Fyctia
4
Aujourd’hui
Il est 17h00, lorsque j’ouvre les yeux. Je prends mon service dans deux heures et, sincèrement, je ne suis pas motivée à quitter le confort de mes draps. Je pivote sur le flanc en remontant la couverture sur mes épaules, me disant que trente minutes de sommeil supplémentaire seraient les bienvenues, lorsqu’un vacarme assourdissant me fait sursauter.
—Nina ? Nina, tu es réveillée ? s’écrie Ezer de l’autre côté de la porte. Ruinant mes projets de sommeil.
—Maintenant, oui !
Je rumine et la maudit intérieurement.
Bien entendu, elle n’attend pas que je l’invite pour faire irruption dans ma chambre. Je m’offusque !
—Hey ! dis-je en la voyant débarquer à la manière d’une tornade brune, enfermée dans une robe bleue. Tu pourrais frapper avant d’entrer !
Ezer me toise un instant, puis ses grands yeux scrutent la pièce avec un sourire en coin.
—Pourquoi ? Il y a un mec planqué ici ?
—Si c’était le cas, tu ne te serais jamais remise de ce que tu aurais vu.
—Si c’était le cas, reprend-t-elle, tu serais peut-être un peu moins coincée ! ça te ferait du bien de tirer un coup, de temps en temps.
Je saisi un oreiller et le balance à travers la pièce en essayant, tant bien que mal, de viser son visage. Malheureusement je manque de force au réveille, et Ezer a de si longs bras, qu’elle n’a aucune peine à l’attraper en plein vol. Je me cache sous la couverture, frustrée.
—Allez, debout fainéante ! lâche-t-elle en me montant littéralement dessus.
—Non, je veux mourir!
Ezer arrache la couverture.
—Une autre fois, peut-être. Je pourrais même t’y aider, si tu veux. Mais aujourd’hui c’est pas le meilleur jour, déclare-t-elle. Je proteste.
—Pourquoi ? Il y a une promo sur les sushis, aujourd’hui ?
Depuis que nous sommes arrivées à Paris, Ezer s’est trouvé une véritable passion pour le riz froid, surmonté d’algue et de poisson. Berk !
—Je ne sais pas, il va falloir que je vérifie.
—Alors, c’est un jour aussi bien qu’un autre.
Je n’ai plus ni couverture, ni draps pour me protéger, cependant je n’ai nullement l’intention de quitter le lit avant au moins dix bonnes minutes.
—On fait un marché ! lance Ezer. Tu te lèves, et je te tuerai moi-même. Mais pas ce soir, annonce-t-elle. J’ai trop besoin de toi !
Ezer qui propose un marché ? Tiens donc, ce n’est pas dans ses habitudes, et, je crains le pire !
—J’ai compris. Il y a du ménage à faire, c’est ça ?
Ezer pouffe de rire. Ses soubresauts m’écrasent les jambes :
Aie !
—Oui, aussi, ricane-t-elle. Mais c’est pas ça le plus important. Aujourd’hui, c’est le grand jour !
—De quoi tu parles ?
C’est à ce moment-là que je m’aperçois que ses grands yeux brillent de mille feux. Ce qui n’arrive que rarement lorsqu’elle n’a pas bu au moins deux verres.
—Regardes qui vient de poster sur Insta qu’il sera à ton bar, ce soir !
Elle me colle son immense IPhone au bout du nez, si bien que j’y vois floue, —enfin… pour le peu que j’y vois, sans mes lunettes. J’attrape ses poignets pour l’obliger à reculer le téléphone, et une silhouette masculine se dessine sans que je ne la reconnaisse.
—Thomas ! s’écrie-t-elle, et elle perce mes tympans. Thomas Clairefontaine va se produire dans ton bar, ce soir ! C’est fou, non ? Enfin le destin nous sourit !
—Euh… ouais, c’est qui ?
Là, Ezer est à deux doigts de s’étouffer !
—Tu te fous de moi ? C’est le chanteur Français à la mode en ce moment ! Sérieusement, Nina, c’est toi la chanteuse du groupe et tu ne sais pas qui il est ?
Je ronchonne, tandis qu’elle écrabouille mes jambes.
—Oh, excuses-moi de ne pas être une pro de l’actualité people, comme toi ! dis-je en grimaçant. Par contre, je vais finir handicapée si tu continues à me sauter dessus !
Ezer descend du lit, et je retrouve enfin l’usage de mes jambes.
—Tu te rends compte que si j’arrive à prendre un Selfie avec-lui, mon nombre de followers va juste exploser ? Et, comme tu es mon amie et que tu travail là-bas… tu pourras certainement trouver un moyen pour que je le rencontre en privé !
Ezer sautille sur place ! Je ne l’avais jamais vu aussi excitée que le jour où elle a franchi le cap des cent followers. Il y a un an, déjà !
—En plus, je pourrais peut-être faire une Story ! Tu imagines ?
Elle frappe dans ses mains, tout en dansant au beau milieu de ma chambre, et j’abandonne tout espoir de fermer les yeux.
—Allez, bouge ton gros cul et vas travailler ! Fait-elle en me lançant mon oreiller.
Sauf qu’elle, elle ne se rate pas et il m’atterrit en pleine poire !
—C’est bon, tu as gagné !
Le calme revient enfin lorsque Ezer quitte la pièce. Sauf que, elle marque un arrêt avant de sortir, et balaie la chambre du regard :
—Et, penses à faire le ménage ici. C’est le bordel !
Elle m’adresse un clin d’œil et me tire la langue avant de refermer la porte derrière-elle. Je balance mon oreiller sur la porte, et la manque ! Bon bah… je suis prête pour une corvée de rangement, dès le réveille !
Après une bonne douche et vingt minutes d’autobus, je parviens au bar juste à temps pour me changer et prendre place derrière le comptoir. Jordan, Émilie et Mouss sont déjà là eux aussi, et s’affairent à la mise en place des différentes boissons, tout en échangeant sur l’actualité. Comme toujours, personne ne s’aperçoit de ma présence jusqu’au moment où je dois m’excusée pour me frayer un chemin et rejoindre « mon coin de service ». Ils me saluent vaguement en poursuivant leur discussion, et je saisi au vol les mots « Thomas Clairefontaine ». Ok, c’est le fameux gars dont Ezer m’a parlé, celui qui doit se produire ici ce soir, mais je n’ai toujours aucune idée de qui il est, ni même de ce qu’il chante. La remarque d’Ezer me frappe en plein visage : « C’est toi la chanteuse du groupe, et tu ne sais pas qui il est ! ».
Il me reste quelques minutes avant l’ouverture, et je travaille ici depuis suffisamment longtemps pour savoir exactement ce que j’ai à faire. On a beau être dans un bar, avec des clients qui changent tous les soirs, —mis à part quelques habitués—, mais j’ai l’impression d’être à l’usine, tellement ce job est répétitif ! Je profite du calme —qui ne va pas durer—, pour rechercher « Thomas Clairefontaine » sur le moteur de recherche de mon téléphone, et glisse les écouteurs dans mes oreilles. On s’agite autours de moi. Je croise mes camarades serveurs qui coulissent derrière le comptoir, en quête de verre de toutes tailles et de toutes formes, tandis que dans la salle, un groupe d’hommes s’occupe de préparer la scène.
1 commentaire
Nessa Klaus
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Il y a 2 ans