ?
- C'est bien ça. On va dire que cela fait deux semaines que les joueurs jouent les ermites. Les gens du coin ont le droit de connaître ces envahisseurs qui ont mis le raffut dans leurs montagnes les premières semaines.
Il rit et j'acquiesce. La veille au soir, je me souviens d'avoir brièvement entendu certains producteurs parler de la venue de ces joueurs de prestige dans la région, et surtout de toutes ces caméras de télévision en plus des fans qui se sont déplacés durant les premiers jours.
- Alors, vous comprenez, si le coach peut faire d'une pierre deux coups : quelques photos en mode « terroir » à donner aux journalistes et présentation des joueurs aux habitants, il ne va pas se priver !
- Je comprends, dis-je lentement.
Laissant dériver mon regard derrière Laurent, je vois que l'effervescence est provoquée par l'arrivée de tous ces grands gaillards en jogging. C'est drôle comme le mélange des genres est déroutant. Les quelques vingt jeunes hommes qui se trouvent au milieu de la cour, en train de prendre des selfies avec certains habitants tout sourire dénotent complètement dans le paysage.
Certains regardent autour d'eux en discutant, les mains dans les poches. D'autres, se promènent parmi les étals, un casque audio ultra coloré sur les oreilles. D'autres encore, s'immiscent dans certaines conversations avec les producteurs du coin, qui pour certains n'en croient pas leurs yeux de voir ces soit disant stars face à eux.
Pour le coup, moi, je suis bien loin d'être impressionnée. Je n'en connais aucun.
Je sursaute quand j'entends la voix rauque d'Eva qui beugle derrière nous. Laurent se retourne également pour observer l'étrange manège qui se trame à quelques pas.
- Pooh ! C'pas une bête qui va t'faire peur mon minot. T'sais bien courir après un ballon, tu réussiras bien à sauver ton cul quand elle aura décidé d'te l'pincer !
Comme à son habitude, ma chère voisine accueille ce nouveau monde en fanfare.
Avec son ciré rouge et ses éternelles plumes dans ses cheveux blonds illuminés par la teinte du ciel, on ne voit qu'elle. Face à un jeune homme trois fois plus grand qu'elle qui tente de fuir les approches d'une oie insistante, Eva gesticule et parle si fort, que tout le monde se retourne sur le spectacle.
Je ris sous cape, et je vois que Laurent dégaine un petit appareil photo de sa poche. Discrètement, il immortalise la scène, le sourire aux lèvres. Quand il se retourne vers moi, il reprend :
- Ça, c'est pour ma collection perso !
Décidée à passer un peu de temps en sa compagnie, j'éclate de rire et avance de quelques pas en direction des autres.
- Venez, je vais vous présenter Eva.
Une fois près des joueurs, qui pour certains se demandent encore ce qu'ils font ici, j'interpelle Eva qui continue d'embêter volontairement son monde en s'entourant de ses plus magnifiques bêtes à plumes.
Elle est pas croyable !
- Eva ?
Quand elle se retourne dans ma direction, j'ai comme une illumination.
L'équipe de football et les montagnes en arrière plan, ses plumes qui virevoltent au gré du vent dans son chignon et les bêtes à ses pieds, l'idée qui m'est venue en tête une heure plus tôt resurgit dans mon esprit.
Le mélange des genres. Il est là le secret. Le genre d'équation parfaite que j'adore. Tout s'imbrique parfaitement dans mon esprit et je me sens pousser des ailes.
Je crois bien avoir trouvé ma future occupation.
Sortant de mes pensées, je fais les présentations rapides entre le photographe et ma voisine, qui ne perd pas son bagout.
- Ah, ben j'espère bien que cette équipe de beaux mâles n'ont pas l'Q.I d'encornet qu'prétendent ces foutus journalistes à la télé, parce que sinon, vous d'vez bien tourner en rond quand vous n'prenez pas vos photos !
Le manque de tact, doublé de son manque de retenue totale est effarant, mais Eva n'a pas l'air d'y faire attention. Finalement, je crois même que ça l'amuse.
Laurent ne paraît pas offensé, ni même quelques joueurs qui traînent près de nous, puisqu'ils partent tous dans éclat de rire général. Un sourire se forme au coin de mes lèvres.
Oui, on s'attache forcément au personnage.
- Non, rassurez-vous, ils sont bien plus intéressants et cultivés qu'on le prétend, c'est juré, s'exclame Laurent, en levant la main droite comme s'il prêtait serment.
Je le vois faire un clin d’œil aux garçons qui nous observent, et je me dis que leur complicité est sympa à voir.
Tandis qu'Eva et Laurent continuent leurs joutes verbales et que les rires fusent, donnant à cette fin de journée des airs de cour de récréation avec tout la bonne humeur qui va avec, je décroche un instant de la conversation pour m'attarder une fois de plus sur cet horizon couleur mandarine.
Pourtant, ce n'est pas ce qui m'interpelle le plus. Ce sont plutôt les yeux verts d'un jeune homme aux chaussures bleues, nonchalamment adossé au mur près du portail, les bras croisés, et qui semble en pleine conversation avec Martine, la conductrice de la supérette mobile.
Même s'il semble intéressé par ce qu'elle est en train de lui raconter entre deux selfies, je ne vois que son sourire en coin, un brin moqueur et ses yeux qui me fixent.
Je fais instantanément le lien entre la scène de l'après-midi et ce qu'il se passe actuellement autour de moi. Pour le coup, c'est clair que tout s'imbrique. C'est même très limpide.
Sans le savoir, j'ai royalement envoyer paître une star du ballon rond.
Encore une case à cocher.
16 commentaires
Myjanyy
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Il y a 6 ans
Émilie Parizot
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Il y a 6 ans
Mikky Sophie
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Il y a 6 ans
Myjanyy
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Mikky Sophie
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Il y a 6 ans
alexia340
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Il y a 6 ans
Fanny, Marie Gufflet
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Il y a 6 ans
Fyctia
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Myjanyy
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Fyctia
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Il y a 6 ans