Fyctia
Chapitre 12
Relevant le nez du livre, elle surprit l’homme à l’observer malgré le miroir sans teint. La dérangeante impression qu’il pouvait la voir poussa Abigail à plus s’enquérir du reste du carnet. Au fil de son avancée, elle découvrit une carte du monde parsemée de plusieurs points, majoritairement dans des grandes villes. S’était-il passé des évènements similaires à ceux qui sévissaient actuellement ici ? Une note mentale et un coin de page plié lui permettant d’y revenir plus tard, elle continua à tourner les pages. Probablement y aurait-elle passé sa journée entière si un autre inspecteur n’était pas brusquement entré dans la salle, avant de s’étonner de la trouver là. Il l’informa que lui et son équipier comptait interroger le suspect mais que malheureusement, elle ne pouvait pas rester, n’étant encore qu’à l’essai. Elle eut beau essayer de le convaincre, son collègue resta de marbre et elle dut quitter la pièce. Sans bureau personnel, son supérieur l’autorisa à rentrer chez elle, ignorant le carnet secrètement glissé dans ses affaires.
Son ordinateur ouvert sur la table basse, plusieurs pages chiffonnées et remplies de théories invalidées, Abigail s’était allongée sur son canapé après presque trois heures à chercher un sens à ce qu’elle découvrait dans le carnet. Elle avait finalement abandonné pour continuer à parcourir sans comprendre les nombreuses pages de l’ouvrage. Qui pouvait-être cet homme pour écrire couramment dans ce qu’elle avait découvert être du sumérien ? Si elle avait commencé par relever chaque mot dans une langue différente, elle s’était rapidement arrêtée : ils n’avaient aucun lien entre eux, à l’exception peut-être de ce qu’en disait les symboles cunéiformes. Tenant le carnet à bout de bras, il lui glissa soudainement des mains et, après un rebond inopiné sur un coussin, alla s’écraser sur son carrelage. Un juron puis elle bascula pour se redresser et marcha nonchalamment jusqu’à l’ouvrage. Celui-ci ne resta longtemps entre ses doigts et retourna contre les carreaux de grès l’instant d’après. Abigail l’avait lâché à l’instant même où ses yeux s’étaient posés à l’intérieur. Elle tenta de se convaincre qu’elle avait mal vu et ramassa le carnet. Curieuse de savoir à quoi pouvait ressembler le croquis qu’elle avait confondu avec sa sœur décédée, elle en chercha la page en faisant glisser les tranches contre son pouce. Lorsqu’enfin, elle le retrouva, ses forces l’abandonnèrent et, fébrile, elle se laissa tomber dans son canapé. Le dessin n’était pas seulement ressemblant, il était le portrait fidèle de son aînée. Chaque tache de rousseur, chaque micro-ride, chaque sourcils… Même l’éclat de son regard se devinait sous le trait du crayon et bien que décédée depuis dix ans, elle paraissait revivre sur cette feuille de papier.
Une infinité de questions jaillirent dans l’esprit d’Abigail mais si elle eût aimé toutes les étudier, son corps le lui refusa, trop fatigué. Ne trouvant que la force d’aller s’écraser contre son lit, elle tritura du bout des doigts son collier en fixant la photo de sa sœur sur la table de nuit. En dépit de son esprit en ébullition, le sommeil eut rapidement raison d’elle.
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