Fyctia

— Linh ?

Je me suis levé, démuni.

Elle ne me regardait plus. Recroquevillée dans ses pensées, sur le rebord de la fenêtre, je l’ai vue s’esquiver pour dissimuler son visage, elle a pivoté sur ses talons pour s’isoler de ma vue. Ses épaules ont tremblé et j’ai entendu, assourdis par la vitre, des hoquets de sanglots.

— Linh, qu’est-ce qui t’arrive ?!

Je me suis jeté sur la vitre pour lui ouvrir, en proie à l’inquiétude. J’ignorais tout de ce qui avait bien pu provoquer chez elle un état pareil. J’ai ouvert la fenêtre, paniqué et plein de remords, quand Linh a fait volte-face, blême, et s’est jetée sur moi. Folle de rage, elle a élancé ses mains blanches et crispées de haine vers mon cou et m’est tombée dessus à la renverse. Je me suis étalé sur le sol, renversant la chaise et la bière posée sur le lino.

— BOUUUUUUUUH !!!

Et elle a explosé de rire. J’étais scotché. Linh s’est assise sur le rebord intérieur de la fenêtre, incapable de contenir ses petits hoquets de rire. Les mains jointes devant la bouche, elle mordillait sa manche d’excitation. Un instant, elle s’est arrêté de rigoler et a respiré : avant de repartir d’une voix encore plus franche, secouée de spasmes.

— C-c-comment t’as tr-troooop marché ! Yaaaaaahahaa…

En appui sur un bras sur le sol, j’ai poussé un soupir honteux. Et j’ai ri avec elle.

Ne te fiche pas de moi, Tilde ! Je ne l’avais pas vu venir !

Je me suis redressé, ai reposé la bouteille de bière mousseuse dans sa flaque, et me suis remis sur mon séant. Linh, encore rieuse, se mordait la lèvre inférieure pour retenir son hilarité. Elle attendait patiemment sur le rebord de la fenêtre.

— Raphaël ?

— Oui ?

— Tu m’autorises à rentrer ?

Elle a pouffé à nouveau, n’arrivant à se contenir qu’avec mal.

J’ai relevé la tête vers elle et l’ai observée, perchée sur la bordure. Pleine de joie et de malice. Attendant que je lui donne mon accord. Elle s’est penchée en avant, appuyant ses mains sur le rebord, et s’est balancée comme une ado impatiente aimant jouer avec mes nerfs.

— Oui, vas-y, ai-je dis. Je vais chercher du sopalin pour la bière. T’en prendras une ?

— Héhé, vouip ! Je te laisse celle au sol, bien entendu.

— Bien entendu. Par contre, tu seras privée de grec.

— Ose !

La fenêtre a claqué d’un coup sous le vent et Linh a sursauté à son tour. Elle a pouffé de rire et m’a lancé un regard de connivence. En la voyant refermer le bouton de la fenêtre, j’ai su que je venais de laisser rentrer chez moi une joie pure et sincère, dans un appartement qui me semblait souvent vide et silencieux.

Je suis revenu avec le grec et les bières, et l’on a passé l’une des meilleures soirées de ma vie.

Mais je ne t’embête plus pour aujourd’hui. J’en laisse pour les lettres de demain.

RAPH