Fyctia
Chapitre 4 - Coeurs liés
Trois semaines plus tard…
« Hum, hum, hum, j’aime, j’aime les fleurs.
Hum, hum, hum, j'aime, j'aime leur odeur.
Hum, hum, hum, elles embaument mon petit cœur… »
Jim fredonne difficilement cette comptine en boucle depuis quelques minutes déjà. Ce sont les premiers mots qu'il prononce depuis son enfermement. Aujourd'hui, les infirmiers ne sont pas passés pour son injection régulière d'halopéridol. Elle agit sur lui comme un calmant. La dose administrée le rend amorphe, une vraie loque. Il est avachi dans un coin de sa cellule. Peu à peu, les effets du traitement de la veille se dissipent. Il reprend péniblement le contrôle de son corps. Il réussit à faire danser son index en le tapotant contre le sol capitonné. Des images défilent dans sa tête; son sourire, ses belles boucles dorées, son regard qui lui disait tout l'amour qu'elle avait pour son papa. Il visualise Léa. Il se revoit lorsqu’il la bordait avant de dormir. Il se souvient de ses petites mains qui s'agrippaient à son bras pour le retenir encore un peu près d'elle. Sa fille lui manque tellement. Il lui est difficile d'admettre qu'elle soit morte.
Il continue de chanter même s'il a la bouche sèche. Sa voix couvre ce silence qui lui colle à la peau depuis presque un mois. Dans cette petite cellule de cinq mètres carrés, la solitude le contraint à se retrouver en tête à tête avec lui-même. Malgré son état, son esprit émerge à nouveau. Il fait le tour de tous les scénarios possibles et imaginables sur la révélation que lui avait fait Pierre. Mais, il s'attarde sur deux hypothèses qui lui paraissent les plus plausibles. Il est persuadé que Jane l'a trompé avec Franck. Et que si Léa n'est pas sa fille alors Franck est forcément son père. Il est encore fou de rage envers celui qu'il considérait comme un ami. Ses ressentiments inhibés refont surface, mais il n'a pas la force de se lever.
Le bruit du loquet de la porte qui s'ouvre perturbe Jim dans ses pensées. Deux infirmiers baraqués rentrent. Jim n'a même pas le temps de réaliser ce qu’il se passe. L’un d’eux le relève et l’aide à se ternir debout, et l’autre lui enfile une camisole de force. Jim se laisse faire, impuissant. Les deux grands balèzes le font s'assoir sur un fauteuil roulant. Ils le dirigent vers ce couloir très sombre. Ce couloir a pour seul éclairage, les lumières passant par le hublot des portes des cellules adjacentes. Des ombres d'hommes et de femmes se dessinent sur les murs. Des cris sourds sortent de chacune de ces pièces. Au fond, il voit une personne vêtue d'une combinaison de protection médicale qui couvre tout son corps, y compris son visage. Il pousse un homme inerte et contentionné sur un brancard. Il fait un signe de la tête à ses deux collègues pour les saluer. Une ambiance angoissante règne en ces lieux. Le cœur de Jim palpite de peur…
Pendant ce temps-là…
« …hum, hum, hum, elles embaument mon petit cœur… ». Léa joue à la poupée en entonnant cette chansonnette qu’elle aime tant. Elle la fait tournoyer et danser sur son lit. Tout d’un coup, elle ressent des vibrations de moteur qui tourne au loin. Elle se concentre un instant. Puis, elle se précipite à la fenêtre pour regarder à travers les rideaux. Elle compte à rebours en chuchotant : « Trois, deux, un… ». Elle reconnait la vieille Peugeot 205 de son grand-père qui arrive. Il se gare devant la maison des voisins en face de la rue. Il descend de la voiture avec les bras chargés et se dépêche de traverser la route.
Très heureuse de cette visite, elle lâche sa poupée et s’empresse de descendre les escaliers pour retrouver son papou adoré. Alors qu’elle pose son pied sur la dernière marche de l’escalier, elle assiste à une drôle de scène. Elle décide donc de se faire discrète et de s’assoir pour regarder ce qu’il se passe à travers la rampe d’escalier.
