Fyctia
Chapitre 6
Je vois le bout de mes bottines fouler un sol terreux. Ci et là, des canards, des dizaines de poules, quelques oies, se promènent en liberté dans cette cour qui me semble tout droit sortie d'une ferme d'antan.
Il me semble même apercevoir un coq, et dans une grange délabrée, d'autres animaux que je n'identifie pas encore.
Il ne manquait plus que ça. Une ferme.
Non pas que je sois allergique à la campagne, bien loin de là, mais le combo montagne-animaux-de-la-ferme, ce n'est pas mon dada.
Face à moi, un grillage sépare la cour d'une vaste étendue qui me semble être un jardin et de multiples breloques et accessoires y pendouillent : lampions en métal, rubans de couleurs. Un pèle-mêle de vieux meubles s'entasse près des granges où les animaux se perchent et jouent à cache-cache. Bref, il y en a partout.
Je rompt le contact avec toutes ces choses un peu incongrues et je tente de savoir où se trouve l'entrée de la maison d'Eva. J'aperçois une porte sur ma gauche et continue dans cette direction en évitant soigneusement les volailles qui se pressent entre mes jambes.
Je frappe quelques coups contre le carreau vitré qui orne ce qui me semble être la porte d'entrée, en espérant que ma voisine soit levée. Je ne voudrais pas me frotter à sa mauvaise humeur matinale en plus de son caractère autoritaire.
Pas de réponse.
Je réitère sans plus de chance et reste à attendre quelques minutes le nez contre la porte. C'est en sentant un souffle chaud qui me balaye les fesses et qui me fait sursauter que je me rends compte que je suis un peu déçue qu'elle ne soit pas là. Je me retourne et constate qu'un Border Collie m'observe les yeux ronds. Le chien bave sur mon postérieur et me regarde avec pitié.
Machinalement je rebrousse chemin, le chien sur mes talons, en regardant de loin, les oies qui piaillent dans ma direction. Je déteste ce genre de bêtes et j'ai un peu peur de me faire pincer les fesses. Les voyant s'approcher je marche un peu plus vite sans franchement regarder devant moi.
Soudain, je me heurte à une masse chaude et j'émets un petit cri strident. Le nez dans son foulard, Eva me sonde de ses yeux bleus.
-Alors chérie, tu fais l'tour du propriétaire ?
Un peu abasourdie, je lui souris, sans grande conviction et à vrai dire, un peu gênée.
-Euh...Bonjour. Je passais prendre ce fameux café, mais si je vous dérange...
Sans avoir le temps de finir ma phrase, Eva passe à mes côtés et ne cherche pas à entendre la suite.
Franchement, la politesse et elle ça fait deux. Quelle est cette manie de s'en aller avant d'avoir finit d'écouter ce que les gens ont à vous dire ?
Je râle mais ne dis rien.
-Suis-moi gamine.
Comme la veille, je la suis sans broncher même si j'ai la furieuse envie de lui dire ce que je pense de sa façon d'accueillir les gens.
Une fois devant la fameuse porte – je ne m'étais pas trompé - Eva sort une clé de son manteau et ouvre son « chez elle ».
Elle s'y engouffre sans même m'inviter à la suivre. Je suppose que c'est ce que je dois faire quand-même et la suis en faisant attention où je marche.
On ne sait jamais.
On entre directement dans une cuisine éclairée au néon, ce qui a le don de m'agresser la rétine. Les meubles sont vieillots mais propres et la même odeur de jasmin que dans le chalet de Marie, flotte dans l'air.
Eva se déshabille sans faire attention à ma présence. Avec beaucoup de réticence et en envoyant valser mes principes, je fais de même et m'assieds à la table de la cuisine sans attendre que ma voisine m'invite à le faire.
Furtivement, je vois un début de sourire se dessiner au coin des lèvres d'Eva, mais je ne sais pas trop comment l'interpréter.
