Fyctia
Chapitre II (2/3)
« C’est pour cette raison que vous parlez si doucement ? Parlez plus fort, vous n’êtes pas bizarre. J’ai bien aimé votre réflexion, moi. Elle est intéressante.
— C’est ce que vous pensez aujourd’hui. Vous pensez que c’est intéressant parce que vous avez déjà eu la même réflexion que moi.», répondit Cheryel en grimaçant.
Elle avait de beaux yeux mais une manière de fonctionner difficile à suivre. Gabriel avait du mal en tout cas, son idée première était de l’envisager comme étrange. Mais le mot était mal choisi. Il ne lui allait pas. Elle était plutôt... Inhabituelle. Une sorte de perturbation dans ce quotidien qui l’étouffait, plus que ça, une distraction. Et ceci lui plaisait, il se sentait aimanté. Par la discussion, évidemment.
Il y avait aussi cette douloureuse impression que sa façon d’être lui pesait, rien que dans son attitude. De la place où il la voyait, elle avait l’air toute petite comme si le monde l’écrasait. Et peut-être que c’était le cas. Quelque chose la bridait. Son instinct lui laissait entendre qu’il connaissait, alors il ne pouvait que le remarquer.
Et il se doutait que comme lui, elle s’y complaisait. Et c’était parce qu’il avait la légère impression de la comprendre qu’il savait que ça lui avait coûté de lui parler. De s’arrêter alors que parfois il la voyait courir pour dépasser les escaliers. Oui, lui aussi, il l’avait remarquée mais elle n’était qu’une quelconque observation à laquelle il ne pensait pas donner autant d’importance. Il ne voulait pas s’y intéresser. Pourtant, il l’avait fait.
Comme un coup de pied dans une fourmilière.
Il se rendit à mesure compte qu’il s’était plongé dans un nouveau tourbillonnement de réflexions alors que la fille qui venait de l’aborder attendait sûrement une réponse. Qu’il la contredît ou qu’il confirmât ses propos. Et elle n’avait même pas cherché à lui demander à quoi il pensait. Elle s’était tue, la tête tournée vers le muret de pierre. Elle n’avait pas levé une seule fois son regard vers lui. Comme si, ne pas le voir lui permettait de garder contenance. C’était sûrement le cas. Elle avait besoin de garder contenance. Gabriel en était presque certain.
« Si vous voulez mon avis, en général, une réflexion est intéressante. Parfois, les gens aiment les recevoir, elles peuvent être utiles ou constructives. On peut vous en remercier ou...
— Ou vous prendre pour un idiot et vous dire de garder vos réflexions stupides pour vous.» répondit la jeune demoiselle pensive.
Cette phrase rassemblait une telle évidence qu’il n’avait pas besoin de creuser plus pour savoir que ça ne venait pas d’elle. Elle faisait comme qui dirait... Le perroquet. Et c’était comme un pincement au cœur, car son visage ne prenait pas l’air de la douleur, mais celui de l’ingénue. Une naïveté qui la rendit soudainement attachante. Qui avait osé blesser cette jeune femme pour qu’elle en arrivât là ?
Pourtant, il tenta d’alléger cette phrase. La pousser à lui parler un petit peu. Ce serait sûrement la première et dernière fois qu’ils auraient l’occasion de converser avant de retourner dans leur vie. Alors il voulait explorer chaque goutte de discussion. Chaque goutte, pour s’en souvenir à jamais. Sans lui demander son nom, pour rester encore dans l’inconnu.
« Vous me prenez pour un idiot alors ? Dois-je garder mes réflexions stupides pour moi ? répliqua-t-il, ne pouvant empêcher un sourire de s’afficher sur ses lèvres. Même si elle ne le voyait plus.
— Non ! Non non… Vous êtes pas un idiot. Je pensais juste que j’avais des réflexions stupides et que parfois, il ne valait mieux pas les entendre… Je ne peux pas vous trouver débile. Je ne vous connais pas.»
Cette légère taquinerie l’avait poussée à parler plus fort. Et il eut l’impression d’entendre sa véritable voix. Tout ça pour se faire comprendre et ne pas le vexer, elle tenta même de le regarder avant d’abandonner. Elle se souciait de ses états d’âme, alors qu’il était juste un homme qu’elle croisait et qu’elle oublierait dans quelques temps. Pas lui, il en était sûr. Il était marqué.
« Je blaguais ! Ne stresse pas comme ça, s’esclaffa-t-il à nouveau. Et puis… Je ne serai pas vexé si tu me trouvais idiot. Tout le monde perçoit l’autre comme bon lui semble. Mais chaque personne mérite de l’intérêt. Chaque être humain. » poursuivit-il plus sérieusement.
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