« Entre vite, chuchote Jane. Personne ne t’a suivi ?
— Non, personne. J’ai fait exactement comme tu m’as dit.
— Ta voiture ?
— Devant la maison des voisins.
— Les passeports, tu les as ?
— Oui, ne t’affole pas. Tout est là.
Il lui tend un petit sac, un peu plus grand qu’un portefeuille. Elle le prend et serre son père dans les bras.
— Moi aussi papou, je veux un câlin ! s’écrit Léa. »
Les deux protagonistes sont surpris par la fillette. Jane met rapidement la petite sacoche dans la poche arrière de son pantalon. Pierre invite sa petit-fille à lui sauter dans les bras. Il l’attire avec une sucette à la fraise. Léa court vers lui, contente de retrouver Pierre. Elle ne l’a pas vu depuis le jour où il les a déposés dans cette vieille maison de vacances. Jane et ses parents y passaient tous leurs étés lorsqu’elle était petite.
Jane monte à l’étage avec les sacs vides que son père lui avait amené. Pierre propose à Léa de cuisiner des œufs, son voyage lui a donné faim. Léa s’installe à la table de la cuisine pour le regarder faire. Elle commence à lui faire des confidences :
« Papou tu m’as manqué, tu sais ?
— Moi aussi, ma princesse, il se retourne pour lui faire une bise sur la joue.
— Papa aussi me manque, ajoute-t-elle en baissant les yeux.
Pierre la regarde sans un mot, émue par ce qu'il vient d'entendre. Il continue de cuisiner.
— Il ne vient plus me rendre visite. Je ne le ressens plus.
Le papou écarquille les yeux et s’arrête de brouiller les œufs. Il tente alors de comprendre ce que veut lui dire l’enfant.
— Tu ne le vois plus en rêve ? Tu ne rêves plus de lui, c’est ça ?
— Non, pour de vrai. Je pense qu’il est fâché après moi. Il ne voulait pas jouer avec moi dans le jardin la dernière fois. On aurait dû l’attendre avant de partir de chez nous. »
Pierre sursaute à l'écoute de ce petit monologue. Il lâche la spatule qu'il avait à la main. Jane descend à ce moment précis avec les sacs remplis et fermés. Elle a un nouveau look. Elle porte une perruque rousse à cheveux courts. Elle est habillée avec des vêtements d’homme. Léa regarde sa mère bouche bée.
« Fais attention papa ! Les œufs sont en train de bruler. Tu vas foutre le feu à la maison !
— Mince !
Pierre éteint la gazinière et jette la poêle dans l’évier.
— Maman, pourquoi tu t’es déguisé ? C’est la veste de papa que tu portes.
— Je change un peu mon look, tu ne trouves pas ça joli ?
— On va encore partir ?
— On va faire un voyage en avion. Papou va nous déposer à l’aéroport.
— Mais papa il saura pas où on va…
— Ne t’inquiète pas, il nous rejoindra dès qu’il ira mieux. Va chercher ta poupée. On s’en va dans quelques minutes.»
Léa est émue aux larmes. Elle s’exécute et monte dans sa chambre pour récupérer sa poupée et une photo d’elle avec son père qu'elle cache sous son oreiller. Avant de sortir, Jane met une perruque brune et une casquette à sa fille. Lorsque tout le monde est à bord, Pierre démarre la voiture et roule.
Quelques mètres plus tard, un SUV noir aux vitres teintées croise leur route en sens inverse. Elle semble se diriger vers la maison qu’ils venaient de quitter…
17 commentaires
Lucile Tizon
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Il y a 2 ans
Océane Ginot
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Il y a 2 ans
Gottesmann Pascal
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Il y a 2 ans
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Andrée Martin
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Il y a 2 ans
Firenze
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Il y a 2 ans
Sherryn AMAZ
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Il y a 2 ans