Delinda Dane Let beauty come out of ashes Chapitre 1 - Erynn

Chapitre 1 - Erynn

— Tu vas cartonner, Erynn.

Face au miroir, j’encourage mon reflet. Il n’y a pas de raison que ça ne fonctionne pas, j’ai bossé comme une malade pour ce projet.

Tout va bien se passer…

Je le sens. C’est là, dans mes tripes. Il paraît que les filles de la famille ont ça dans le sang, ce pouvoir de ressentir les choses.

Je vérifie une dernière fois mon maquillage, lisse ma crinière rousse domptée en une haute queue de cheval et tapote mes pommettes.

Je suis prête.

Mon porte-document sous le bras, je quitte les toilettes des dames, traverse l’open space et me dirige vers les ascenseurs.

— Salut bébé.

Je sursaute, attrape ma chemise avant qu’elle ne m’échappe et déverse son contenu sur le plancher.

— Grant, t’es dingue ! Tu m’as fait la peur de ma vie !

Adossé contre le mur, un sourire canaille au coin des lèvres, mon collègue me déshabille du regard.

— Tu es libre ce soir ?

— Ça dépend. Tu proposes quoi ?

En deux pas, il est face à moi et effleure mes lèvres des siennes.

— Un japonais et deux orgasmes. Trois, si tu es sage.

L’ascenseur arrive au même instant.

Grant est joli garçon, mais au lit, ses performances sont lamentables. Seul argument en sa faveur : sa température corporelle anormalement élevée, et la promesse d’avoir les fesses au chaud.

La météo est clémente en ce moment, aussi je décline poliment.

— Une prochaine fois, peut-être…

Je le contourne, entre dans la cabine et appuie sur le bouton du dernier étage. Avant que les portes ne se referment, il me lance :

— Wallace, cette robe te fait un cul d’enfer.

— À deux cents livres, j’espère bien !

Ce qu’il ignore, c’est que j’ai sauter le dîner de la veille ainsi que le petit-déjeuner pour pouvoir rentrer dans cette merveille, achetée exprès pour la réunion.

Ma voisine et amie a cru défaillir quand elle a vu le prix, mais je me suis empressée de la rassurer. « C’est un investissement », lui ai-je dit. Si j’obtiens cette augmentation comme prévu, la robe sera amortie et j’aurais de quoi solder le crédit de mon prêt étudiant.

L’ascenseur s’arrête avec un léger soubresaut, j’en sors et me retrouve face à un long couloir. Mes talons s’enfoncent dans l’épaisse moquette. Je fais à peine trois pas quand je sens vibrer mon sein droit.

Mince ! Mon téléphone !

Je scrute le plafond pour m’assurer qu’il n’y a pas de caméra et plante mes doigts dans mon décolleté. Je récupère l’appareil dans mon soutien-gorge pour l’éteindre, mais le nom sur l’écran m’en empêche.

Je décroche et murmure :

— Allô, papa. Je peux te rappeler ?

— Ma chérie…

À son timbre fatigué, je comprends que quelque chose cloche.

— Est-ce que tout va bien ?

— C’est… c’est… ton grand-père, il vient de nous quitter.

La main crispée autour de mon téléphone, je ferme les yeux.

Oh, non… Pas grand-père Wallace…

Je n’étais pas vraiment proche de lui, cependant j’ai beaucoup de peine pour mon père. Dans un silence pesant, brisé par ma respiration, je l’écoute m’expliquer qu’il s’en est allé dans son sommeil.

— Il sera inhumé dans l’après-midi.

— Dans l’après-midi ?

Si je me dépêche, je peux être à l’aéroport dans une heure.

— OK. J’arrive, je prends le premier avion.

Face à moi, la salle de réunion. Adieu augmentation…


***


Trois heures plus tard, je suis à l’aéroport de Glasgow. Dans mon souvenir, il paraissait bien plus grand. C’est fou comme la perception est altérée quand on est enfant…

Je traverse le hall en traînant ma valise qui couine comme un phoque agonisant. Saleté de roue boiteuse !

Mon téléphone entre les doigts, je rédige un court message que j’envoie à mon père pour le prévenir de mon arrivée.

Face à moi, une petite assemblée est venue accueillir ses proches. Parmi la foule, pas l’ombre d’un tartan ou d’un kilt en vue. Nous sommes bien en Écosse, non ?

Dans ce cas, où sont les valeureux highlanders baraqués à souhait et jouant de la cornemuse, promis dans ce spot de l’office du tourisme ?

Les mots « publicité mensongère » se matérialisent dans mon esprit…

Déçue, je me dirige vers la borne de taxi où une petite file se constitue déjà. Les têtes se tournent. Forcément, l’animal mourant que je traîne comme un poids mort attire tous les regards.

