Gabriele VICTOIRE LILITH__La face cachée de la Lune **LILI__I**

**LILI__I**

  • A l'aube du XXIème siècle

– JE N'EN SAIS RIEN ! hurlai-je à Cindy.


Les bras lui en tombèrent. Ma meilleure amie chassa ses larmes avec un calme dont elle seule pouvait se vanter. Son regard vert émeraude humide se posa sur moi, dubitatif.


– Lili, tu ne peux pas me supplier d'annuler mon mariage, la veille de la cérémonie, juste parce que tu ne portes pas Rémy dans ton cœur...

Elle s'affala davantage dans le canapé. La lumière du jour déclinant, à travers la persienne, parsemait son corps de rayures clair-obscures. De ses doigts, encore libres de tout anneau, elle vint pincer l'arrête de son nez et ferma les yeux. Sa respiration se fit plus ample tandis que moi, j'errais dans un dilemme intérieur des plus tortueux. L'heure était venue de lui confier mon secret si bien gardé. Je n'avais plus le choix.


– Cici...ok. Je dois t'avouer quelque chose. Mais...

– Non, non, non, non, non, psalmodia-t-elle en se relevant. Ne me dis pas qu'il s'est passé quelque chose entre vous, je ne le supporterais pas ! Pas toi ! me supplia-t-elle.


Je ne pouvais plus hésiter et la laisser croire de telles horreurs.


– Rien à voir, Cici.

– Alors, accouche bordel !


La tête baissée sur mes genoux je lui confessai enfin :


– C'est juste...qu'il m'arrive...parfois...de percevoir des choses au-delà de toute rationalité, achevai-je d'une traite.


La sonnerie de son portable nous fit sursauter toutes les deux. Parfait timing ! Nos prunelles se rencontrèrent et ne se lâchèrent plus tandis que la mélodie de "Bed of roses" emplissait l'espace entre nous. Dix longues secondes, toutes deux immobiles. Les dernières notes s'égrainèrent. Elle reprit place à mes côtés dans le canapé dans un souffle qui en disait long. Rayures clair-obscures. Fixant les lumières de la ville qui commençaient à pointer à travers la fenêtre de mon studio du quatrième arrondissement de Paris, elle abattit le couperet que je sentais venir depuis mon aveu.


– Tu veux dire que tu m'aurais caché ça, depuis quinze ans que l'on se connaît ? Ou bien, ça t'est venu récemment ? Ou bien encore, tu ne saurais plus quoi inventer pour parvenir à tes fins ?


Même si je comprenais sa colère, ses paroles cognèrent mon cœur. Elle savait que c'était depuis toujours. Elle le savait. Mais, ne pouvait se résoudre à y croire. Les fondements de notre amitié s'écroulaient devant mes yeux. Car, "aucun secret" en avait toujours été le ciment, notre credo. Valait-il la peine que je réponde ?


– J'aurais préféré que tu couches avec lui...


Elle me transperça de ses yeux verts, se leva de nouveau et ramassa son sac à bandoulière en cuir marron. Une fois ajusté à son épaule, elle se dirigea vers la porte d'entrée, le dos tourné.

Paralysée, j'observais la scène, impuissante. Je l'avais trahie de la pire manière qu'il soit.


– Tu n'es plus mon témoin.


Elle déverrouilla la porte.


– Attends, Cici, tu ne veux pas savoir ce que j'ai vu ?


Elle me fit face, le visage inondé de larmes silencieuses.


– Tu ferais encore confiance à quelqu'un qui t'a planté un couteau dans le dos, toi ?


Je m'avançai d'un pas. Elle me stoppa de son bras tendu devant elle, paume en avant.


– Rappelle-toi, Lili, après la mort de mon père, je t'avais posé la question sur cette faculté que tu avais de sentir les choses avant qu'elles n'arrivent...tu m'as menti. Il n'y a rien d'autre à ajouter.


Elle ouvrit la porte et s'engagea dans l'escalier. Revenue à moi par le claquement de la porte, je m'élançai à sa poursuite, mon rythme cardiaque affolé grondant à mes oreilles. Jamais les quatre étages ne m'avaient parus aussi longs à descendre. La lourde porte d'époque de l'immeuble haussmannien franchie, je l'aperçus à une vingtaine de mètres dans la rue. Elle courait presque.


– TU VAS MOURIR ! m’époumonai-je, essoufflée.


Elle s'immobilisa. Le vent souleva les feuilles d'automne qui s'accumulaient alentour. Elles retombèrent dans un tourbillon, sans bruit. Elle repositionna la bandoulière de son sac sur son épaule et poursuivit sa route, sans se retourner.


Jamais je n'ai autant maudit ce don qui me collait au sens depuis toujours. Celui de prédire la mort. Il fallait que j'empêche celle de Cindy à tous prix. La fin justifiait les moyens. Pour y arriver, je n'avais plus le choix : je me devais de comprendre d'où me venait ce don et pourquoi il m'avait choisie, moi. Je me devais de me regarder en face et de découvrir qui j'étais réellement. Sinon, elle était perdue.


Déterminée, je composai le numéro de téléphone que je m'étais juré d'oublier. On décrocha avant même la première sonnerie, évidemment.


– Lili !

– Oui, maman, c'est moi. Je peux venir ?

– Je t'attendais.

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7 commentaires

Azalyne Margot (miss Ninn)

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Il y a 4 ans

voilà je viens de finir ma lecture. tu as une plume très agréable a lire, fluide et poétique. tu manies les mots avec justesse et c'est vraiment très agréable. ton personnage de Lilith est vraiment bien posé, elle évolue et on la suit sans broncher. le passage dans le jardin est vraiment super et que le créateur sois une femme me plait beaucoup! dommage qu'on ne sache pas plus sur son séjour dans le jardin.. je suis restée un peu sur ma faim. après je ne sais pas si tu avais l'intension de faire des flash back au cours de ton récit... ton dernier chapitre est aussi très beau et très bien décrit on voit très bien les scènes tout on long de ton histoire. tu soignes les détails et on ressent bien ton envie de bien faire et c'est réussi. merci beaucoup pour cette découverte!

Taratah

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Il y a 4 ans

On arrive dans l'époque actuelle. Je me demande ce que tu nous réserves. Hâte de le découvrir😁
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