Hrod LINH 6 - 6e Lettre de l’avent-suite

6 - 6e Lettre de l’avent-suite

Je sais que je t’ai bassinée avec Mayliss depuis des années entières, que si elle ne s’était pas mise en couple avec Tim à la fin du master, quand on venait de se rencontrer j’aurais tenté une approche. Qu’elle me plaisait. Qu’elle me hantait vraiment, comme un désir indomptable. Qu’au-delà d’un manque, sa présence me complétait. L’envie que j’avais d’être avec elle en permanence… mais à présent… À présent Linh occupe mes pensées, et je me rends compte avec dégoût que pendant tout ce temps, ce que j’avais souhaité équivalait forcément à la traversée d’une épreuve pour elle, que jamais je n’aurais voulu lui voir infligée.


Contradiction quand tu nous tiens…


Ma perte d’intérêt subite pour Mayliss s’explique bien sûr par mon bonheur dans ma nouvelle relation, et mon affection qui se porte vers quelqu’un d’autre. Mais je ne peux m’empêcher de trouver étrange que la fille de mes rêves de ces quatre dernières années ait subitement quitté mes pensées.


La revoir ce soir-là et me retrouver avec elle sur le banc, l’un contre l’autre, sans aucun sous-entendu dans nos contacts… j’étais troublé. J’ai tenté tant bien que mal de la réconforter, lui prédisant que ça s’arrangerait avec Tim. Après tout, je le connais – et il n’est pas du genre à s’autodétruire sans raison. S’il se renferme, peut-être qu’une cause qu’elle ignore justifie son comportement passager. Qu’il n’avance pas dans son stage et son mémoire ? Pour la rassurer : j’ai essayé de lui trouver toutes les solutions possibles et logiques, comme un Bescherelle pour une faute d’orthographe.


On a contemplé la basilique et ses vitraux illuminés de l’intérieur, tandis qu’un skateur s’évertuait à faire des Ollies de l’autre côté du parvis. Pas de saxophone ce soir-là (et je me dis, tant mieux : ça nous a évité le cliché des films à la Woody Allen). Mais les murmures des arbres et de la ville restaient secs dans l’air frais, CLAC, et le roulement du skate rythmait étrangement la soirée, CLAC-KLAC, de ses tentatives de figures. Tout était parfaitement calme dans cette soirée.


Mayliss a posé sa main fébrile sur la mienne. Je me suis rehaussé un peu, mal à l’aise. Je l’ai sentie qui cherchait le contact avec ses doigts, elle ne voulait pas quitter mon épaule, sa tête appuyée dessus la rassurait. Elle a resserré sa main, un peu, une pression minuscule, cherchant juste à se faire connaître, espérant peut-être que j’y réponde, mais je n’ai rien fait. Je suis resté muet.


Un moment après, elle l’a enlevée et s’est redressée, reprenant une forme de contenance discrète.


— Tu as raison, m’a-t-elle dit. Ça va sans doute passer.


À cet instant, j’ai cru lire dans ses yeux.


Tilde, je crois… je crois que je l’ai déçue. Il y a deux mois encore j’aurais rêvé de cette opportunité (et dis-moi si je rêve – mais je ne pense pas me faire de film, ou alors je ne sais vraiment pas la décrypter.) On a continué à parler une vingtaine de minutes avant de se quitter et de rejoindre chacun sa tanière. Elle d’un pas lent, la tête baissée dans sa capuche et moi, l’observant, mélancolique dans ma prévenance.


Je suis navré pour elle, vraiment, et j’espère que ça ira mieux. Que ça s’arrangera entre eux. Je ne veux pas la voir souffrir. Elle m’a fait de la peine. Et surtout je me suis horrifié.


Si quelqu’un t’avait dit que je pouvais devenir… insensible à sa personne, tu m’aurais sans doute dit : « Enfin ! Il était temps que tu passes à quelqu’un d’autre. » Oui… mais c’est tout de même étrange pour moi, et inattendu. Rien ne m’avait préparé à ce que je l’oublie aussi violemment.


Simplement.


C’est terrible à dire.


Elle ne m’intéresse plus.


À travers le hublot de ce souvenir, je m’aperçois que je suis chanceux d’avoir trouvé Linh… et je crois que ça devient un peu plus sérieux entre nous. Mais il est déjà tard de mon côté, je t’en dirai plus dans ma prochaine lettre.


Je t’embrasse Copine,


Sincèrement et toujours amicalement tien,


RAPHAËL



***

Journal de Raphaël

Suivi de rédaction de l’article


10 novembre, au matin


Je suis ravi d’avoir enfin quitté l’état de stress et de déprime qui m’avait saisi en septembre, j’arrive au bout du processus. Cet interlude de quelques jours m’a fait le plus grand bien et les beaux jours d’octobre ont remonté mon énergie – c’était une belle idée, ce court voyage en Écosse pour décompresser avant le sprint final. Suis dans les temps.


16 novembre


Dernière ligne droite avant la remise de l’article. Le comité de relecture m’a envoyé ses remarques et un avis positif : n’ai plus qu’à reprendre leurs remarques.


Un peu plus tard, 22 heures


Entame la vérification des notes de bas de page. Je m’approche de la fin… bientôt le bout.



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1 commentaire

NohGoa

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Il y a 10 jours

Like express, pas le temps de commenter, désolée
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