Fyctia

Une fois la porte de la chambrée enfin ouverte, l’instructeur leur ordonna d’entrer, et chargea Billy de montrer au nouveau son lit, son casier et de lui donner toutes les informations nécessaires à son installation. Il ajouta de ne pas oublier les instructions relatives au repas du soir.

Billy satisfit à toutes ces demandes et informa le Ménestrel de tout ce qu’il y eut à connaître, bien qu’il vit que ce dernier ne l’écoutait pas vraiment, encore perturbé par sa découverte d’une des caractéristiques physiques des Sindar. Une pensée émergea toutefois au-dessus des autres : l’instructeur avait parlé du repas du soir. Il avait faim. Mais faudrait-il refaire encore tout un périple dans les couloirs sans fin de la citadelle glacée ? Billy le rassura : non, un chariot allait passer dans le couloir, il faudrait simplement tendre sa gamelle.

Le roulement de tonnerre qu’ils entendirent alors leur apprirent que ce chariot approchait. Billy modéra cependant l’ardeur du Ménestrel en lui expliquant qu’on l’entendait de loin car il servait plusieurs autres chambrées avant la leur. Il y avait encore un peu de patience à avoir. Le Ménestrel s’inquiéta : le temps que le chariot arrive, la nourriture qu’il contenait allait certainement refroidir… Billy le rassura : non, un petit feu brûlait en permanence, comme un réchaud, dans la partie basse du chariot. Il n’aurait pas d’inquiétudes à avoir de ce côté-là.

Le Ménestrel s’assit alors sur son lit, épuisé de sa journée et de toutes les découvertes qu’il avait faites : un gouffre insondable, la petite Diane, Billy, la Balance, Diane encore, l’immensité de cette forteresse, son fonctionnement étrange, Diane… Et le chariot arriva, ce qui contenta son appétit, au moins sur ce plan-là.

Quelques instants plus tard, repu, il reposa sa gamelle dans la boîte de fer au pied de son lit (comme tout le monde) et émit tout haut la réflexion qu’ils étaient plutôt bien traités. Billy faillit s’étrangler. Quelques camarades ricanèrent. Et même la Balance sembla sortir de sa torpeur coutumière en relevant ses yeux endormis de son bol dont il avalait consciencieusement les dernières gouttes de bouillon.

— Attends d’avoir ton premier cours, lança un grand garçon élancé.

— Ou qu’il participe aux travaux communs, rigola un autre.

Billy expliqua à tout le monde que ce petit gars – qu’on appelait le Ménestrel – était tout nouveau et qu’il changerait sans doute d’avis demain. Des murmures d’approbation coururent sur la petite assemblée. Et pour mieux illustrer son propos, Billy tapa sur l’épaule du Ménestrel pour attirer son attention et tendit ensuite son bras vers le fond du dortoir, désignant du doigt une forme recroquevillée sur un lit dont on avait ôté le matelas et les couvertures.

— C’est Millo, dit-il, comme si cela expliquait tout. Il n’aura ni lit ni repas avant après-demain. Alors, si tu penses toujours qu'on est bien traités...

— Mais pourquoi ? ne put s’empêcher de demander le Ménestrel.

— Tentative d’évasion, répondit Billy en soupirant.

— Si je l’avais vu avant, je lui aurai donné un peu de ma soupe, lança alors le Ménestrel.

Si sa première remarque avait fait sourire ses camarades, celle-ci déclencha plutôt des réprobations.

— C’est totalement interdit, expliqua Billy, confus d’avoir oublié de donner au Ménestrel les instructions relatives au repas du soir. Il ne faut pas non plus échanger son bol avec un autre !

— Mais… pourquoi ? ne put-il une nouvelle fois s’empêcher de demander, voyant bien qu’il se faisait encore remarquer.

— Et même si c’était pas interdit, ce serait dangereux, ajouta un petit garçon à l’air chétif (surnommé « Mie de pain » apprit-il plus tard). On voit que tu connais pas encore bien les potions, toi !

Beaucoup moins souriant que tous les autres, le grand garçon élancé que le Ménestrel avait déjà repéré, s’approcha de lui :

— Tu crois qu’on est des monstres de pas l’avoir fait, nous qui savions qu’il était là, demanda-t-il, l’air outragé.

Billy souffla aussitôt à l’oreille du Ménestrel, le surnom de ce jeune homme qui continuait à s’avancer, les poings serrés : le Danseur.