Un léger vent frais soulève mes boucles folles, me faisant ressembler davantage à Mérida qu’à Emma Stone. Les laver avant de prendre l’avion : mauvaise idée. Très mauvaise idée…

Au terme d’une longue attente, c’est enfin mon tour.

Un chauffeur, la cinquantaine passée et le visage dévoré par une épaisse barbe rousse, me tend la main.

Je lui confie mon bagage et m’installe sur la banquette.

— Où est-ce que j'vous emmène, ma p'tite dame ?

— Dans le comté de Galston.

— Ça va vous coûter dans les deux cents billets, j’préfère vous prévenir.

Deux cents livres… Bigre ! J’aime mieux ne pas penser à l’état de mes finances au terme de ce court séjour.

Après plus d’une demi-heure pour sortir du centre-ville de Glasgow, nous sommes enfin en route vers le sud. Le front contre la vitre, je laisse mon regard se fondre sur les paysages luxuriants.

— Vous êtes anglaise.

Ce n’est pas une question, plutôt une affirmation.

— Raté.

— Ha, ça m’étonnerait.

Et pourtant…

— Ma main à couper que vous en êtes une.

— Dans ce cas, vous pouvez dire adieu à votre main…

Monsieur le fouineur se pourfend d’un rire gras.

— Vous êtes une sassenach.

Je fronce les sourcils.

— Vous faites pas de bile, sassenach n’est pas une injure, ma p'tite dame.

— Merci pour la précision, j’ai assez regardé Outlander pour comprendre un ou deux termes du jargon écossais.

Sassenach et Aye.

— Qu’est-ce qui vous amène par ici ? me demande mon chauffeur.

— Un décès.

Ma réponse jette un froid, ce qui par chance, annihile la curiosité du conducteur. Ainsi, je peux retourner à mes pensées.

Une secousse me fait bondir. J’ignore à quel moment précis je me suis endormie, mais une chose est sûre, je ne suis pas rassurée pour un sou.

— Qu’est-ce qui se passe ? je demande, désorientée et un peu flippée aussi.

— Rien d’grave, j’suis crevé.

— Vous êtes crevé ?

Ma montre affiche treize heures. Il ne va quand même pas faire la sieste maintenant, si ?

Le taxi ralenti… OK, c’est le moment d’utiliser ma voix sérieuse.

— Hum… Écoutez Monsieur, je comprends que vous puissiez être épuisé, je l’entends parfaitement.

— Heinnn ?

Un bâillement déforme sa bouche.

— Ce n’est pas le moment de dormir, enfin !

— Dormir ? Vous avez sommeil ?

Je lève les yeux au ciel. Si tout le monde est comme lui, je comprends pourquoi ma mère s’est tirée d'ici vingt ans plus tôt.

— Je parle de vous.

— Vous voulez dormir avec moi ? Pardon, ma p'tite dame… Mais, ça va pas être possible…

OK. J’abandonne.

— J’ai déjà une grosse Bertha qui m’attend à la maison, vous comprenez.

— Une grosse Bertha, que c’est charmant. Bertha a vraiment de la chance...

— Ah, quand j’vais lui raconter que vous m’avez trouvé charmant, elle voudra jamais le croire !

Je me demande bien pourquoi…

Le conducteur immobilise son taxi sur le bas côté et se tourne vers moi.

— Vous savez changer une roue ?



Tu as aimé ce chapitre ?

63

63 commentaires

Andrée Martin

-

Il y a 3 ans

Bah, il n'y a pas de suite ???

Delinda Dane

-

Il y a 3 ans

Coucou, non pas de suite sur Fyctia, cependant l'histoire a entre-temps été publiée sous le titre "Scottish Rhapsody". Tu peux donc la trouver en numérique et broché sur tous les stores.

Andrée Martin

-

Il y a 3 ans

Merci ☺️☺️☺️

Andrée Martin

-

Il y a 3 ans

J ai lu Stairway to heaven et c est juste génial ❤️ je commence sur fyctia et tu es un modèle 🙏🙏🙏

enaeco_auteure

-

Il y a 5 ans

Je suis à jour chez toi :)

Aimée

-

Il y a 5 ans

Un style entraînant dès le début, des personnages bien définis.. bravo, je débarque juste sur Fyctia et je crois que tu es mon autrice préférée :)

Emmanuelle TZ

-

Il y a 5 ans

tu participes ;-) chouquettes à jour et je prendrai le temps de te lire demain ;-)

Christelleherve Etleslivres

-

Il y a 5 ans

La suite la suite la suite lol

Lou.R.Delmond

-

Il y a 5 ans

J'ai hâte de découvrir la suite, la narration me fait déjà beaucoup rire ; c'est très bien écrit et très rafraîchissant, je suis fan ! Je venais faire l'opération chouquette, j'en ai profité pour lire et je ne suis pas du tout déçue !

Bulle d'Auré

-

Il y a 5 ans

opération chouquette à jour :)
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.