Fyctia
Chapitre 24
Caliël savait qu’il affrontait Lucifer, ancien archange le plus proche de l’Infini, il savait que pour le vaincre, il allait devoir livrer un combat acharné. Hélas, il avait grandement mésestimé sa force, celle-ci dépassant de loin celle de son propre maître. Si les anges étaient plus puissants que les humains, ils ne pouvaient rivaliser avec les anges primordiaux, eux-mêmes faisant pale figure face aux archanges. Mais Lucifer, lui, était déchu ; il s’était alors imaginé que cette déchéance l’avait privé de sa force d’antan. Chacun des coups reçus le contredit mais rabattu sur sa technique, Caliël espérait encore le vaincre. L’état actuel de sa main rendait hélas cette option caduque.
Il enrageait. Lui qui avait été entraîné par Métatron, Second auprès du Fils, il ne parvenait à toucher son adversaire, ce dernier le surpassant en tous points. Cependant, peu importait combien la situation semblait désespérée, il accomplirait sa mission, quitte à devoir se battre à mains nues. Alors qu’il se mettait en garde, Lucifer eut un geste étrange : il lui tendit son épée. Pris d’un doute, Caliël rappela néanmoins son arme céleste et dévisagea son ennemi.
Le Grand Tentateur était un être immoral, vil et perfide ; pourquoi lui rendre son arme dans ce cas ? Combien d’autres fois le Diable avait-il pu l’achever et s’y était refusé ? Caliël ne comprenait pas et cela l’énervait au plus haut point. Et si on lui avait menti sur l’identité de sa cible ? Et si on lui avait menti sur le Diable ? Était-ce blasphémer que de s’interroger ? Furieux que son adversaire l’ait forcé à se poser ces questions, l’ange serra son arme et bondit. Hélas, dans une habitude désespérante, ses attaques se brisèrent sur la défense de son ennemi, dont l’orgueil allait jusqu’à lui faire dédaigner les opportunités de contrattaquer. Furieux, Caliël s’arrêta et hurla : « Vas-tu donc me prendre au sérieux, être perfide ? Jouis-tu de me voir si tourmenté, m’interrogeant sur ta miséricorde ? Toi qui as massacré le peuple céleste par milliers lors de ta Rébellion, tu fais aujourd’hui preuve de pitié ? À d’autres, amas de fiel ! Le Diable n’a d’honneur, ni de clémence, ni de bonté ! Alors bats-toi, Lucifer, Seigneur des Enfers ! »
Soudain, le temps se figea, comme si le Créateur lui-même regrettait les mots de son émissaire. Caliël lui aussi s’immobilisa, incertain. Bien qu’il fixât son adversaire, celui-ci disparut subitement et il ne dut qu’à sa chance de placer son épée sur la trajectoire du trident, le prévenant de le transpercer. La force le jeta néanmoins loin en arrière, dans la position la moins adaptée pour se défendre. Sans qu’il n’ait la possibilité de réagir, Lucifer apparut à côté de lui et d’une rotation du buste, lui enfonça son pied dans l’estomac.
Caliël prit enfin la pleine mesure de leur différence de force. La puissance du coup le projeta avec une telle puissance qu’en dépit des centaines de mètres l’en séparant, il rejoignit presqu’instantanément le toit du bâtiment en contrebas. La nef percée, il s’abattit sur le sol si violemment qu’il l’affaissa en un profond cratère, souleva une rafale à en retourner les bancs, à en repousser l’autel de pierre contre la croix de l’abside.
Sa conscience faillant, Caliël se réveilla noyé sous la douleur, s’interrogeant sur sa survie. Jamais il n’avait ressenti une telle souffrance, au point d’en douter du plan du Créateur. Qu’avait-il fait, lui, un serviteur fidèle, pour subir tel destin ? Immobile au creux d’un nuage de poussière, Caliël s’y sentit étrangement à l’abri, dissimulé par les panaches de fumée. Soudain, son couvert fut balayé et descendant du ciel par le trou dans la nef, Lucifer le toisait, majestueux tant que terrifiant.
« Personne ne peut plus me sauver… L’Eternel lui-même ne s’y risquerait pas. »
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