Fyctia
4. La Tombée des Étoiles
Surprise par cette voix inconnue, mais terriblement sensuelle et le contact de sa peau contre la sienne, Amber se tourna lentement, une singulière intuition guidant ses mouvements délicats et mesurés. Son étui gisait encore à ses pieds, et le verre de son cocktail trônait fièrement sur le bar, vide de toute substance alcoolisée. La tête cotonneuse, enveloppée dans l’atmosphère lourde et chaleureuse de la salle, elle fit face à l’étranger en écartant une mèche de ses épais cheveux blonds qui balayaient ses reins dans un doux balancement.
Lorsqu’elle découvrit le visage assombri d’Alessandro et ses yeux intenses, le cœur de la jeune femme rata un battement, et elle sentit son corps s’élever et tomber en même temps, perdue dans les iris azurés de l’Italien, minuscules vivaces lumières dans cette obscurité où il ne voyait qu’elle. La pression de ses doigts s’accentua faiblement sur le bras mince d’Amber, et le profil de l’homme s’orna d’un sourire charmeur. Amber laissa Alessandro se rapprocher légèrement d’elle afin de mieux respirer son odeur, une expression énigmatique se peignant sur les traits de la musicienne. Ses picotements parcouraient son corps.
— Alors que dis-tu d’un verre ? insista-t-il sans fléchir, enivré par la présence d’Amber.
La lumière bleutée et violette des néons au plafond, cachés par les filets de cordes, éclairait si vivement le tissu fluide de la robe d’Amber qu’Alessandro parvenait à distinguer les contours de sa poitrine. Un instant, il se demande si elle portait un quelconque sous-vêtement pour maintenir son buste. Le décolleté profond invitait l’œil d’Alessandro à s’y glisser et se lover contre la peau de la jolie blonde. Cependant, le timide sourire qu’elle lui retourna le convaincu de se contrôler encore un peu.
Il ne gâcherait pas cette opportunité. Si tout se déroulait selon ses espoirs, il aurait bientôt la chance de les sentir contre son torse et de les saisir à pleines mains en l’embrassant à en perdre la raison.
Mais pour l’heure, Amber souriait, d’un sourire aussi harmonieux que la musique qui se jouait dorénavant entre eux. Une mélodie simple et pianotée avec lenteur, des notes douces et claires telles des gouttes d’eau chutant vers une minuscule flaque. Elle haussa les épaules et plissa les yeux, malicieuse.
— S’alcooliser avec un étranger dans un bar sombre ? Quelle proposition alléchante, s’amusa la jeune.
Alessandro s’apprêtait à lui répondre avec une verve surprenante, mais Amber se rassit sur la chaise avec une grâce mélodieuse qui retint l’attention de l’Italien durant un instant. Elle le contempla derrière ses yeux gris, les lèvres toujours relevées dans une expression mutine. Alessandro appuya son coude contre le bar, sans détourner son regard. Les traits d’Amber, la douceur de son visage, la couleur rosée de sa bouche, elle possédait encore ce magnétisme et cette aura unique qui l’avait captivé dès la première minute. Impossible de ne pas s’attarder sur la perfection de son profil.
— Une bouteille de votre meilleur rouge, je vous prie ! héla-t-il à l’attention d’un serveur qui se tenait de dos.
Amber suivit le regard d’Alessandro, juste à temps pour voir Harper se retourner, les sourcils froncés. Leurs yeux se croisèrent un instant tandis qu’il s’avançait vers eux d’un pas lourd. La jeune femme écarta une mèche blonde, et soutint son menton sur sa main, dévisageant tour à tour Harper et Alessandro. Le serveur aux cheveux noirs attrapa deux verres à pied qu’il déposa devant eux, et y ajouta une bouteille de vin assortie d’une assiette d’olives. Au fond de la salle, les danseuses achevaient leur spectacle et déambulaient dorénavant entre les tables pleines de clients aux regards avides et aux jambes tremblantes de désirs. Les jeunes femmes conservèrent leurs chapeaux, si bien que l’on ne pouvait pas deviner leurs traits ; simple corps mouvant dans la foule, les yeux suivaient leurs déplacements, s’insinuant sur leurs courbes, dans leurs vêtements et dans leurs tignasses. Amber percevait littéralement la chaleur hérisser leurs peaux et rebondir sur les hommes fascinés et les filles languissantes.
Minuit passé, le bar s’était rempli peu à peu, et il devenait de plus en plus difficile de résister à la lourdeur induite par les alcools forts et les désirs inavoués, fumée volatile au-dessus de leurs têtes. Les yeux d’Amber papillonnèrent en se concentrant de nouveau sur Alessandro, qui ne l’avait pas lâché du regard. Son cœur rata un battement, n’osant espérer une tournure plus conforme aux visions qui emplissaient son esprit.
Il attrapa sa main avec une délicatesse étonnante pour un homme aussi imposant, et à l’expression si ténébreuse et sévère. Elle resta de marbre, tentant de lui communiquer les émotions nouvelles qu’elle ressentait avec ses prunelles. Harper interrompit ce bonheur suspendu à ce moment :
— Cela fera soixante euros, s’il vous plaît.
Sans mot dire, Alessandro fouilla dans le revers de sa veste et lui tendit sa carte d’un air nonchalant, sans prendre la peine de tourner le visage vers lui, trop concentrée sur Amber. Le jeune Italien se retint de soupirer et se contenta de lever les yeux au ciel face à l’indifférence d’Alessandro. Amber aurait probablement éclaté de rire devant sa mine déconfite, mais la main de l’homme qui effleurait ses cuisses l’en dissuada.
Le patron de Classics Heartbeat Records composa le code de carte bleue, et attendit patiemment qu’Harper s’éloigne, avide de converser avec Amber. La présence du serveur le dérangeait, et les regards alertes qu’il paraissait lui envoyer l’agaçaient étrangement. Qu’avait-il à tenter de détourner son attention, de s’approprier un instant qui n’appartenait pas qu’à lui ? Il éprouva tout de suite une forte antipathie à l’égard de cet homme ; raison de plus pour fuir cet endroit avec Amber pour un lieu plus tranquille et plus propice à faire frémir leurs désirs et leurs passions.
Sans qu’il ne le veuille, sa main remonta un peu plus haut sur la cuisse d’Amber, qui se mordit instinctivement la lèvre avec une sensualité excita davantage le jeune homme, et acheva de le convaincre : il en réclamait encore plus. Toutes les réactions possibles, pour son âme et sous ses coups de reins.
Elle interrompit cet instant en saisissant son verre, et le porta juste devant ses yeux. Alessandro la suivit, un sourire séducteur sur les lèvres.
— Aux inconnus qui hantent les boîtes de nuit, proposa la jolie musicienne.
— Aux rencontres qui valent la peine de patienter, ajouta Alessandro.
Elle pouffa et ils trinquèrent, les yeux dans les yeux, et avalèrent une gorgée de la boisson alcoolisée. Alessandro s’attarda un instant sur les doigts délicats d’Amber, puis reposa son verre.
— Je dois t’avouer que je ne suis pas un complet inconnu, commença-t-il d’une voix douce. Je préfère me qualifier d’admirateur de longue date.
— Vraiment ? Pourquoi ne t’es-tu jamais manifesté ?
— As-tu conscience de tout le courage qu’un homme doit rassembler pour aborder une femme telle que toi ?
5 commentaires
Sand Canavaggia
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Il y a 6 ans
Kalehu
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Il y a 6 ans
RedPhoenix
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Il y a 6 ans
Lollly
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Il y a 6 ans