Fyctia
Chapitre 9 - Mohax (partie 2)
Les murmures cessent, remplacés par des regards résolus et tenaces. Les hommes et femmes présents savent que les prochains jours seront cruciaux, non seulement pour la survie du pays, mais aussi pour la solidité de notre nouveau régime. C’est pour ça qu’ils m’ont choisi. Pour ma force intérieure et ma témérité. Parce que je n’ai pas froid aux yeux.
Je pointe du doigt les différentes positions stratégiques de la carte.
‒ Nous lancerons notre attaque principale ici, dis-je en montrant la côte la plus vulnérable de Demia. Pendant ce temps, des unités plus petites se déplaceront vers l’intérieur des terres pour couper leurs lignes de ravitaillement.
‒ Et si les cités sous-marines interviennent ? demande encore Kael, préoccupé.
‒ Nous devons préparer nos défenses navales et établir des alliances avec les îles célestes. Leur neutralité actuelle pourrait basculer en notre faveur si nous leur offrons suffisamment d’incitations.
Je regarde chacun de mes fidèles un à un. Je leur voue une confiance totale, et décide d’être honnête.
‒ Ce ne sera pas facile, mais la victoire est à notre portée. Ensemble, nous forgerons un nouvel empire, un empire qui ne craint personne.
‒ On va verser leur sang, ronger leurs os et se repaître de leur chair.
Surpris, je hausse un sourcil.
‒ Excusez-moi ? je m’exclame.
Mes fidèles me regardent avec surprise.
‒ Personne n’a rien dit, avance Pashia, la fille d’un noble azharien.
‒ Tu devrais prendre un peu de repos, me suggère Kael.
‒ Les leaders d’envergure ne connaissent jamais de répit.
Je me masse les tempes, tâchant de chasser la voix.
‒ Tu as raison, je réponds à mon ami. Je vais aller prendre un peu l’air.
Je repousse ma lourde chaise et me lève. Un des gardes qui veille sur la porte l’ouvre en grand et s’efface pour se laisser passer. Une musique électronique assourdissante m’accueille, avec ses basses profondes et ses rythmes entraînants. La salle d’arcade est baignée dans une lueur de néons multicolores, avec des teintes vibrantes de bleu, violet et rose qui se réfléchissent sur les surfaces métalliques des écrans. Des panneaux lumineux intégrés aux murs et au sol diffusent des motifs dynamiques qui changent selon les jeux ou les évènements spéciaux. Les joueurs rivés sur les bornes cuivrées s’arrachent de leur monde virtuel pour me saluer avec respect quand je passe devant eux.
Finalement, j’atteint la sortie et prend une grande inspiration. La brise charrie des odeurs de nourriture du marché nocturne. Il fait encore chaud malgré l’heure tardive.
La rue où se trouve la salle d’arcade est située en bas d’une forêt en pente. Là-haut, une forme sombre attire mon regard. Est-ce des ennemis sont embusqués dans les fourrés ? J’aurais peut-être dû demander à des gardes de me suivre. Depuis le coup d’état, nombreux sont ceux qui regrettent Basir Al Arachi. Enfin, si je me suis hissé jusque-là, ce n’est pas pour paniquer à la vue de quelques ombres mouvantes.
‒ Bien dit ! grogne la voix. Approche si tu es un homme.
Je décide de m’avancer sous le couvert des arbres, mes bottes s’enfonçant dans la terre et la mousse du terrain escarpé. Heureusement, grâce à ma passion pour le football, je suis en bonne condition physique.
Je manque de trébucher et m’accroche de justesse à une racine. Le sentier est abrupt, mais je tiens bon. Enfin, j’arrive dans une petite clairière où le soleil déclinant plonge la plaine dans le clair-obscur.
‒ Où es-tu ? je crie. Montre-toi !
Je sens une présence derrière moi. Je pose ma main sur la poignée de mon épée, prêt à me défendre.
‒ Pas besoin de hurler, je suis là.
Je fais volte-face et aperçoit un loup argenté au regard mauvais. Sa truffe et les poils blancs de sa gorge sont tachés du sang frais de ce qui doit être sa dernière proie.
‒ Qui es-tu ? je m’enquis.
‒ Ton compagnon d’armes, répond le loup dans ma tête.
Je reste pétrifié. Seuls les mages ont le pouvoir de se lier à un familier, et d’entendre sa voix dans son esprit. Cela montre que leur magie s’est enfin éveillée. Est-ce vraiment qui je suis ?
‒ Bien, je déclare. Quel est ton nom ?
‒ Varg.
‒ Rentrons au Palais, Varg.
Sur le chemin de retour, je reste songeur. J’ai toujours vu mon avenir comme celui d’un leader militaire et politique, non comme un mage. C’était impossible. Il devait y avoir une erreur. Rien ne pouvait me détourner de mes ambitions initiales. Mon destin est de régner sur la cordillère d’Azhar, pas de me perdre dans des sortilèges et incantations.
Pris d’une rage soudaine, je me tourne vers le loup qui me suit à distance.
‒ Qu’est-ce que tu fais encore là ? Retourne d’où tu viens, ou tu vas le regretter !
Varg découvre ses crocs ensanglantés en une ébauche de sourire.
‒ Impossible. Nous sommes liés. Et je sens qu’on va bien s’entendre.
Je soupire et reprends ma route. Le Palais n’est plus qu’à quelques minutes. Il se dresse non loin de là, majestueux avec ses mosaïques colorées représentant des motifs géométriques et floraux typiques de l’art azharien. Les arches en ogive immaculées dentellent l’édifice, et des sentinelles patrouillent sur les remparts. Des jardins suspendus s’étendent en terrasses, regorgeant de plantes exotiques et de fontaines rafraîchissantes. Tout cela est à moi à présent.
Arrivé au Palais, mes soldats se mettent au garde-à-vous. Je pénètre à l’intérieur et me dirige vers mes appartements, Varg sur mes talons. Des voiles et des tissus aussi rouges que mes cheveux sont tendus au plafond. Sur mon bureau, une pile de missives vacille dangereusement.
Au sommet se trouve une lettre avec des armoiries que j’identifie tout de suite. Le sceau de l’empereur Ambrose, qui règne sur tout l’empire de Midori.
Je sais déjà ce que contient cette lettre.
9 commentaires
Livia Tournois
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Il y a 5 mois
Noémie_
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Il y a 5 mois
Anthony Dabsal
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Il y a 5 mois