-Vous étiez dans les champs ?
Pourquoi je dis ça ? Aucune idée. C'est bien ce que fait une fermière, non ? Aller dans les champs à l'aube pour nourrir ses bêtes. Mais y-a-t-il des champs ici ? Et puis c'est une façon comme une autre d'entamer la conversation. Ce silence me met légèrement mal à l'aise et j'ai besoin de le combler.
Faut dire que le stress et l'inconnu ont tendance, aussi, à me faire dire n'importe quoi.
Le rire rauque d'Eva me répond. Elle se tient dos à moi, et entreprend de préparer le café. J'ai l'impression de passer pour une véritable idiote.
-Ma douce, si j'te disais que j'suis juste aller chercher mon courrier, ça fait moins rêver hein ?
Je hausse les sourcils et ne sais pas quoi répondre. Heureusement, Eva se tourne face à moi, le filtre à café entre les mains et reprend :
-Si tu veux tout savoir, j'suis loin d'être une éleveuse de bovins. Et puis, si t'as envie d'savoir c'que je fais dans la vie, pose la question directement, on s’emmerdera moins à tourner en rond.
Prise de cours, je me tortille sur mon siège.
-Pas du tout, je venais juste faire la conversation et puis, vous poser quelques questions sur le coin.
Elle a vu juste sur ma curiosité mal placée et je sens mes joues prendre une légère teinte rosée.
Comment fait cette femme pour vivre seule ici ? Pourquoi ?
Je n'ai aucun intérêt à connaître tous ces détails mais ça m'intrigue vraiment.
Tandis qu'Eva ouvre un placard et y chope deux tasses ébréchées, je reprends :
-J'ai prévu de faire des balades et de profiter des sentiers de randonnée pour découvrir le coin. D'ici demain, j'aimerais savoir ce qu'il m'est possible de faire et je voulais votre avis.
Prévoyante, je sors une carte et un flyers qui reprennent toutes les randonnées à faire autour du hameau, que j'ai trouvé dans les affaires de ma tante. Je ne sais pas de quand datent ces prospectus mais ça devrait faire l'affaire pour me situer un peu et prévoir mes promenades au grand air.
Eva ne répond pas et je vois le nectar amer couler dans les tasses. Je continue :
-Y a-t-il des endroits à visiter plus que d'autres ? Comme une fromagerie authentique ou ce genre de choses que font les...
J'interromps mon monologue en voyant l'énorme mug se poser brusquement sur ma carte et mon flyers de découverte de la région. Quelques gouttes coulent le long de la porcelaine et mouillent les papiers. Je lève le nez vers Eva qui me regarde intensément. Sa voix rauque me ferait presque trembler quand elle me répond :
-Tu s'rais pas un peu stressée comme bonne femme toi ?
Piquée au vif, je garde le silence.
-Tu vois ici, me dit-elle en faisant un geste vers la fenêtre, tu ne prévois ta journée que lorsque tu t'lèves le matin. Tu vois l'nuage là ? Ça s'peut qu'il se lève. Ça s'peut qu'il ne bouge pas de la journée. Dans ce cas, tes balades tu peux t'les foutre au cul. Y'a pas de planning à la montagne, faut faire avec ce que te donne la nature et le ciel. Tu piges ?
J'écarquille les yeux. Si je commence à me faire au ton bourru qu'elle emploi à longueur de temps, saupoudré d'une bonne dose de grossièretés, je pense ne pas me faire au mode de vie qu'elle vient de me dépeindre.
Elle ne sait pas que "ne rien prévoir" ne fait pas parti de mon vocabulaire.
Et ça, ça m'angoisse bien plus qu'autre chose.
20 commentaires
Lilie Blanche
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Il y a 6 ans
bluebutterfly
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Il y a 6 ans
Myjanyy
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Il y a 6 ans
Émilie Parizot
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Myjanyy
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alexia340
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Il y a 6 ans