Chipper Rth L'instinct sauvage (Clair de lune tome II) PETITE ESCAPADE 1.2

PETITE ESCAPADE 1.2

Nous nous glissons discrètement dans la ville et évitons d’être vus par les patrouilles de casques noirs. À première vue Recar ressemble à Lutz, mais en bien plus petit ; la ville est composée exclusivement de petits immeubles en verre monté sur deux ou trois étages, sur lesquels se reflète le soleil. De nombreux espaces verts ont été créés un peu partout afin de faire oublier toute cette modernité, des familles heureuses déambulent dans les rues en se tenant la main et en souriant, mais je sais que tous ces beaux monuments ne sont que de la poudre aux yeux et le cœur de Recar ne ressemble absolument pas à cela.


— Tu sais où se trouve le quartier des esclaves ? me demande Kira


— Non, mais il suffit de suivre l’odeur de la pisse et de la mort et nous le trouverons.


Cette odeur dont je parle me pique déjà le nez, de plus c'est une odeur que je ne connais que trop bien, la même qu’à Marsilla. Cela fait plus de quinze ans et pourtant je m’en souviens comme si c’était hier. Nous traversons la Rue de la gloire, marchons jusqu’à un carrefour pour emprunter le Boulevard Anderson, puis nous descendons une petite traboule jonchée de marches abruptes. Plus nous avançons, plus l’odeur est forte et nauséabonde, Kira commence à la sentir elle aussi, car elle met sa main devant son visage et grimace.


Arrivée en bas des escaliers, nous entrons dans les entrailles de la ville ; un décor de désolation et de ruine s’élève devant nous. Bien que je ne sois jamais venu à Recar, je sais qu'elle reflète toutes les villes Galliennes, rien n’a changé en quinze ans, tout est resté identique ; les cabanes fabriquées avec du matériel de récupération, pas d’eau courante, pas d’électricité. Les femmes font leur lessive dans le lavoir commun qui se trouve au centre de l’esplanade, leurs genoux sont couverts de boue, les enfants son pied nu dans les rues et jouent avec ce qui ressemble plus à un rat qu’à un chien, sans compter les corps sans vie des vieillards qui n’ont pas tenu le coup. Kira semble horrifiée, je pose ma main sur son épaule pour la rassurer, mais cela ne semble pas faire effet.


— Kira, tout va bien ?


— Non ça ne va pas, j’ai vécu quinze ans en me plaignant de mon sort, de mes conditions de vie et juste à côté de chez moi, se trouvait des gens bien plus dans le besoin que moi, je pensais que les gens du sud venaient au nord pour avoir de meilleures conditions de vie quitte à devenir des serviteurs dans une maison Bellãtrienne, mais je me trompais.


— Personne ne choisit de quitter les terres du Sud, c’est le gouvernement qui choisit qui part et qui reste, certains voient ça comme une bénédiction, mais ils déchantent vite quand ils arrivent ici. Ces gens ont besoin d’espoir Kira, viens suis moi.


Alors que nous entrons dans le cœur du quartier, mon attention est portée sur des hurlements qui viennent de la rue à côté, je saisis fermement la main de Kira et nous nous dirigeons en direction de ces cris. Nous arrivons à une petite place sur laquelle a été érigé un échafaud, sur cette même construction se trouve quatre prisonniers et un bourreau. Les cris ne provenaient pas des condamnés, mais des familles meurtries obligées de regarder ce spectacle morbide. Kira me serre la main encore plus fort, c'est étonnant comme cette jeune fille peut être tourmentée par une exécution alors qu'elle tue elle-même des tas de personnes.


— Qu'ont-ils fait pour mériter cela ? demande-t-elle.


— Il n'a jamais fallu de raison valable aux Bellãtriens pour exécuter des Galliens.


Un casque noir tenant un formulaire entre ses doigts prend la parole.


— Galliens, les quatre criminels qui se tiennent devant moi s'apprêtent à rencontrer leur créateur. Ces quatre traîtres ont avoué avoir des relations avec les rebelles, ils ont avoué avoir trahi leur pays et ils ont avoué avoir donné des informations contre la nation. Pour ces faits, les dénommés Klin, Meurdook, Truyo et Bralin sont condamnés à être pendus jusqu'à ce que mort s'ensuive.


Le casque noir fait un signe de tête au bourreau qui actionne un levier, alors quatre trappes s'ouvrent sous les pieds des condamnés et ses derniers tombent dans le vide, le bruit des nuques qui se brisent résonne dans ma tête. Le casque noir ajoute à la fin de l'exécution que cela n'est qu'un avertissement pour tous ceux qui tenteraient de prendre part à la rébellion. La foule commence à se disperser, seules les familles des quatre pauvres bougres restent sur place. J’entraîne Kira avec moi et nous continuons notre chemin, elle semble vraiment bouleversée par ce qu'elle vient de voir, ne dit pas un mot et avance la tête baissée.


— Comment peuvent-ils faire de telles atrocités, les Blood Gamers, les pendaisons, les esclaves... finit-elle par demander.


— Ces gens sont prêts à tout pour garder le pouvoir sur le pays, ils sont prêts à commettre les pires horreurs s’il le faut.


Alors que nous nous enfonçons encore plus dans le quartier, les gens sont trop épuisés pour se rendre compte que de nouveaux visages viennent d’arriver dans leur lieu d’habitation. Soudain, une vieille dame court dans notre direction, s’agenouille près de moi et m’attrape la main.


— Marley, tu es Marley Corvinus, me dit-elle tout bas.


Je me mets à genoux à mon tour pour être à sa hauteur et lui souris.

— Oui madame

, je suis Marley.

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