Marie Andree Explosion et Sentiments 4. Injustice

4. Injustice

Robbie - Vendredi 16 décembre


Aujourd’hui, au garage, ça ne parle que de l’explosion et de sa victime.


Entre deux vidanges, lors d’une pause clope pendant laquelle je ne fume pas, mes collègues essaient de démanteler à eux seuls toute l’organisation mafieuse Aquilon afin de prouver sa culpabilité pour le meurtre de leur membre, Pierre Seradel. L’enquête de police n’en est qu’à ses balbutiements, mais les gars sont persuadés de détenir toutes les réponses.


Certains ont côtoyé la victime en prison et se souviennent d’un mec sympa et droit dans ses bottes. Un mec sympa qui travaillait pour une bande criminelle, tout de même. Bien sûr, le petit dealer que je suis est très mal placé pour le juger. Il ne méritait probablement pas de mourir ainsi.


J’avoue néanmoins que ça ne m’intéresse pas plus que ça. J’ai bien assez de problèmes.


— Et toi, Robbie, t’en penses quoi ? me demande soudain JB, un grand gaillard aux cheveux crépus. Tu l’as peut-être croisé en prison ? Ou tu le connaissais d’avant ? Ou ton père ?


Je me raidis, comme toujours, à la mention de mon géniteur.


— Je le connaissais pas, et pour mon père, je peux pas dire. J’ai pas d’avis sur la question, je suppose que les flics feront à peu près leur travail…


Une expression surprise se promène sur les traits de mon collègue, il esquisse un mouvement de recul. Je le comprends, mon ton sec diffère de ma gouaille habituelle. Je passe la main dans mes cheveux bouclés et soupire tandis que JB s’apprête à rétorquer quelque chose.


— Désolé, le devancé-je avec un geste apaisant. Je suis juste dégoûté que mon contrat s’arrête fin février.

— Eh, moi aussi, mon contrat s’arrête bientôt, intervient Brahim en passant une main sur son crâne rasé. Je devais rester encore neuf mois, mais le boss m’a informé vendredi dernier qu’il y avait plus assez de fonds pour tous nous garder. Il m’a dit que j’étais moins performant que d’autres et donc que je dégageais. Il va quand même m’écrire une lettre de recommandation. J’ai l’impression qu’il m’a bien baratiné.


Mon estomac se contracte un peu à cause de ce sentiment d’injustice qui rôde toujours à la surface : c’est en effet du beau baratin. J’arrête de jouer avec l’une de mes bagues pour poser une main sur l’épaule de mon collègue.


— Ah, désolé, mec, c’est moche. Faut qu’on fasse un tour des garages de la ville pour essayer de trouver autre chose.

— OK !


Je me concentre ensuite sur un changement de bougies sur une Renault Captur et sur une vieille Twingo à qui il ne reste plus longtemps à vivre. J’aime bien les bruits et les odeurs d’ici, ainsi que la satisfaction du travail concret, même si c’est épuisant et qu’on en ressort perclus de courbatures.


À la fin de la journée, j’efface au mieux le cambouis sur mon visage et mes mains : je veux me rendre présentable pour tenter ma chance dans un autre garage, quelques rues plus loin. Brahim ne pouvait pas m’accompagner ce soir, car il a ses enfants ce week-end. Je lui ai cependant promis de me renseigner pour lui aussi – si on ne s’entraide pas entre anciens détenus, on ne s’en sortira jamais. Il a trois enfants, en plus ! Au moins, je n’ai la responsabilité de personne…


Je prends un instant pour admirer les machines et les outils qui ont tous l’air plus récents et en meilleur état que là où je travaille, puis me présente à Nicolas, un mécanicien d’un certain âge. Je lui explique que je cherche un job, car mon contrat de réinsertion chez mon employeur actuel s’arrête plus tôt que prévu. J’ai failli omettre que je suis un repris de justice, néanmoins je n’en vois pas l’intérêt : j’ai appris à mes dépens que la vérité finit toujours par nous rattraper.


Je discute un moment avec le bienveillant Nicolas, qui ne semble pas rebuté par ma situation et qui m’assure qu’il transmettra mes coordonnées et celles de Brahim à son patron dès la semaine prochaine.


Notre entrevue terminée, je me hâte vers ma voiture en serrant les bras autour de ma veste en cuir pour me protéger du froid antibois.


Ce soir, j’ai un date avec Vanessa. Enfin, « date » est un bien grand mot dans ce cas précis : elle doit juste passer chez moi après son shift dans le resto où elle travaille. Mon pote Tim me l’a présentée – je crois qu’elle est amie avec sa meuf. Nous nous sommes vus quelques fois. Bien qu’elle soit jolie et sexy, nos moments ensemble ne déclenchent pas vraiment d’étincelles. Pas de cœur qui bat plus fort, pas d’estomac qui se comprime à l’idée de la revoir. Juste la promesse d’oublier mes soucis durant une petite heure environ.


Je me lasse déjà de nos étreintes sans âme, sans chaleur. J’espère plus.


J’espère une rencontre qui me remuera les tripes et m’échauffera la peau.

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54

54 commentaires

Lorène&Estelle

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Il y a un an

Début plaisant et intrigant ! On a envie de savoir ce qui lui est arrivé et qui la rend si triste.

Marie Andree

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Il y a un an

Merci, j'espère que la suite te plaira !

WildFlower

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Il y a un an

Je suis charmée par ce premier chapitre en tout cas ^^ hâte de découvrir ce fameux Robbie :p

Marie Andree

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Il y a un an

Merci beaucoup, je suis vraiment ravie que ça te plaise.

Emmy Jolly

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Il y a un an

Hâte de rencontrer Robbie alors...

Marie Andree

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Il y a un an

😉😉

Mira Perry

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Il y a un an

Voyons voir ce que raconte ce Robbie alors ^^

Marie Andree

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Il y a un an

😆

Katie P

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Il y a un an

Juste un petite interrogation : je me demande pourquoi elle angoisse à ce point de devoir passer la soirée seule. Je suppose que c'est en lien avec son deuil, mais... Je ne comprends pas trop. Elle vivait avec son père, ou quoi ? Bref, ce serait peut-être bien de glisser quelques indices à ce sujet. (Ou alors c'est peut-être juste mon côté neuroatypique qui fait que je ne saisis pas, c'est possible aussi, hein.)

Marie Andree

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Il y a un an

Non, elle ne vivait pas avec son père, mais c'est juste que quand on est seul, on rumine plus, je trouve, et du coup dans une période de deuil, ce sont ces moments-là les plus durs. Enfin, chez moi, en tout cas. :-)
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