Fyctia

Jeudi 26 Décembre 2041, à 18h00, dans la chambre 208.

Hugo est toujours présent, il regarde amoureusement Aaron avec une vue floutée par les larmes. Il lui chuchote tendrement des mots doux. Il vérifie de temps en temps si sa main est toujours chaude, même si l'électrocardiographe le préviendrait d'un rythme strident. L'angoisse lui bouffe l'estomac et lui ronge les pensées. Son cerveau fonctionne au plus bas, il traite le moins d'information possible, même la faim ne lui vient toujours pas.

La porte de la chambre s'ouvre sur une jolie femme rousse digne d'une mannequin pour le magazine Vogue. Ses cheveux de feu tombent en cascade sur ses épaules, ses lèvres charnues lui donnent un air stricte lorsque l'on regarde également ses yeux émeraudes qui fixent Hugo d'un regard méchant et hautain. Elle s'approche du lit et pose son sac à main sur celui-ci tout en regardant de haut le directeur. Hugo se redresse et la fixe à son tour avec un air interrogateur. Elle ne semble pas le comprendre puisqu'elle ne sourcille pas et ne présente aucune réponse sur son identité.

— Pardonnez-moi, mais qui êtes-vous?

— Sa femme. Dit-elle avec dédain.

— Pardon?

— Vous êtes bouché? Je suis sa femme. Il est mon mari.

— Il... ne m'a jamais parlé de vous...

— C'est normal, il ne parle jamais de moi. Et vous? Qui êtes-vous pour être aussi proche de lui alors qu'il n'est ici que depuis quelques semaines seulement?

— Je suis... son... meilleur ami...

— Vous faites bien vite dis donc. Enfin bref, j'aimerai m'entretenir avec le directeur de cet hôpital privé pour l'interroger sur les frais. Savez-vous où je peux le trouver?

— Vous auriez pu directement demander à l'accueil si vous ne souhaitiez pas voir votre mari.

— Je n'ai pas de temps à perdre avec un légume pareil.

— Je vois. Si vous cherchez le patron, je vous conseille de continuer.

— Pourquoi cela?

— Car je suis le Dr. Dupont, le directeur de cet hôpital et que votre comportement me désespère.

— Bien. Je peux donc vous parler des frais.

— Ici? Maintenant?

— Oui. Sachez qu'en étant mariée à cet homme, je dois payer tous les frais de son hospitalisation alors qu'il crèvera sûrement. J'aimerais donc que vous trouviez une solution puisque nous devions divorcer. Je n'ai plus rien à faire avec lui, je vais encore moins dépenser pour sa tronche.

— Cela va être difficile... Je ne peux rien faire pour ça.

— Sachez que je vais bloquer mon compte, aucun sous ne vous sera versé pour son coma. Alors autant le laisser partir maintenant.

— Que vous a-t-il donc fait pour que vous réagissiez de la sorte?

— Cela ne vous regarde absolument pas.

— C'est vrai, mais cela me regarde si vous ne me payez pas.

— Bien. Si vous insistez pour en apprendre plus sur ce monstre infâme. Alors que nous étions mariés depuis plus de six ans, j'ai appris qu'il me trompait avec un homme. Oui, vous avez bien entendu, un homme! Comment peut-on ME tromper avec UN homme? Il a fait la pire erreur de sa vie. Et moi TROP gentille, je lui laisse une chance et il la gâche en refusant de quitter cet homme.

— Vous pouvez vous en aller. Je m'occuperai des frais hospitaliers de votre mari.

— Bien, je vous remercie. Et pour vous beau gosse, si vous avez envie de faire plus ample connaissance, appelez-moi à ce numéro.

Elle pose sa carte sur le lit, reprend son sac et quitte la chambre en roulant des fesses. Hugo prend la carte et la déchire avant de se lever pour la mettre à la poubelle. Comment ose-t-elle le prendre de haut? Comment peut-elle critiquer Aaron d'une telle façon? Être homophobe n'excuse pas tout, qu'il l'ait quittée, c'est une chose, mais qu'elle ne le respecte plus, c'en est une autre. Hugo a décidé de payer les frais pour Aaron, il lui doit bien ça. Il retourne s'asseoir au chevet de son beau prince charmant et lui prend la main gauche.

— Si ta femme faisait partie des choses dont tu avais peur de me parler, tu aurais pu. J'aurai compris ta situation, tu sais. Je suis tellement désolé que l'on ait pas pu utiliser un peu plus la communication tous les deux. Je te promets de te parler tous les jours jusqu'à ton réveil et qu'ensuite je te raconterai tout ce que tu veux savoir sur moi. Tu le feras aussi?

Hugo attend une réponse, comme un clignement des paupières ou une pression sur sa main, mais rien. Il lui repose la question et pense sentir comme une légère pression, quasiment insensible sur le dos de sa main droite. Alors, s'ils sont tous les deux d'accord, ils ne pourront que partir en bons termes lorsqu'Aaron se réveillera, si cela arrive un jour. En attendant, la magie de Noël ne semble pas avoir eu l'effet désiré, voire même le contraire.