Fyctia

L’air était froid en ce matin d’hiver, presque gelé lorsqu’il entrait dans les poumons d’Abigail. Dépourvu de tout nuage, le ciel n’expliquait en rien une telle fraicheur et déployait même un éventail de couleurs si beau que la jeune trentenaire s’arrêta un instant au beau milieu d’un escalier afin d’en apprécier toute la splendeur. Elle ne se remit en marche qu’à contrecœur, bien que requinquée par sa pause contemplative. Cinq minutes plus tard, elle grimpa les dernières marches de l’hôtel de police et passa la double porte, pleine d’entrain.

L’endroit, habituellement désert à cette heure de la matinée, fourmillait : d’un bureau à l’autre, des agents trottinaient mais, bien moins nombreux qu’à l’accoutumée, ils ne parvenaient pas à assumer la charge de leurs collègues absents. Du haut des bureaux de la section criminelle, une fenêtre s’ouvrit et le commandant de la section criminelle beugla son nom. Abigail leva alors les yeux et vit l’homme lui ordonner de le rejoindre, ce qu’elle s’empressa de faire après avoir revêtu son uniforme. L’appréhension arrêta sa main alors qu’elle s’apprêtait à franchir la porte démarquant la section criminelle. Un soupir puis elle passa le cadre de bois, avant d’être frappée par l’agitation de la pièce. Si le rez-de-chaussée était une fourmilière, c’était l’atmosphère d’une ruche qui régnait ici. Abigail retrouva les absents de l’étage inférieur, gonflant l’animation et les rangs des marathoniens, courant d’un endroit à l’autre. Dans une vaine tentative d’évacuer la chaleur, plusieurs fenêtres avaient été ouvertes, et Abigail se demanda ce qu’elles donnaient à voir aux passants à l’extérieur.

Une immense main lui saisit alors l’épaule, la tirant en arrière et devant le visage du. Sans lui laisser le temps de poser des questions, il la mena dans son bureau, où les attendaient déjà le commandant divisionnaire ainsi que la commissaire générale de Marseille, cheffe de toute la police nationale. Face à une telle audience, Abigail n’osa parler et attendit qu’on lui explique sa présence.

« Mademoiselle Rossi, c’est ça ? » commença la commissaire Chaunet. « Les commandants Bertier et Fabre m’ont fait part de votre ardent désir d’intégrer définitivement nos services et de passer d’adjoint de sécurité à lieutenant. Est-ce exact ?

— Oui Madame » répondit Abigail, dissimulant son inquiétude.

— Très bien. Vous êtes exceptionnellement promue. Félicitations.

— Excusez-moi Madame, mais j’ai peur de ne pas comprendre » l’arrêta-t-elle. « Enfin, je ne suis pas sûre.

— Hier, trois de nos agents ont sauvagement été tués, expliqua son nouveau supérieur, le commandant Bertier. « Le tueur en série qui terrorise la ville n’ayant pas d’autre marque que la violence envers ses victimes, on suppose qu’il en est le responsable. Nos effectifs étant à la baisse ces derniers temps, nous avons besoin de tout le monde. Tu es compétente et qualifiée pour ce job. J’ai proposé comme solution au commissaire de te faire monter en grade, toi ainsi que quelques autres pour que vous nous aidiez. Qu’en penses-tu ?

— Quand est-ce que je prends mes fonctions ? » eut Abigail pour toute réponse.

— A l’instant » lui rétorqua-t-il. « Tu te doutes bien qu’avec des conditions de promotion pareilles, nous n’allons pouvoir t’allouer que des moyens limités. Tu seras à l’essai, et en binôme avec un ancien. Il t’attend en bas.

— Très bien » acquiesça-t-elle, se sentant comme forcée d’être fière de sa promotion. « Merci Madame. Je vais aller rejoindre mon coéquipier.

— Déjà une piste ? » l’interrogea la commissaire générale.

— Un suspect » précisa Abigail. « J’ai transmis l’information hier.

— Vous faites partie de l’enquête maintenant. Alors allez le chercher » l’encouragea sa supérieure hiérarchique. « Et, Rossi ? Vous êtes sur une corde raide, ne l’oubliez pas. Traversez et vous rejoindrez la cour des grands ; une erreur et vous ne sortirez plus du dépôt de plainte.

— Bien Madame. »

Un fin sourire sur le visage, Abigail s’éclipsa.