Fyctia
Chapitre 7
« Comment a-t-il pu me voir venir ? »
Se demanda l’ange alors qu’elle peinait à freiner sa chute. Elle percuta le sol avec tant de force que la douleur lui arracha un cri. Qui était ce déchu qui connaissait si bien leurs techniques et tactiques, qui avait affronté un tel démon sans être atteint, alors qu’elle-même avait mené le combat le plus ardu de son existence ? L’aisance avec laquelle elle avait vu Rehaël être vaincu lui donna soudain une idée, bien trop invraisemblable pour être véridique. Afin de s’en assurer, peinant dans les décombres qui la cernaient, grimaçant tandis qu’elle le sortait de son dos, elle usa du sort de révélation qui lui avait été confié et le projeta contre le déchu encore dans les airs. Celui-ci, absorbé par l’observation d’un évènement éloigné, ne put esquiver le parchemin, qui le toucha de plein fouet. Soudain, sa peau se changea/mua en une écorce rougeoyante, sa carrure décupla, et deux larges cornes lui poussèrent sur le front. L’être se retourna alors avec une lenteur sinistre, et elle sut qu’elle venait de les condamner, elle et ses pairs célestiaux.
Semblant défier les lois de la physique, l’être se volatilisa et apparut devant eux. Il lui enserra alors la gorge, de même qu’à Rehaël, puis les projeta tels des poupées de chiffons contre un mur proche. Si son camarade perdit connaissance, Veuliah s’agrippa aux dernières bribes de sa conscience pour ne pas sombrer. Elle vit ainsi Manakël tenter de reprendre le combat, mais un genou violemment porté dans son estomac l’en empêcha, le faisant à son tour s’évanouir tandis qu’il était jeté dans leur direction. Ultime solution pour vaincre leur adversaire : sacrifier son énergie céleste en une intense déflagration. Cela lui coûterait la vie mais sa responsabilité divine était de protéger l’Humanité de leur adversaire, et elle se devait de tout tenter contre lui. Le sort se traça devant elle mais un poing traversa soudainement le pentacle comme s’il n’avait été constitué que d’une fine couche de glace. Elle demeurait désormais seule face à cet être, ce héraut de la mort, qu’elle se savait incapable de vaincre, et dont le regard dénué de pitié ne laissait entrevoir de survie. La peur accéléra son rythme cardiaque, la fit trembler, déposa une couche de sueur sur son front ; la terreur la tétanisait. Levant son bras armé, son adversaire abattit violemment son trident contre elle. Veuliah sombra.
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Caché sous les traits d’un vieillard, l’archange Métatron vit l’homme qu’il avait mené jusque dans ce quartier ressortir de la ruelle où l’avaient rejoint les trois anges. Concluant qu’ils avaient échoué dans leur tâche, il attendit quelques instants avant de pénétrer à son tour entre les deux bâtiments. Ils gisaient tous trois contre un mur, blessés, vaincus, mais encore vivants. Trois anges primordiaux, soldats des Chœurs Célestes, architectes invisibles de l’Histoire, et pourtant, ils n’étaient parvenus à vaincre leur adversaire, pas même à le blesser. La colère de Métatron ne rivalisa toutefois pas avec la pitié qu’il ressentit à leur égard. Leur échec ne pouvait être connu de la Cité d’Argent, et il ne le serait pas : une tige de lumière apparut au creux de sa main, un instant avant qu’il ne la plongeât dans la poitrine de Manakël. Son geste surprit Rehaël, à peine sorti de l’inconscience et dont les blessures entravèrent la fuite. Métatron rejoignit l’ange qui rampait et l’acheva en l’empalant au sol. Il s’apprêta à finir sa besogne lorsqu’une voix l’interpella, lui ordonnant de ne plus bouger. N’ayant pas la moindre intention d’obéir, il fit face aux trois agents de police dont les armes étaient braquées dans sa direction. Les humains ne représentant nulle menace, il s’interrogea sur la suite des évènements, maintenant qu’il avait été repéré. L’insistance des appels à lui faire lâcher son arme finit par le décider : la mort de trois pauvres âmes ne changerait pas leurs projets. Il en irait autrement avec la diffusion du récit de l’apparition d’un être céleste. Métatron répugna cependant l’idée qu’un archange s’abaissa à une telle besogne : il prit donc l’apparence de l’ennemi qui leur avait échappé. La surprise que sa métamorphose généra chez les humains leur fut fatale : il n’eut besoin que d’un pas pour les rejoindre, et d’un mouvement circulaire de son épée pour détacher les têtes de leur corps respectif.
Débarrassé des gêneurs, Métatron revint exécuter Veuliah, lui perforant le cœur sans la réveiller. Il observa alors les alentours, persuadé qu’un quatrième soldat céleste avait été déployé. Celui-ci débarqua à cet exact moment dans la rue d’un pas précipité et se figea devant la scène. La résolution pourtant adamantine de l’archange se brisa à l’instant où il découvrit les traits de l’arrivant. Il était incapable de tuer son élève, et il préféra s’enfuir dans l’obscurité de la nuit.
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